L’envol des prix d’Arlon par rapport à ceux de Libramont ne date que des années 2000
L’ombre du Grand-Duché de Luxembourg a été tardive sur Arlon, ayant d’abord touché Messancy, Habay, Léglise, Tintigny… Elle est par contre très récente sur Libramont-Chevigny.
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/TB6RBRRB7ZFTLE2HFN72AKZUV4.png)
- Publié le 24-08-2023 à 11h22
:focal(2245x1505:2255x1495)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/K66SA77I3RDZFEG67VVWJIQ5HE.jpg)
Série d'été : duels de communes (5/6)
Parmi les raisons qui expliquent une éventuelle pression sur les prix de l’immobilier, la proximité d’une grande ville pourvoyeuse d’emplois est bien placée. Cela vaut pour Bruxelles, qui impacte les prix plus de 40 kilomètres à la ronde. Cela vaut aussi pour Luxembourg Ville, même si son influence est moins généralisée.
La pression des frontaliers est en tous les cas manifeste sur Arlon, distante de 40 kilomètres de gare à gare. De quoi, de temps à autre, voir la commune apparaître dans le top 20 des villes les plus chères de Wallonie. Au mieux à la 10e place. Au pire… à la 18e ou à la 19e place. Certaines années, sa voisine Attert l’a rejointe dans ces sommets. C’est que si elle attire aussi les frontaliers, par son caractère plus villageois, plus authentique, elle cible les plus riches d’entre eux. En 1985, par l’effet de quelques ventes exceptionnelles, ladite Attert a même été consacrée n° 1 wallon devant La Calamine et Lasne !
Sans surprise, cette pression grand-ducale est beaucoup moins marquée sur Libramont-Chevigny, distante de la capitale luxembourgeoise de 80 kilomètres. Mais depuis deux à trois ans, les choses changent sur ces deux marchés immobiliers.

Avant d’arriver à Arlon, les frontaliers ont été… plus loin
“Premier constat, l’impact grand-ducal sur Arlon est plus tardif qu’on le pense”, indique Georges Lochet, notaire à Fauvillers, qui a accepté de commenter ce duel de communes mettant aux prises deux cités luxembourgeoises de taille différente (près de 32 000 habitants pour Arlon, 12 000 pour Libramont-Chevigny), au profil historique peu comparable (2 000 ans d’histoire pour l’une, dix fois moins pour l’autre), ayant pour principal point commun de… ne pas être touristiques ce qui aurait faussé le jeu. “Ce n’est qu’au milieu des années 2000 que l’évolution de prix se marque plus nettement à la hausse, détaille-t-il. Sans doute parce que dans les années 70, 80 et 90, les frontaliers ont avant tout écumé les alentours du côté de Messancy, Habay-la-Neuve, Etalle, Rulles, Tintigny… Pour quelques kilomètres de plus sur la même autoroute (le tronçon de la E411 entre la frontière luxembourgeoise et Arlon date de 1982, celui entre Léglise et Habay de 1988, NdlR), ils s’offraient le calme de la campagne.”
La préséance d’Arlon est venue de sa gare, reliée à celle de Luxembourg Ville en 27 minutes. “Un moyen de transport davantage prisé par les jeunes travailleurs, poursuit Me Lochet. Cela s’est même accentué depuis que les transports publics sont gratuits au grand-duché, c’est-à-dire depuis le 1er mars 2020.”
“On rencontre plus de jeunes acquéreurs sur Arlon que sur Libramont-Chevigny.”
À jeune demande, jeune offre
D’autant qu’à cette jeune demande répondait une jeune offre. “Des projets de construction se sont développés à grande échelle dans la commune, qui ont rajeuni le parc immobilier et rehaussé automatiquement la médiane des prix, ajoute Me Lochet. Sous forme de lotissements résidentiels, mais aussi d’immeubles à appartements, une denrée relativement rare en province de Luxembourg, hormis peut-être à La Roche-en-Ardenne, à Marche-en-Famenne et donc à Arlon.” Cela ne signifie pas que les jeunes Arlonais ne rêvent pas d’une quatre façades, mais que le foncier, très cher, en fait un fantasme. “On rencontre plus de jeunes acquéreurs sur Arlon que sur Libramont-Chevigny”, détaille le notaire. “Ici, l’âge moyen des acquéreurs passe sous le cap des 40 ans, là, il frise les 44 ans. La tranche d’âge active des 31-50 ans représente plus de la moitié des acquéreurs à Arlon (56,2 %) mais moins de la moitié (48,8 %) à Libramont-Chevigny.”
L’effet grand-ducal atteindrait-il les sphères de Libramont ?
Si Libramont-Chevigny s’est donc laissée distancer par Arlon entre 2005 et 2020, ces deux-trois dernières années, “l’écart se resserre légèrement, affirme Georges Lochet. Comme si l’effet grand-ducal commençait seulement à atteindre les sphères de Libramont-Chevigny”. Et d’y voir l’incidence des nouveaux modes de travail (télétravail, centre de coworking relais…), mais aussi le succès de la mise au vert post-Covid. “Dans cette commune plus éloignée du Grand-Duché, les acquéreurs sont davantage installés dans leur vie. Ils ont plus de moyens et la capacité de s’offrir la tranquillité. S’ils ne sont pas retraités, ils achètent en vue de leur retraite. D’ailleurs 25 % des acheteurs ont plus de 50 ans contre 16 % à Arlon.”
Alors que l’évolution des prix est faite de soubresauts très marqués du côté d’Arlon (avec des hausses annuelles souvent à deux chiffres suivant l’évolution de l’emploi au grand-duché), elle est plus linéaire, plus constante (entre +5 et +8 % par an) du côté de Libramont-Chevigny. “Sauf ces deux dernières années, avec une hausse des prix de 39 % entre 2020 et 2022, qui se corrige cette année. Le rajeunissement de Libramont ne fait que commencer. On est au début d’un processus.” C’est assez symptomatique, on y voit d’ailleurs apparaître de nouvelles offres… d’appartements.
287 500 euros, le prix médian d’une maison à Arlon en 2022
En 1973, il n’y avait que 1 815 euros de différence entre le prix médian d’une maison à Arlon (16 981 euros) et à Libramont-Chevigny (15 166 euros). Une paille ? Peut-être, mais un différentiel qui valait quand même à Arlon d’être 12 % plus chère que Libramont-Chevigny. En 2022, l’écart dépasse les 66 000 euros (287 500 euros à Arlon, 221 105 à Libramont-Chevigny), soit un différentiel de 30 % entre elles ! C’est dire combien, en 50 ans, l’une a fameusement progressé sur le plan immobilier par rapport à l’autre.