Inflation, rénovation, énergie... faut-il s'attendre à une explosion des prix des kots ?
Les kots gérés par les universités resteront plus accessibles mais les tarifs privés pourraient flamber.
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Publié le 25-02-2022 à 10h28 - Mis à jour le 25-02-2022 à 10h29
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Inflation, besoins de rénovation, transition énergétique… L’immobilier n’échappe pas à la hausse généralisée des coûts et les signaux sont dans le rouge. Les prix des matières premières et de l’énergie ne peuvent que pousser la facture à la hausse, sans oublier la pression de la demande.
Dans ce contexte, à quoi peuvent s’attendre les étudiants qui louent une chambre, ou "kot", en Belgique ? Tout d’abord, faisons le point côté kots dits publics, c’est-à-dire: détenus ou gérés par les universités.
Pas de forte hausse des loyers en vue à l’UCLouvain
En la matière, l'UCLouvain fait figure de championne, avec l'un des plus grands parcs de logements étudiants détenus par une université d'Europe. En tout, l'UCLouvain possède 5750 kots et 150 sont actuellement en construction. 4400 sont répartis sur le campus de Louvain-la-Neuve, le reste étant situé sur le site de Woluwe-Saint-Lambert et 150 de plus dans la ville de Mons. " C'est le site de logements propres le plus grand d'Europe" , confirme Isabelle Decoster, la porte-parole de l'université. Avec 35 000 étudiants inscrits, dont 23 000 sur le site de Louvain-la-Neuve, on compte 10 000 étudiants "koteurs". L'université propose donc une offre assez importante de logements (44 % des biens disponibles). " Le prix moyen est de 300 euros par chambre, charges comprises. Le prix le plus bas est de 250 euros et le plus élevé de 350 euros ", détaille-t-elle, précisant que le prix moyen a augmenté de 43 euros en dix ans, en lien à peu de chose près avec l'inflation.
Selon Isabelle Decoster, la flambée des prix des matières premières et le coût de la transition énergétique ne devraient pas peser sur le portefeuille des étudiants.
"Le logement propre [à l'université, NdlR] a un rôle social important. L'offre de l'université permet de pratiquer un vide locatif, ce qui permet de jouer sur les prix du secteur privé, même si c'est tout de même limité" , ajoute-t-elle. Limité car la forte demande réduit la marge de manœuvre.
Si les prix des kots publics peuvent être alignés sur l'inflation, ils ne le sont évidemment pas en cours d'année. " Peut-être plus tard, c'est à voir pour l'année prochaine ", glisse-t-elle, même si elle tient à rassurer. " Les étudiants ne paient pas de charges supplémentaires et ne sont donc pas touchés directement par la hausse du prix de l'énergie. Ça ne devrait pas impacter le prix des loyers ." Néanmoins, les répercussions indirectes pourraient se faire sentir. Mais pour Isabelle Decoster, l'engagement de l'université dans une volonté de plus grande efficacité énergétique, de rénovation des bâtiments, et ce, depuis plusieurs années, permettrait de tenir le coup. L'université, qui dispose d'ailleurs, et c'est assez surprenant, d'une seule et unique chaudière générale pour l'ensemble de ses bâtiments à Louvain-la-Neuve, prévoit prochainement la construction d'une centrale biomasse. De quoi réduire potentiellement la dépendance à l'approvisionnement énergétique extérieur et le poids de la facture. L'université avance, par ailleurs, mettre sur la table 3 millions d'euros par an pour l'entretien et la rénovation des constructions chaque année, grâce aux rentrées financières (même si les kots coûtent plus cher qu'ils ne rapportent) et, surtout, aux fonds de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
L’ULB veut conserver le rôle social de ses kots
Pour les autres universités du pays, côté francophone, les kots publics se comptent en centaines seulement. L’UMons en propose 830, l’ULiège moins de 400, l’ULB un peu plus de 820.
Cette dernière est propriétaire de 420 logements, le reste étant soumis à un bail emphytéotique. En clair, en échange du financement des rénovations il y a quelques années, c’est un partenaire privé qui a la main sur les logements pour une durée de 27 ans, contre le versement d’un loyer par l’ULB. C’est ce qui a permis, selon les arguments qu’avance l’ULB, de lever également des fonds suffisants pour éviter d’emprunter à des taux trop élevés et ainsi assurer la construction de nouveaux bâtiments.
