Si l'avenue Georges Henri reste abordable, les prix autour s'affolent : "Jusqu'à 1,5 million d’euros pour les plus belles maisons"
Dans le quartier Georges Henri, la commune de Woluwe-Saint-Lambert souhaite éviter la pression sur les prix des maisons. D’autres quartiers, comme celui voisin de Tomberg, comptent plus d’appartements.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/30b604d2-7012-42fd-a607-1c786a610571.png)
- Publié le 22-09-2021 à 13h32
- Mis à jour le 24-09-2021 à 10h57
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/ZNLRHKA2ERHIPD7QE5QCCCGLPU.jpg)
Jusqu'en 1835 environ, toute la partie ouest de la commune de Woluwe-Saint-Lambert était couverte par le bois de Linthout. À cette époque, quelque 70 hectares furent défrichés et morcelés en une vingtaine de parcelles qui furent achetées en majorité par des Bruxellois. L’un de ces propriétaires, qui fit bâtir en partie ce qui est aujourd’hui l’Institut du Sacré-Cœur de Linthout, offrit à la Congrégation des Frères de la charité, qui cherchait un site pour son institut pour sourds-muets et aveugles, un terrain en pleins champs (aujourd’hui face à la place Degrooff). L’Institut est érigé en 1876. Une voie d’accès fut dès lors nécessaire pour relier la rue de Linthout et l’Institut. Elle prit le nom de Georges Henri, sans doute en référence aux prénoms des fils d’un propriétaire foncier local.

Plan en damier
L'urbanisation du quartier se réalisera à partir de là. Dès 1893, la société horticole de Linthout élabore un plan d'aménagement destiné au lotissement des abords de cette artère principale, sous la forme d'un plan en damier. " On y bâtit alors des maisons de maître, des maisons bourgeoises aux styles différents" , raconte Delphine de Valkeneer, échevine de l'Urbanisme.
Fin XIXe, l’avenue George Henri sera prolongée, notamment pour faire le lien avec l’orphelinat Van Meyel et le nouveau cimetière d’Etterbeek. Les deux communes se sont mises d’accord : l’octroi d’un espace de trois hectares contre le prolongement de la rue.
Le tronçon situé entre le boulevard Brand Whitlock et la rue de Linthout sort de terre en grande partie avant la Grande Guerre. On y trouve des maisons de style éclectique, comme, au n°412, une maison de style Art Nouveau géométrique, conçue en 1907 par l’architecte Jean Lerat. Les constructions se prolongent dans les années 1920 et 1930, avec des maisons de style Beaux-Arts, tel qu’au n°441, et plus tard avec quelques immeubles à appartements, comme le n°431, œuvre de l’architecte René Coppens. En 1956, un cinéma est même construit au n°481. Il sera fermé en 1975 et abrite aujourd’hui un supermarché.
Un autre développement prend place parallèlement autour du parvis et de la monumentale église Saint-Henri de style néogothique, construite en 1908.

Des commerces
Le cœur du quartier est l'avenue Georges Henri, connue aujourd'hui pour ses nombreux commerces. " On y trouve surtout des commerces de bouche (épiceries fines, primeur, enseigne de thé et cafés…), de petites enseignes , etc." , note l'échevine, qui juge qu'il " n'y a pas vraiment de concurrence avec le Woluwe Shopping Center tout proche qui propose d'autres types d'enseignes ." " On y trouve surtout des commerces destinés à des courses de proximité ", estime, de son côté, le notaire Luc Van Steenkiste. " La commune fait ce qu'elle peut pour revitaliser l'artère, mais celle-ci souffre de sa localisation : entre le shopping et la rue des Tongres ."
" La commune a un plan de revitalisation de l'artère" , ajoute l'échevine. " De nombreuses nouvelles enseignes s'y sont installées récemment, et ce malgré la crise sanitaire. Nous avons un programme d'investissement avec droit de préemption. Nous avons ainsi acquis plusieurs immeubles pour y proposer des commerces au rez-de-chaussée et des logements de qualité aux étages. Au départ, ces maisons ont souvent été conçues pour loger tant le commerçant que son commerce. Cela pose problème aujourd'hui car il n'y a pas nécessairement d'accès séparé pour les logements. "

