Le législateur modifie les règles pour mettre un terme à une lourde perte d'impôt
Rémunérations ou avantages provenant d’une société étrangère liée : l’employeur belge doit désormais retenir le précompte professionnel.
Publié le 19-05-2019 à 14h33 - Mis à jour le 12-09-2019 à 16h25
:focal(859x581:869x571)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/NBZHTMERTBFJ5BQAHUVJGU25VI.jpg)
Une contribution de Rafaël Alvarez Campa (avocat associé Everest Law).
Rémunérations ou avantages provenant d’une société étrangère liée : l’employeur belge doit désormais retenir le précompte professionnel. De longue date, la Belgique constitue une terre d’accueil pour de nombreux travailleurs étrangers et groupes internationaux. Dans ce contexte, il n’est pas rare que des travailleurs exerçant leurs activités professionnelles en Belgique perçoivent, outre leur rémunération payée par leur employeur belge, des rémunérations ou avantages provenant d’une société étrangère liée à leur employeur belge. Songeons aux cas classiques du travailleur d’une société belge qui reçoit un bonus payé par la société mère étrangère et du dirigeant d’entreprise à qui la société étrangère octroie des actions dans le cadre d’un plan de stock-options.
Lorsqu’ils sont afférents à des activités exercées en Belgique, ces rémunérations et avantages sont généralement imposables en Belgique. L’administration fiscale a cependant constaté que leur attribution par des sociétés étrangères échappait régulièrement à l’impôt en Belgique en raison du fait que les employeurs n’ont généralement pas l’obligation de mentionner ces rémunérations et avantages venant de l’étranger sur les fiches fiscales, ni même de retenir le précompte professionnel, cette obligation incombant aux travailleurs uniquement.
Pour mettre un terme à cette perte d’impôt, le législateur a récemment décidé de modifier les règles. C’est ainsi que tout a changé depuis le 1er mars 2019. Il est en effet désormais prévu que l’employeur résident (ou non-résident) belge dont un travailleur ou un dirigeant d’entreprise reçoit des rémunérations ou des avantages de toute nature provenant d’une société étrangère liée est fictivement présumé avoir lui-même octroyé ces rémunérations ou avantages de toute nature. Il lui appartient dès lors de verser le précompte professionnel calculé sur ces éléments imposables et d’établir les fiches fiscales. Pour échapper à cette présomption, l’employeur doit démontrer que l’octroi de cette rémunération étrangère est lié à des services que le travailleur belge rend à l’étranger pour la société étrangère.
Cette nouvelle obligation fiscale s’applique notamment aux sociétés résidentes belges, aux personnes morales soumises à l’impôt des personnes morales ainsi qu’aux personnes morales soumises à l’impôt des non-résidents si les travailleurs rémunérés par la société étrangère liée exercent une activité professionnelle en échange d’une rémunération constituant des frais professionnels pour l’employeur belge. Encore faut-il que la rémunération et l’avantage de toute nature soient octroyés par une société étrangère "liée", c’est-à-dire une société qui est, pour autant qu’elle n’ait ni son siège social, ni son principal établissement, ni un siège de direction ou d’administration en Belgique, une société contrôlée par l’employeur belge, une société qui contrôle l’employeur belge, une société qui forme un consortium avec l’employeur belge, ou une société qui est contrôlée par les sociétés visées ci-dessus.
Si toutes ces conditions sont réunies, les employeurs concernés sont ainsi tenus de mentionner les rémunérations et avantages de toute nature provenant de l’étranger sur la fiche fiscale 281.10 ou 281.20 et de retenir et verser le précompte professionnel, sachant que cette obligation concerne les rémunérations et avantages de toute nature payés ou attribués à partir du 1er mars 2019. Précisons cependant que l’obligation incombant à l’employeur de reprendre ces rémunérations et avantages sur fiche fiscale 281.10 ou 281.20 (mais pas l’obligation relative à la retenue du précompte professionnel) est d’application pour tous les revenus de l’année 2019, en ce compris donc ceux payés ou attribués avant le 1er mars 2019. Pour ces derniers revenus, l’employeur devra compléter pour le 1er mars 2020 au plus tard une fiche fiscale dont le modèle reste à déterminer par le Roi. En cas d’absence, "d’incomplètude" (sic la loi) ou de remise tardive de la fiche, une amende de 10 % du montant des rémunérations attribuées ou payées sera due par infraction constatée sauf si l’employeur démontre que ces rémunérations ont été mentionnées par le travailleur dans sa déclaration fiscale.
Il est enfin à noter que ce nouveau régime n’entre pas en considération pour les exonérations et autres dispenses de versement de précompte professionnel qui sont prévues notamment pour le travail de nuit et le travail en équipe, la recherche scientifique, les entreprises débutantes, etc. Il en résulte que l’employeur belge est tenu de verser le précompte professionnel dans son intégralité au Trésor.