"On a vu des achats complètement dingues": Lasne, une commune réservée aux plus aisés ?
Libre Immo | Le zoom. La commune a connu un boom immobilier durant la crise sanitaire. Mais les autorités entendent bien préserver le cadre de vie qui offre une plus grande diversité de biens qu’on le pense.
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- Publié le 31-05-2023 à 12h07
- Mis à jour le 31-05-2023 à 15h15
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Comme bien d’autres communes proches de la capitale, Lasne a enregistré une hausse importante de la demande et donc des prix de ses biens immobiliers durant la crise sanitaire, les Bruxellois étant à la recherche d’un environnement plus aéré et verdoyant. “On a vu des achats complètement dingues. Certains acquéreurs ont payé 25 % de plus que ce que valait le bien. J’ai vu des biens partir à 800 000 euros alors qu’ils en valaient 600 000. Aujourd’hui, nous sommes revenus à la normale”, raconte Benoît le Maire, notaire à Lasne.
Les prix restent cependant élevés. “Mais comme dans d’autres communes, argue Me le Maire. Et l’une des particularités de Lasne est de privilégier les grands terrains. Les maisons aussi sont généralement spacieuses, même s’il y a une diversité de biens plus grande qu’on l’imagine. Le prix moyen d’une maison dans un marché immobilier qui compte essentiellement des villas de cinq chambres sur des terrains de vingt ares sera donc inévitablement plus élevé que dans un marché de maisons de trois chambres sur des terrains de trois ares, comme on peut en trouver ailleurs dans le Brabant wallon. Tout est une question de proportion. Compte tenu de cela, Lasne n’est pas si chère pour finir. D’ailleurs, il n’y a pas que des riches propriétaires à Lasne.” “Certaines personnes se sont retrouvées à Lasne par héritage, dans une grande ou une plus petite maison, et n’ont pas toujours les moyens d’y vivre”, ajoute Marie-Julie Delforge, notaire associée à Bruno le Maire. Elle évoque notamment une succession qui l’avait choquée. “Il s’agissait d’une grande maison, et pourtant il n’y avait pas de salle de bains…. Heureusement que la loi a changé. Mais à une époque, on a eu plusieurs cas de conjoints survivants qui ont dû vendre la maison familiale pour payer les droits de succession car ils n’avaient aucune liquidité de côté.”
Ohain et les autres
Toutes les entités de la commune ne se valent pas non plus. Certaines sont plus prestigieuses que d’autres. Ainsi Ohain – et plus encore Ransbeck au sein d’Ohain – est mieux cotée que Lasne, qui l’est mieux que Plancenoit, plus proche de Charleroi. “C’est important pour ceux qui habitent à Ohain de dire qu’ils habitent à Ohain. Mais ceux qui habitent à Plancenoit vont dire qu’ils habitent à Lasne. C’est symptomatique du fantasme lasnois”, estime Benoît le Maire. Le notaire reconnaît néanmoins que si certains se disent fiers de vivre dans la commune – “cela fait rêver d’habiter dans la commune la plus riche de Belgique” –, c’est surtout parce qu’elle a de nombreux atouts. “Il est agréable d’y vivre”, souligne le notaire qui y habite depuis trente ans. “Il y a pas mal de notaires qui vivent ici d’ailleurs, mais ils ont leur étude sur Bruxelles…”
Ce qui fait l’attrait de Lasne, c’est notamment son relief très vallonné. “De nombreuses ruelles et sentiers offrent de belles vues sur les jardins, sur des bois, des champs. Nous souhaitons préserver ces vues, cette harmonie”, indique Julie Peeters, échevine lasnoise de l’Aménagement du territoire. Une harmonie que l’on retrouve également au niveau de l’habitat. “Il y a vraiment un style lasnois et une identité architecturale que nous désirons conserver. C’est un style qui nous plaît et qui plaît à nos citoyens.”
La plupart des projets en cours visent la transformation de maisons existantes.
Enclavée dans d’autres communes brabançonnes plus développées, comme Waterloo ou La Hulpe, Lasne a la particularité de ne pas être reliée directement à l’autoroute. Elle ne compte pas de gare non plus. Les voiries sont souvent étroites et sans trottoir.