D'un point de vue du bâti, le notaire souligne la différence entre l'avenue Georges Henri et les rues avoisinantes. "Les maisons y ont moins de charme. C'est plus bruyant. Les prix y sont de facto moins élevés, gravitant autour des 300 000 euros. Par contre, à gauche et à droite de l'artère commerciale, on trouve de belles avenues (Lambeau, Marie-Josée, Castel…) qui abritent de belles et grandes maisons avec des façades de caractère. Il faut compter au-delà de 500 000 ou 600 000 euros pour s'en offrir une. Et parfois même 1 million ou 1,5 million d'euros pour les plus belles. Il y a une demande importante mais l'offre n'est pas grande. Les familles qui y habitent souhaitent y rester. "
" Dans ces artères, nous avons de nombreuses demandes de rénovation, et notamment pour diviser les unifamiliales en appartements ", explique Delphine de Valkeneer. " Cela s'est fait à une époque, mais nous entendons dorénavant limiter ces autorisations au maximum pour continuer à offrir des maisons pour les familles. Dans d'autres quartiers de la commune, à Tomberg notamment, on compte beaucoup d'appartements. L'offre existe donc. De plus, ces transformations induisent une pression sur les prix : les unifamiliales se font plus rares et les investisseurs sont prêts à mettre plus sur la table sachant que leur rendement sera plus intéressant. Nous allons fixer des lignes directrices pour informer la population et les investisseurs éventuels. Nous voulons éviter que les familles ne partent s'installer en périphérie parce qu'elles ne trouvent pas de maison à des prix accessibles. "

La commune est aussi très attentive aux rénovations en général. " Une grande partie de l'avenue Georges Henri est en zone d'intérêt culturel, historique, esthétique ou d'embellissement (ZICHEE). Ce qui implique que toute modification apportée au bâti et visible depuis l'espace public doit passer par un comité de concertation ", poursuit l'échevine qui évoque un phénomène particulier : " les extensions en hauteur pour des petits immeubles de rapport ou des (anciennes) unifamiliales. Pour y faire un logement supplémentaire ou pour agrandir l'existant. Nous sommes très exigeants sur la qualité de ces extensions. "
Autour de la maison communale
Le quartier Tomberg est, lui, plus récent. Le plateau du Tomberg a été occupé par des briqueteries exploitées jusqu’à la Première Guerre mondiale pour approvisionner en matériaux de construction les chantiers locaux et les travaux d’égouttage de la commune. La décision de construire une nouvelle maison communale en 1909 s’est accompagnée de l’aménagement de voies d’accès, notamment l’avenue de Broqueville. On y trouve essentiellement des immeubles à appartements.

Le quartier s'est ensuite développé avec la construction de la maison communale en 1937. " Le développement autour de la maison communale date principalement des années 1950 et 1960. Les autorités, à l'époque, ont dû imposer une certaine cohérence et certains matériaux en façade car on trouve essentiellement de la pierre de France ou assimilée. Aujourd'hui, on note un renouvellement de générations et donc de nombreuses rénovations ", raconte Delphine de Valkeneer. " Autour de la maison communale, on trouve plus de petits immeubles. Avenue de Broqueville, ils sont plus hauts et proposent de grands volumes ", précise le notaire Luc Van Steenkiste. " Ce sont des immeubles de caractère où on trouvait souvent un concierge et un étage avec des chambres de bonnes. Les prix y sont un peu plus élevés qu'à côté de la maison communale ou sur le boulevard Brand Whitlock, mais moindres que ceux pratiqués sur l'avenue de Tervueren, toute proche, qui reste une adresse plus prestigieuse. "
Un hôtel communal classé
À l’étroit dans ses bureaux de la rue de l’Église, derrière l’église Saint Lambert, la commune décide, en 1909, d’organiser un concours pour désigner l’architecte de la nouvelle maison communale. C’est Joseph Diongre, qui réalisera également la maison de la radio Place Flagey à Ixelles, qui remporte le premier prix. Il propose alors un bâtiment de style néorenaissance flamande, tel celui de l’hôtel communal de Schaerbeek. La guerre empêcha sa réalisation… Ce n’est qu’en 1937 que les travaux sont entrepris, toujours avec le même architecte mais suivant un projet très différent, de style moderniste cette fois.

