Le logement pour seniors, une niche encore peu exploitée par les courtiers : "Le risque est plus concentré"
Libre Immo | Le dossier. Le consultant en immobilier professionnel CBRE a profité du Covid pour étoffer ses services.
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- Publié le 07-06-2023 à 17h43
Comme la plupart des sociétés de consultance en immobilier professionnel, CBRE Belgique s’est positionnée de longue date sur le marché des bureaux. Avant d’ajouter des cordes à son arc en se spécialisant progressivement dans d’autres classes d’actifs (commerces, logistique, bâtiments industriels et entrepôts, immeubles résidentiels…), par opportunité ou au gré de la consolidation de leurs marchés respectifs.
Plus récemment, la société a décidé d'étendre le spectre de ses compétences et donc, sa palette de services, en se penchant sur un segment particulier du marché immobilier professionnel peu couvert par ses concurrentes : celui des maisons de repos et des résidences-services. "Notre département Capital Markets a commencé à s'y intéresser via sa branche Investment Properties en 2020, en pleine crise sanitaire, évoque John Franco, directeur Capital Markets désormais en charge de l'immobilier de santé. Avec l'essor du télétravail, le marché des bureaux était remis en cause. Il nous a semblé judicieux de poursuivre la diversification de nos activités."
L’omnipotence des SIR
Dire que le secteur des maisons de repos et des résidences-services était inconnu des équipes de CBRE Belgique est exagéré. Son département Recherche publie régulièrement des études sur le sujet. "Mais nous nous étions très rarement essayés à encadrer des transactions, outre quelques prises en location de résidences-services dès 2018. Notamment parce que ce marché est relativement opaque, traditionnellement acquis à une poignée de sociétés immobilières réglementées (SIR) spécialisées très présentes et très puissantes, comme Cofinimmo, Aedifica ou Care Property Invest", détaille John Franco, qui ajoute que ces trois SIR ont une telle mainmise sur le marché qu'elles entretiennent des contacts privilégiés avec la dizaine d'opérateurs qui exploitent leurs bâtiments, décourageant les courtiers de tenter de s'immiscer entre eux.
"Ce rapport étroit entretenu avec les opérateurs donne un avantage aux SIR dans les négociations menant à une prise en location, mais aussi à un achat ou une vente. Car, sur ce marché, le rendement des immeubles est en partie conditionné à la bonne santé économique de leurs exploitants", argue l'expert, qui y voit une seconde raison pour expliquer la réticence des courtiers à s'y aventurer. "C'est le cas pour tous les segments de l'immobilier dit opérationnel, où il est question d'un seul exploitant par immeuble : l'hôtellerie, les logements étudiants, le coliving… Le risque est plus concentré. Cela demande aux courtiers une connaissance approfondie des acteurs en présence et de leur business, contrairement à l'immobilier de bureaux, par exemple, où ils se limitent à comprendre la localisation, les qualités intrinsèques de l'immeuble et à vérifier la solvabilité des locataires."
Connaissance que CBRE Belgique a développée en prenant le temps de former intensivement sa petite équipe dédiée à l'immobilier de santé, pilotée par John Franco et Virginie Rombauts. De quoi permettre à la société de consultance de conclure sa première transaction aux côtés de l'assureur Swiss Life en janvier 2022, portant sur une maison de repos uccloise exploitée par Orpea et cédée par Ethias. "De fil en aiguille, nous avons fait le forcing pour nous imposer sur ce marché et nous avons réussi à clôturer plusieurs transactions dont deux importantes ventes de portefeuilles à des montants dépassant chacune les cent millions d'euros", poursuit John Franco.
La première sous mandat, commissionnée par AG Real Estate qui vend six maisons de repos opérées par Armonea, Vulpia et Korian au groupe espagnol spécialisé en soins de santé Healthcare Activos en décembre 2022. La seconde off market, pour le compte du fonds Healthcare Property Fund Europe, spécialisé en brique de santé et géré par BNP Paribas REIM, qui s'offre, en mars 2023, cinq maisons de repos en Flandre auprès du family office Baltisse Real Estate. "Tous les acquéreurs ont en commun d'être des primo-acquérants sur le marché belge, offrant de nouveaux partenaires financiers aux opérateurs de maisons de repos."
Perspectives en berne pour 2023
Si, en 2022, le montant total de l'investissement dans les maisons de repos et résidences-services en Belgique s'élevait à quelque 600 millions d'euros, 2023 s'annonce moins profitable. "Le secteur immobilier est fragilisé par la remontée des taux d'intérêt hypothécaires, explique John Franco. Il ne faut pas se voiler la face, le volume d'investissement sera loin des niveaux atteints ces deux, trois dernières années. Ceci étant dit, le secteur des soins de santé est moins exposé à un phénomène de bashing, à la différence du retail hier et des bureaux aujourd'hui. Autre avantage, le fait que le secteur travaille avec des baux triple net à très long terme. Cela le préserve des revalorisations en temps de crise, qui sont courantes dans d'autres classes d'actifs telles que le bureau et la logistique."