"Good Living" au centre des critiques : "Si le texte est adopté tel quel, ce sera la fin des logements neufs bon marché à Bruxelles"
Le projet Good Living était sur toutes les lèvres lors du Mipim.
Publié le 23-03-2023 à 14h09
:focal(893.5x679:903.5x669)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/H3P7ZAZLY5C3VHXAFFUGL7J5QU.jpg)
Libre Immo | Le dossier
Plusieurs sujets revenaient avec insistance dans les conversations des professionnels de l’immobilier présents au Mipim. Mais la palme du sujet le plus abordé revient incontestablement au fameux projet "Good Living" porté par le secrétaire d’État bruxellois en charge de l’Urbanisme, Pascal Smet (Vooruit). Pour les distraits, rappelons qu’il s’agit d’un projet de texte visant à remplacer l’actuel règlement régional d’urbanisme (RRU), la bible de l’urbanisme bruxellois, qui édicte comment on doit construire les immeubles et aménager les espaces publics au sein de la capitale.
30 % d’augmentation des coûts
Le moins que l'on puisse dire est que ce texte suscite une véritable aversion dans le monde de la construction résidentielle qui le voit arriver avec angoisse. "Si le futur nouveau texte avait déjà été en vigueur, explique un promoteur spécialisé dans ce créneau, nous n'aurions pu réaliser aucun des immeubles que nous avons à notre actif. À l'aune de Good Living, aucun d'entre eux n'aurait, en effet, été autorisé, alors pourtant que nous sommes connus pour réaliser des projets plutôt qualitatifs."
Même son de cloche chez un autre professionnel selon qui "ce texte a des effets totalement pervers. C'est simple : si l'on applique toutes les exigences formulées par celui-ci, on arrivera à une augmentation des coûts de construction d'au moins 30 %." Il serait fastidieux d'énumérer ici toutes les impositions du texte critiquées par les spécialistes de la construction de logements. Un professionnel s'est néanmoins efforcé de nous indiquer quelques exemples particulièrement mal compris ou mal vécus par le secteur. "Good Living prévoit que toutes les unités de logement devront avoir un accès à un espace extérieur, terrasse ou jardin, ou encore qu'à partir de deux chambres tous les appartements devront être traversants [éclairés de deux côtés, NdlR]. Deux règles extrêmement compliquées et coûteuses à mettre en œuvre", insiste notre interlocuteur. Autre règle mal acceptée selon lui : les cages d'escalier devront être réalisées en façade afin de disposer de fenêtres et bénéficier d'un éclairage naturel. "Difficilement praticable, jugent les professionnels, sauf à mettre au milieu de l'immeuble des pièces de vie qui, elles, seront privées de lumière naturelle…"
Hauteur sous plafond
Enfin, Good Living imposera une hauteur sous plafond de 3,5 mètres pour les rez-de-chaussée et de 2,7 mètres pour la totalité des pièces des appartements. Ces deux dernières règles cristallisent particulièrement l'incompréhension des développeurs. "Aujourd'hui, argue l'un d'entre eux, on est au mieux à 2,5 mètres de haut dans les appartements et moins encore dans les salles de bains, les cuisines ou les couloirs. En appliquant toutes les exigences de hauteur de Good Living, on sera obligés de construire des étages plus hauts d'au moins 30 cm. Si l'on ajoute à cela la hauteur imposée pour les rez-de-chaussée, sur un immeuble de six niveaux, on pourrait perdre un étage entier !"
"Le cas des rez-de-chaussée est particulièrement préoccupant, souligne encore un autre interlocuteur, car le texte pose à leur sujet plusieurs exigences totalement contradictoires. Il faut à la fois leur conférer une hauteur sous plafond de 3,5 mètres, y établir des locaux pour les vélos complètement surdimensionnés, y faire aboutir la cage d'escalier en façade et y activer des fonctions commerciales. Nous estimons qu'il est strictement impossible de faire tout cela en même temps !"
La fin des logements bon marché
En bref, concluent en chœur les professionnels : "il faut que le gouvernement soit conscient qu'en faisant adopter le texte tel quel, il nous sera impossible de produire du logement à prix modéré aux alentours de 2 200 euros du mètre carré. En faisant cela, la Région se tire véritablement une balle dans le pied puisqu'elle rend difficile à exécuter l'un de ses principaux objectifs : à savoir la production de logements neufs bon marché."
On connaît certes le but poursuivi par Pascal Smet avec le projet Good Living. Il l'a souvent expliqué. Le futur nouveau règlement régional d'urbanisme doit servir de fil conducteur vers une ville à dimension humaine où la qualité de vie des habitants est au centre de l'attention. Dans cette optique, le nouveau texte cherche à rendre les immeubles plus confortables et plus agréables à habiter. Par ailleurs, avec la crise sanitaire qui a changé nos modes de vies et renforcé le recours au télétravail, les logements sont aussi souvent devenus des lieux de travail, d'où l'importance de les rendre encore plus grands, plus hauts et plus lumineux. "On comprend bien cet objectif qui est vertueux", admettent les professionnels de l'immobilier. Mais il faut aussi rester réaliste et ne pas multiplier les contraintes. On est déjà dans un contexte marqué par une inflation du prix des matériaux. Sans oublier les exigences de performances énergétiques et de circularité. À un moment, il faut arrêter de charger la barque…"
La réponse du cabinet Vervoort

Des représentants du cabinet du Ministre-Président Rudi Vervoort (PS) étaient également présents au Mipim, à qui nous avons soumis les critiques des professionnels relatives au projet Good Living. Ces derniers sont restés très prudents. Tout au plus ont-ils confirmé que l’actuelle version du projet de nouveau RRU n’est que la version approuvée en première lecture par le gouvernement. Une version à approuver en deuxième lecture devra encore lui être soumise, laquelle devra intégrer les remarques formulées par les instances régionales et par les communes ainsi que les remarques des citoyens et des associations lors de l’enquête publique et, enfin, les remarques de la Commission régionale de développement (CRD) à laquelle le texte devrait être soumis vers la mi-avril.
Celle-ci pourrait-elle contenir des modifications ? “On ne peut pas l’exclure”, nous répond-on. Signalons au passage que si les modifications sont minimes, le texte pourra être envoyé au Conseil d’État. Sinon, en cas de modifications importantes, il faudra recommencer tout le processus consultatif et, dans ce cas, nul ne sait quand le texte pourrait aboutir. Quand on sait que plusieurs communes se sont déjà déclarées opposées au texte, on peut imaginer que l’on sera plutôt dans la seconde option…