Voilà une série d’éléments qui ont inévitablement un impact sur la politique de la commune. “Nous ne pouvons pas accroître notre population, sinon nos écoles seraient saturées, nos routes encombrées”, remarque l’échevine de cette commune dont les autorités ont la réputation de freiner la plupart des projets immobiliers. “Notre politique n’implique pas qu’il est impossible de faire quoi que ce soit. On ne peut pas empêcher les gens de mettre en œuvre leurs projets. Mais il faut qu’ils le fassent à la mesure de notre village. Nous voulons garder notre caractère de village semi-rural. C’est pourquoi nous désirons accompagner nos citoyens dans l’élaboration de leurs projets.” Un projet trop volumineux ou une construction moderne, qui pourrait être un coup de poing dans le paysage, risquent ainsi d’être refusés. “On avisera toujours en fonction de la situation. Si la construction plus contemporaine se retrouve entre deux fermettes typiques, le projet sera refusé. Si elle est prévue sur un grand terrain et qu’elle est cachée, on l’acceptera plus facilement. Il nous arrive aussi de délivrer des permis pour des maisons contemporaines quand elles sont semi-enterrées. C’est une meilleure option qu’une grosse villa qui boucherait la vue.”
La plupart des projets en cours visent la transformation de maisons existantes. “Nous avons un parc important de grandes villas des années 1970 et 1980 qui nécessitent des rénovations car elles sont énergivores”, souligne Julie Peeters. Avec la possibilité de les diviser en plusieurs logements ? La plupart du temps non, pour éviter une augmentation de la population et des soucis de mobilité. “Tous les ménages ont une voiture. Voire deux ou plus. Dans nos voies étroites, il est déjà difficile de se parquer.” Le problème se pose aussi pour ceux qui ont un grand terrain et souhaitent le diviser. “Dans les lotissements existants, cela me paraît difficile car les gens qui ont acheté là ont envie de garder cet environnement de grands terrains. Dans les zones hors lotissement, cette division est peut-être plus envisageable pour autant que soit préservée l’impression de nature.”

“Quatre lots, c’est déjà un gros projet”
Il existe encore quelques terrains à bâtir. Pour des maisons individuelles ou des projets plus gros. Mais qui restent en général limités par rapport à ce que l’on peut trouver dans les communes voisines. “Pour nous, un projet avec quatre lots, c’est déjà un gros projet”, avance l’échevine. Un projet de taille est cependant en cours dans le centre de la commune : Cœur de Lasne.
Les appartements sont encore rares dans la commune. Et chers. “Souvent, les appartements sont pratiquement au même prix que les maisons. C’est une catastrophe pour les personnes âgées qui décident de vendre leur maison lasnoise pour acheter un appartement dans la commune mais qui n’ont pas de liquidités à côté”, constate Me Marie-Julie Delforge.
L’échevine évoque aussi le terrain “Stocquart”, situé près du Messager, qui a fait couler beaucoup d’encre. “Il est toujours en l’état. Un promoteur avait sollicité la famille propriétaire, les Stocquart, pour un projet incompatible avec notre réglementation. C’est un terrain sur lequel la commune a un intérêt pour déménager l’école d’Ohain, à l’étroit. Nous sommes toujours en discussion avec la famille.”
L’échevine mentionne encore un projet situé au coin de la chaussée de Louvain et de la rue aux Fleurs, pour lequel un permis a été délivré. Il prévoit une vingtaine de maisons ainsi qu’un espace de coworking. “Nous avions un moment été approchés par une personne qui envisageait de bâtir là une grande surface. Le projet de logements qui nous a été soumis tenait la route à cet endroit. Mais les riverains ont introduit un recours. Notre rôle n’est pas de freiner les projets. Si un terrain est repris comme zone à bâtir, nous ne cherchons pas à nous opposer à la demande mais trouvons plus constructif de chercher avec le propriétaire le projet le moins dommageable et le mieux intégré pour le bien de tous.”
Au Cœur de Lasne
Situé sur l’ancien site de dépôt du Tec qui était en friche, le projet Cœur de Lasne en est à sa seconde phase. Après la construction de 21 appartements et deux maisons, tous vendus,le promoteur Unicas propose deux nouveaux complexes : la gare de triage (douze appartements)et les anciennes remises du tram (dix appartements). “Pour ces dernières, nous avons essayé de refaire un bâtiment qui ressemble à ce qui existait auparavant. Nous avons repris des briques anciennes maçonnées comme autrefois, précise Manu Renard, responsable du projet chez Unicas. Une salle polyvalente a été prévue au rez-de-chaussée.”

La demande de permis pour la troisième phase du projet vient d’être déposée. “Nous avons signé une convention avec le promoteur en ce qui concerne l’ancienne gare qui existe toujours. Nous aimerions en faire un lieu accessible au public, détaille l’échevine lasnoise de l’Aménagement du territoire Julie Peeters. La phase trois devrait s’étendre sur un bout de terrain qui appartient à la commune. La convention prévoit de faire un échange avec la gare. Mais il est encore trop tôt pour présumer de l’issue du dossier.”