Classé en 1994, l’édifice en briques jaunes se veut pratique, bien éclairé et avec une ordonnance intérieure rationnelle. Deux éléments distinctifs peuvent être mentionnés : sa tour de trente mètres de haut et sa rotonde au pavement de mosaïques représentant une rose des vents. Initialement, l’entrée principale était accessible par un double escalier d’honneur. Il a disparu en 1974 à cause des travaux prévus pour la construction du métro. L’hôtel communal a subi une rénovation profonde (châssis, balcons, toiture, façades…) à partir de 2013.
L’ancien cimetière… d’Etterbeek
Situé le long de l’avenue Georges Henri, à hauteur du square Meudon, le parc Georges Henri a été aménagé dans les années 1980 à l’emplacement du cimetière désaffecté d’Etterbeek. Inscrit en zone d’espace vert au projet de plan d’aménagement de l’agglomération bruxelloise, il résista à la pression urbanistique et fut conservé en l’état jusqu’à son rachat par la Région bruxelloise en 1985.

Le parc se veut multifonctionnel : jardin des senteurs, jardins classiques, parcours santé, espace récréatif, jardin du souvenir… “
C’est un lieu très apprécié de tous les habitants de la commune
”, note l’échevine de l’Urbanisme Delphine de Valkeneer.
La structure de l’ancien cimetière a été maintenue. D’anciennes pierres tombales ont servi à daller les chemins, tandis que l’entrée principale est marquée par deux obélisques, vestiges, eux aussi, de l’ancien cimetière. Le parc s’ouvre sur un grand bassin rond où s’élève un puissant jet d’eau. Cet espace est le nœud de distribution des principales allées du parc.

On estime qu'entre 1898 et 1965, près de 45 000 personnes ont été inhumées à cet endroit. Ensuite, le cimetière a déménagé à Wezembeek-Oppem, en périphérie bruxelloise.
Le site comprend quelques monuments dont un mémorial juif (un mur marqué de l'étoile juive et quelques sépultures rappellent l'emplacement de l'ancien cimetière juif) et le monument Ravensbrück en hommage aux femmes résistantes et à leurs enfants morts dans les camps allemands lors de la Seconde Guerre mondiale.
Au fil d’une promenade
Une des brochures de la série “À la carte” de la Région de Bruxelles-Capitale est consacrée à Woluwe-Saint-Lambert.
La promenade n° 2 s’intéresse au quartier “Georges, Henri et le damier”. On y propose, durant 1h30, de sillonner quelques artères du quartier de part et d’autre du boulevard Brand Whitlock. Le promeneur est invité à s’arrêter notamment devant le n°45 de l’avenue Jonnart, une maison datant de 1908 de l’architecte Julien Walckiers, l’auteur de l’église et du parvis Saint-Henri. “
C’était un admirateur de la Renaissance flamande
”, précise la brochure. “
L’association de brique et de pierre blanche, le pignon à redents, la belle porte en chêne sont représentatifs de ce style.
”
Autre arrêt au n°127 avenue Lambeau, une maison datant de 1923 et dessinée par Lucien François. "Cette maison unifamiliale est typique d'un quartier datant des environs de la Première Guerre mondiale : petit jardin à front de rue, portique devant la porte d'entrée, bow-window au rez-de-chaussée, toit brisé avec étage mansardé… La décoration de la façade occupe toujours une place importante, de même que les fenêtres, les carreaux à motif identiques au-dessus du bow-window ou la maçonnerie décorative." Une maison remarquable est aussi à épingle au n°119 avenue Lambeau (1914), œuvre d'Edmond Serneels, qui avait une prédilection pour les styles du passé. "La façon d'associer la brique et la pierre blanche, ou les impostes à croisillons et le verre vert, rappellent les maisons médiévales de Bruges ou de Gand. De même, le bois qui recouvre le faîte de la façade est une technique très ancienne de protection contre les intempéries", peut-on lire dans la brochure.