" Un logement dans notre résidence la moins chère coûte 260 euros par mois charges comprises et les résidences les plus récentes et les plus confortables sont à 390 euros ", avance Valérie Bombaerts, du service Communication de l'université. 217 chambres sont au tarif le plus bas, une centaine à 274 euros et le reste à 390 euros. Selon l'ULB, l'option de l'emphytéose ne joue pas sur les montants des loyers puisque la gestion reste dans le giron de l'université. " Il reste évidemment toute l'offre de résidences privées mais sur laquelle nous n'avons pas de vue ", ajoute-t-elle.
Pour ce qui est de la transition énergétique et des besoins en rénovation, Valérie Bombaerts assure que les budgets sont là mais que la mise en place prend du temps. " Tous les logements ne sont pas à niveau […]. Mais une provision annuelle d'un million d'euros est consacrée aux rénovations. Tout n'est pas dépensé. Donc on met de côté et lorsqu'il y a un gros chantier, on aligne ce qu'il faut ", lance-t-elle.
"Le coût des matières premières aura un impact sur le coût des rénovations mais pour le moment il n'y a pas de décision pour augmenter les tarifs des logements ", assure-t-elle, avançant le rôle social de ces kots publics. " Les loyers sont augmentés chaque année en fonction de l'inflation, mais pas plus ", affirme-t-elle.
" La gestion budgétaire des affaires sociales étudiantes est plutôt saine, on a prévu des réserves et pour l'instant on n'a pas trop de soucis à se faire, mais il faudra voir au fur et à mesure ", précise Valérie Bombaerts. " Oui, les kots coûtent de l'argent. En 2020, c'était un déficit de plus ou moins 1,5 million d'euros. Ça fait partie de l'enveloppe sociale de la Fédération Wallonie-Bruxelles ", dit-elle.
Enfin, si l'ULB manque de terrains libres pour créer de nouveaux logements, le See U, projet d'occupation temporaire situé dans le quartier des casernes à Ixelles, devrait à terme accueillir de nouveaux kots. " Il y a un projet pour 480 logements partagés entre l'ULB et la VUB. Mais ça ne sera pas avant 2025 ", avance Valérie Bombaerts. La gestion sera quant à elle probablement externalisée à un acteur privé. " Mais les loyers seront alignés avec ceux de l'ULB et de la VUB ", assure-t-elle.
Et dans le privé ?
Si les agences immobilières se veulent rassurantes sur l’évolution des prix, difficile d’avoir des chiffres exacts. Mais une chose est sûre, les petits propriétaires privés, peu importe leurs moyens, n’ont pas le même "matelas" financier et filet de sécurité de financement public que les universités. Et sans mesures politiques, difficile de réguler les prix lorsque l’inflation est au plus fort.
" Le prix des logements privés explose en Belgique francophone. La majorité du parc est détenue par des privés et la concurrence du public est trop faible, il ne peut pas réguler les prix. Au-delà du prix, il y a aussi la question de la salubrité des logements privés ", s'exclame Lucas Van Molle, président de la Fef, la Fédération des étudiants francophones, qui annonce d'ailleurs qu'une consultation sera lancée à la mi-mars auprès des étudiants pour avoir une vue plus précise et appuyer leurs demandes auprès des autorités.
" Le gouvernement doit financer davantage les logements sans faire payer l'étudiant en bout de course […]. In fine, c'est l'ensemble de la société qui en profite. J'aime prendre l'exemple de ma mère : elle ne prend pas le bus, mais elle profite des transports en commun lorsque son infirmière y a recours pour venir chez elle, lorsque ses collègues l'utilisent, etc. Les kots publics sont un facteur d'accessibilité et permettent aux jeunes d'étudier, de devenir médecin, personnel soignant, architecte, pédagogue, professeur et même bien d'autres choses , et d'en faire profiter la société ", ajoute-t-il.
" De plus, on parle des universités mais les hautes écoles et autres ne disposent pas de parcs de logements. Tout est privé. Et dès qu'on parle de privé, c'est plus compliqué ", reprend Lucas Van Molle. " Il faut imposer une grille locative avec des plafonds de loyers par zone ", avance-t-il, alors que les tarifs explosent à Mons en particulier, par exemple, à cause de la pénurie de logements.
" Il faut absolument augmenter l'offre publique ", martèle-t-il, convaincu que c'est le seul moyen de peser sur les prix. En ce qui concerne la qualité des logements, le président de la Fef propose des labels, prouvant l'efficacité énergétique et le confort, par exemple, même si ce n'est pas une priorité pour les étudiants, plus attentifs aux prix. " Et l'effet pervers pourrait être une concurrence sur ces labels, avec une hausse des prix à la clé. " Pas simple.