Les communes bruxelloises haussent l'impôt foncier pour sauver leur budget: "Cette mesure est dure à avaler"
Huit communes bruxelloises ont augmenté leur impôt foncier. Cette hausse est en partie compensée. Mais pas pour tout le monde.
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- Publié le 05-09-2023 à 06h37
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De nombreux propriétaires de maisons, appartements et commerces expriment leur désarroi depuis quelques semaines. Depuis qu’ils ont reçu l’avertissement-extrait de rôle que l’administration envoie entre juin et septembre. Depuis, donc, qu’ils connaissent le montant du précompte immobilier (PRI) à payer cette année, en forte hausse dans tout le pays.
Le revenu cadastral, qui constitue la base de calcul de la taxe régionale sur les biens immobiliers, a en effet connu une indexation record cette année, atteignant 9,6 %. Cette hausse impacte tous les propriétaires du pays. Mais certains le seront encore davantage, en particulier en Région bruxelloise. Car en plus de cette indexation du revenu cadastral, certaines communes ont augmenté leurs centimes additionnels sur le précompte immobilier.
Surtout à Bruxelles
Cette taxe constitue la principale rentrée financière des communes, qui disposent de peu d’autres leviers pour lever un impôt. Ainsi, sur les dix-huit communes belges qui ont décidé d’augmenter leurs centimes additionnels sur le précompte immobilier, huit se trouvent en Région Bruxelles-Capitale, contre trois en Wallonie (Jemeppe-sur-Sambre, Floreffe et Andenne). La hausse des dépenses de CPAS, les suites du Covid, l’indexation du salaire des agents communaux mais aussi la hausse du prix des matériaux de construction ont fait déraper les finances, souvent déjà déplorables, de ces communes. Cette hausse d’impôt est toutefois, du moins en partie, compensée. Mais pas pour tout le monde.
Une prime Be Home régionale de 153 euros est ainsi octroyée à chaque propriétaire bruxellois qui occupe lui-même son bien. En plus de cette prime régionale, les huit autres communes ont instauré des systèmes complémentaires, qui varient selon la commune. Ganshoren et Watermael-Boitsfort ont ainsi fait le choix de diminuer le taux additionnel à l’IPP (impôt sur les personnes physiques), favorisant principalement les travailleurs. Une pension légale est par exemple moins imposée qu’un salaire et le bénéfice d’une baisse de l’IPP sera proportionnellement plus élevé pour un travailleur.
Anderlecht, Forest, Ixelles, Saint-Gilles et Molenbeek-Saint-Jean n’ont pas baissé leur IPP, mais ont compensé par une prime Be Home communale (dont le montant varie et s’ajoute à la prime régionale de 153 euros). Mais ces primes ne sont octroyées qu’aux propriétaires qui occupent leur bien.
Par ces mesures, les communes ont un objectif avoué : faire payer les multipropriétaires et les propriétaires qui résident dans une autre commune. Ceux-ci, en effet, ne bénéficient pas des primes Be Home. Certains, à la droite de l’échiquier politique, dénoncent l’injustice faite aux petits propriétaires et/ou aux pensionnés qui comptaient sur ces biens pour améliorer leurs vieux jours. Mais aussi l’impact à venir sur les locataires. “Les propriétaires intègrent cette augmentation du précompte immobilier aux loyers, qui augmenteront dans les prochains mois, assure Stéphane Obeid (MR), échevin des Finances à Ganshoren. Cette mesure augmentera in fine la difficulté des jeunes ménages à se loger.”

Molenbeek: "Politiquement, ce n'est pas très populaire..."
À Molenbeek, les centimes additionnels sur le précompte immobilier ont augmenté de 16 %. “Politiquement, à un an des élections communales, ce n’est pas très populaire. Mais mon but, à la fin de mon mandat, c’est que la commune ne soit pas en faillite, pointe Georges Van Leeckwyck (MR), échevin des Finances. Molenbeek est une commune assez pauvre, avec beaucoup de personnes au CPAS. Les communes plus riches disposent d’un IPP (impôt des personnes physiques) très important, mais Molenbeek n’a que peu de leviers.” Pour compenser, la commune accorde toutefois une prime communale Be Home, proportionnelle aux revenus cadastraux, qui peut monter jusqu’à 400 euros. “Bien sûr, ce n’est qu’une demi-mesure et on est conscients qu’augmenter le précompte peut plonger des familles dans la précarité”, reprend Georges Van Leeckwyck qui plaide pour “une solidarité accrue entre communes”.
Ganshoren: "Comme libéral, cette mesure est dure à avaler, mais elle sera compensée pour ceux qui travaillent"
Ganshoren, qui a augmenté de 8,4 % les centimes additionnels communaux en 2023, se situe dans le ventre mou (9e) du classement des communes bruxelloises où le précompte immobilier (PRI) est le plus cher. “Cette hausse correspond en moyenne à 70 euros de plus en revenu cadastral. Nous sommes confrontés à une augmentation majeure des coûts dans la commune. Notamment de la dotation des CPAS qui a triplé en une législature”, souligne Stéphane Obeid (MR), échevin des Finances. “Comme libéral, cette hausse d’impôt, qui n’a rien de sociale, est dure à avaler.” Ganshoren, pour compenser la hausse du PRI, n’a pas fait le choix de la prime. “Sous l’impulsion du MR et de Défi, nous avons abaissé la taxe additionnelle à l’IPP, même si cela ne se verra que l’an prochain, conclut Stéphane Obeid. Pour une personne qui travaille, cela correspond à 130 euros en moyenne de gain.”
