"Les lenteurs excessives dans l’obtention d’un permis obligent les purs promoteurs immobiliers à avoir un pipeline de projets à différents stades"
Le "shift" vers une mixité de disciplines va en se multipliant pour Michael Goldberg, CEO de Phicap Group.
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Publié le 24-03-2023 à 09h53
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Libre Immo | Le dossier
Il y a encore une dizaine d'années, la segmentation du marché immobilier était très claire, avec des promoteurs, des développeurs, des investisseurs, des gestionnaires d'actifs, des agents immobiliers… Aujourd'hui, les sociétés actives dans le "B2B" mélangent les disciplines. "On voit apparaître de plus en plus de profils hybrides et cela va en s'accélérant", confirme Michael Goldberg, fondateur et CEO de Phicap Group. Il sait de quoi il parle, la société de services qu'il a fondée en 2013 est elle-même hybride, avec une gamme complète et complémentaire de services de gestion immobilière.
On note une diversification généralisée des métiers de l’immobilier. Est-elle plus tangible dans un domaine particulier ? Dans le vôtre, par exemple ?
Dans les métiers de services, je remarque plutôt une forte consolidation depuis ces trois dernières années, à laquelle Phicap avait déjà pris part avec un coup d’avance en 2019, via l’acquisition des sociétés Amirato en Project Management et Sogesmaint en Property. J’aurais tendance à dire que cette diversification est davantage perceptible, et même visible, dans des groupes qui sont promoteurs et investisseurs. C’est le cas d’un nombre grandissant de sociétés, qu’il s’agisse d’Eaglestone, de Baltisse, d’Alides, d’E-maprod, de Brody, etc., dont les équipes doivent, de ce fait, être pluridisciplinaires.
D’autant qu’elles ne se destinent pas à une seule fonction mais à plusieurs : bureaux, coworking, logements, coliving, commerces, horeca, hôtellerie… Où l’on voit ces promoteurs-investisseurs désormais "hybrides" prendre, par exemple, des positions de plus en plus en amont dans le marché. Ils n’achètent plus nécessairement un terrain vierge (il n’y en a d’ailleurs quasiment plus dans les grandes villes), ni un bâtiment en fin de vie à démolir afin d’y ériger un projet, mais un immeuble occupé (et qui peut l’être encore pendant cinq, six, dix ans), qu’ils pourront soit valoriser et optimiser pour le garder en portefeuille, soit reconvertir à plus long terme pour le revendre ensuite. Avec ceci que, s’ils acquièrent un bâtiment occupé, ils profitent de loyers et donc, d’un cash-flow pendant toute la phase de demande de permis.
À quoi cette évolution dans les métiers de l’immobilier tient-elle ?
Il y a plusieurs raisons à ce shift. Parmi lesquelles la difficulté qu’un pur promoteur éprouve face aux lenteurs excessives dans l’obtention d’un permis l’obligeant, aujourd’hui plus encore qu’hier, à avoir un pipeline de projets à différents stades de leur conception et réalisation : recherche de terrain, permis, adjudication, chantier… À ce risque de lenteurs et d’un marché en transition - aspects commerciaux mais aussi performances et normes techniques en évolution constante; s’ajoutent, au moment du lancement des travaux, des risques de mouvance du marché en termes de prix, d’inflation, de financement bancaire, d’exigences de fonds propres, d’augmentation ou de ralentissement de la demande… Avec les répercussions qu’on imagine sur la commercialisation. C’est dans ces réflexions et dans cet impératif d’agilité qu’un profil hybride aura un avantage indéniable sur des sociétés plus typées.
Quitte à tout faire en interne et donc à ne plus faire appel à des sociétés de services… hybrides comme la vôtre ?
La force du caractère hybride d’une société comme la nôtre tient aux synergies qu’elle peut créer en interne entre collègues, et en externe entre métiers. Phicap Group peut étudier un dossier sous différentes formes, amener une plus-value à des clients, enrichir leur expertise… De plus, nous avons une très large vue sur tous types de tailles de dossiers et de segments dans l’immobilier. Je remarque que quand il cherche à élargir ses connaissances, un développeur ou un investisseur hybride voit la plus-value qu’apporte une société de services hybride et, de ce fait, aura tendance à vouloir travailler avec nous.
Diriez-vous que cela tient à une nouvelle génération d’acteurs entrés dans le marché il y a une dizaine ou une quinzaine d’années ?
Ce shift vers une mixité de disciplines n’a pas mécaniquement de lien avec l’âge des professionnels. Sauf peut-être que les jeunes ont des plans de carrière plus chahutés (ils ne rêvent plus de travailler dans une seule boîte) et que les questions très actuelles liées à l’environnement, à la durabilité, à l’ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) leur sont plus innées, plus instinctives. Et encore… Par contre, je dirais que ces sociétés de développement hybrides apportent, par principe, une dynamique au marché puisqu’une synergie de savoir-faire permet d’arriver à faire plus. Une société qui a un profil hybride a une force de frappe et une connaissance plus large des tendances du marché qui lui permettent de rayonner différemment. Et, de ce fait, d’attirer les jeunes talents.
Phicap devient holding et s’offre un conseil d’administration
Ce n’est pas qu’il s’inquiète ou qu’il a des raisons de s’inquiéter. Mais quand on crée une société qui atteint, en 2022, un chiffre d’affaires consolidé de 4,3 millions d’euros et compte une quarantaine de collaborateurs, qu’on est toujours seul maître à bord et qu’on a encore des velléités de croissance, on pense différemment. Le 1er avril 2023, les deux choix de gouvernance sur lesquels planche depuis quelques mois Michael Goldberg, fondateur et CEO de Phicap, seront officiellement implémentés.
D'une part, il y a la création de Phicap Group, une holding chapeautant les trois activités de la société : "Property" (gestion d'actifs, avec Phicap et l'ex-Sogesmaint), "Project" (développement, avec Amirato) et "Capital" (investissement, avec Eurocapital). "Cela donne plus de clarté, d'efficacité, de potentiel de synergie à chacune des trois entités, explique Michael Goldberg, mais également plus de rigueur dans la répartition des coûts et des frais généraux."
D'autre part, et c'est sans doute plus important encore pour lui, s'ajoute la mise sur pied d'un véritable conseil d'administration composé de trois membres expérimentés du marché : Agnès Schréder, membre du Conseil de Schréder; Pascal Wuillaume, conseiller de dirigeants d'entreprises et conférencier international, et Rikkert Leeman, CEO d'Alides. "Je collabore avec eux depuis plus d'un an de manière informelle, mais, désormais, ils accompagneront officiellement la croissance du groupe, ajoute son CEO. Cela signifie qu'en sus des échanges avec les équipes ou des acteurs de l'industrie immobilière, j'aurai un organe au-dessus de moi afin de parler stratégie." Et c'est assurément là que se situe le rôle de ce nouveau conseil d'administration, bien davantage que dans l'opérationnel.
Au-delà de l'accompagnement qu'il prodigue, la présence d'un conseil d'administration est une forme de gouvernance appréciée par les banquiers, les clients privés ou publics, les employés… "Dans le cas de Phicap Group, rien n'a été demandé ou exigé à ce stade. C'est de la prévention", conclut Michael Goldberg.