A Schaerbeek, le plus haut précompte immobilier de la Région, mais l’IPP le plus faible
Schaerbeek, où le précompte immobilier (PRI) a augmenté de 10 %, est la commune bruxelloise qui taxe le plus. La commune l’admet mais précise “avoir réalisé un shift fiscal pour qu’aucun Schaerbeekois ne soit perdant”, assure Marc Weber, chef de cabinet de Cécile Jodogne (Défi), bourgmestre de Schaerbeek. “Car parallèlement, nous avons diminué le taux additionnel à l’IPP (impôt sur les personnes physiques) à 4,6 %, ce qui est le plus bas de la Région.” Le système avantage ainsi ceux qui travaillent. Pour les autres, les primes Be Home régionales (153 euros) et communales (115 euros) ne suffisent parfois pas, même cumulées, à amortir la hausse. “La plupart des habitants à Schaerbeek sont locataires et ne paient pas de précompte immobilier. Mais ils travaillent, donc ils sont gagnants. Les vrais perdants sont les multipropriétaires. Ou ceux qui n’habitent pas la commune.”
Ixelles : “Je ne peux pas faire semblant que les budgets sont en bonne forme”
Ixelles a augmenté de 16 % les centimes additionnels sur le précompte immobilier (PRI) entre 2022 et 2023. “Nous devions faire face à des investissements pris sous les précédentes législatures. Il a aussi fallu combler un déficit d’investissements au CPAS, faire face au Covid, aux indexations de salaire, etc., énumère Christos Doulkeridis (Écolo), bourgmestre d’Ixelles. Nous avons voulu immuniser au maximum les Ixellois propriétaires contre la hausse du PRI. Nous avons donc augmenté la prime Be Home.” Cette prime, d’un montant de 100 euros, n’atteint toutefois par le haut du panier, comparée à d’autres communes. “Je ne peux pas faire semblant, comme certains par le passé, que les budgets sont en bonne forme”, souligne Christos Doulkeridis.

C’est à Forest que la hausse du précompte immobilier a été la plus forte
La commune de Forest est celle qui, avec une hausse de 27 %, a le plus augmenté les centimes additionnels sur le précompte immobilier (PRI) entre 2022 et 2023, en région bruxelloise. Cette hausse est toutefois en partie compensée pour les propriétaires qui occupent leur bien puisque c’est à Forest, après Molenbeek, que la prime communale Be Home est la plus élevée (200 euros). “Le problème avec cette augmentation du PRI, c’est qu’elle se fait en parallèle à l’indexation de 10 %, souligne l’échevin des Finances, Ahmed Ouartassi (PS), qui pointe les difficultés financières de sa commune. Nous sommes sous plan de gestion car en difficultés budgétaires depuis des années. Il y a eu beaucoup trop de projets par le passé : la création d’une école francophone, néerlandophone, des crèches, des bâtiments sportifs, des rénovations de bâtiment, etc.”
"Les finances communales s’effondrent à Saint-Gilles, mais c’est le cas partout en Région bruxelloise”
La commune de Saint-Gilles a augmenté de 13,10 % ses centimes additionnels sur le précompte immobilier (PRI). “Nous avons baissé le taux additionnel à l’IPP (impôt sur les personnes physiques) au début de législature, et on augmente maintenant le PRI. Mais c’est compensé par la prime Be Home régionale et la prime Be Home communale (100 euros)”, résume Jean Spinette (PS), bourgmestre de Saint-Gilles. Ce dernier juge que le “débat est corrélé à l’encadrement des loyers” qui, pour lui, devrait être à l’agenda du prochain gouvernement régional, afin d’éviter que cette hausse d’impôt se répercute dans les loyers. “Les finances communales s’effondrent à Saint-Gilles, comme partout en région bruxelloise. Avec les nouvelles missions qui nous sont confiées, l’indexation, les subsides qui ne couvrent pas les besoins, nous sommes face à une situation difficile.”
Anderlecht: "On préférerait toujours ne pas augmenter les impôts mais il faut revenir à l’équilibre budgétaire"
Anderlecht a augmenté de 18% ses centimes additionnels sur le précompte immobilier. Son bourgmestre a décidé, comme dans la plupart des communes bruxelloises qui ont augmenté leur impôts foncier, de compenser en partie par une prime Be Home. Le montant anderlechtois est toutefois plus élevé que dans la plupart des autres communes puisqu'il est passé de 40 euros à 150 euros, en plus de la prime régionale (153 euros).
"Pour le ménage anderlechtois qui occupe son bien, c’est plus ou moins neutre. L'idée est donc de taxer les multipropriétaires qui ne vivent pas dans la commune", nous indique Farbice Cums (PS), bourgmestre d'Anderlecht. L'additionnel à l'IPP n'a pas changé et reste fixé à 5,5%. "On préférerait toujours ne pas augmenter les impôts mais il faut revenir à l’équilibre budgétaire", conclut Fabrice Cums. "Nous pouvons assumer un déficit sur une année de crise mais pas sur le long terme."
Watermael-Boitsfort: "On a stoppé tous les engagements”
Olivier Deleuze, le bourgmestre Ecolo, relativise la hausse de 10, 4 % du précompte immobilier en rappelant qu’il “est très bas”, s’affichant à la 17e place sur 19. “On n’augmente pas quelques taxes pour un but déterminé.” Les dépenses sont en nette hausse d’abord en raison de l’indexation des salaires (environ 320 personnes). Les frais de personnel augmentent de 16 % à 35 millions. Hausse de 22 % des dépenses du CPAS à 8 millions sur fond de taux de chômage élevé et de hausse des personnes bénéficiant du revenu d’intégration pris au sens large. “Sur le personnel, la marge est faible. On a stoppé tous les engagements. Il n’est pas évident de retirer des auxiliaires d’éducation-NdlR qui sont nombreux- sous peine d’avoir une révolution des parents”, se justifie Olivier Deleuze.