Les épargnants belges ont perdu plusieurs dizaines de milliards d'euros en 10 ans
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Publié le 21-02-2020 à 08h38 - Mis à jour le 28-02-2020 à 15h12
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Voilà peu, Deutsche Bank publiait sur son site un article intitulé "Ne tombez plus dans le piège du compte d’épargne". À la demande de La Libre, Deutsche Bank a chiffré la perte des ménages belges sur les dix dernières années : elle est proche des quarante milliards d’euros.
Comment expliquer ce montant ? Il tient compte du différentiel entre la rémunération du compte d’épargne et du compte à vue et le taux d’inflation, sur base de l’encours annuel.
Fidélité indéfectible
"La rémunération du compte d’épargne est passée sous le taux d’inflation pour la première fois en 2010. Depuis lors, l’inflation capitalisée est juste en dessous de 20 %", explique Olivier Delfosse, CEO de Deutsche Bank Belgique. Autrement dit, les 100 euros de 2010 ne valent plus aujourd’hui que 80 euros dans la réalité en raison de l’effritement annuel du pouvoir d’achat.
Et ce n’est pas fini : "les taux ne devraient pas remonter avant le début de 2025", souligne Olivier Delfosse. Si l’on tient compte d’une inflation moyenne d’environ 1,5 % par an, le pouvoir d’achat va à nouveau en prendre plein la vue. Ce sont encore près de 30 milliards d’euros qui devraient s’envoler (sur base d’un encours cumulé de 400 milliards en moyenne). "Il est important que les Belges se rendent compte qu’ils s’appauvrissent avec leur compte d’épargne. Continuer à épargner comme par le passé, cela revient à remplir un seau avec un trou."
Et pourtant, le Belge est d’une fidélité indéfectible aux produits qui ne lui rapportent plus rien. "L’encours sur les comptes d’épargne et compte à vue a augmenté de 135 milliards en 10 ans."
C’est justement le piège du cash en ces temps de taux bas. L’épargnant ne perd pas d’argent en tant que tel s’il se contente de regarder les montants en compte, qui ont dû progresser grâce à de nouveaux versements. Cet argent, toutefois, perd de la valeur, même si cela ne saute pas aux yeux.
"Dans les faits, on accorde un avantage fiscal au seul produit où vous êtes sûr de perdre de l’argent", reprend le CEO de Deutsche Bank Belgique. Les intérêts, en effet, sont exonérés de précompte mobilier (15 %) sur la première tranche de 990 euros.
Le comportement du consommateur n’est pas en soi illogique. "Il a eu l’habitude d’investir dans des bons de caisse et des bons d’État. Il y a dix ans, l’épargnant pouvait obtenir un taux de 4 % sans risque sur une obligation et de 8 % en moyenne en Bourse." Pas de quoi l’inciter à prendre du risque pour gagner quelques petits pourcents de plus, sans garantie. Le monde a bien changé depuis lors. "Les Belges ont perdu 1,4 %-1,5 % de leur patrimoine en cash en 2019. Nos clients ayant investi avec un profil modéré ont obtenu un rendement de 15 %, et même de 20 % pour le profil plus dynamique. Il y a donc une véritable fracture entre la population la plus conservatrice qui s’appauvrit et la population plus riche qui a surpondéré ses investissements risqués. Il y a donc d’énormes inégalités à cause des taux bas."
Le problème, c’est que le risque semble être un gros mot. "Il faut dédiaboliser le risque lié aux investissements."
Il ne faut toutefois pas se voiler la face : le risque est bien là. Si l’année boursière 2019 a été exceptionnelle, la fin de 2018 avait quant à elle été catastrophique.
Le profil de l’investisseur est dressé en tenant compte de la perte maximale qu’il peut accepter, perte maximale à prendre en compte à tout moment. C’est le fameux profil Mifid que les banques se doivent de suivre.
Mesurer la perte sur le long terme
Olivier Delfosse estime plutôt qu’il faudrait aborder la question différemment. "On ne regarde jamais ce concept de perte maximum par rapport à la capacité de perte de l’investisseur au terme de son horizon de placement. Si cet horizon est de 10 ans, c’est donc intégrer cette notion de temps dans le conseil d’investissement."
Car le temps est le meilleur allié de l’investisseur patient en cas de gros couac. "Si vous avez investi dans les marchés émergents, vous avez toujours récupéré votre mise de départ après 10 ans. C’est entre 10 et 12 ans pour les États-Unis et un peu plus long pour l’Europe car les valeurs bancaires sont très présentes dans les indices boursiers." Un risque à prendre, ou non. "Nous banquiers, avons le devoir d’expliquer cette situation. Ensuite les clients font ce qu’ils veulent. Je ne peux pas faire plus que ça."
Le banquier plaide pour sa chapelle, et alors ?
À coup sûr, vous vous dites qu’Olivier Delfosse ou votre conseiller bancaire a une idée derrière la tête lorsqu’il suggère de vous tourner vers des produits d’investissements. C’est vrai que les frais d’entrée sur ces actifs peuvent aller jusqu’à 3 % et que les frais de gestion sont de belles rentrées récurrentes.
Que ce soit chez Deutsche Bank, BNP Paribas Fortis, KBC, Belfius Banque, ING et ailleurs, le message est le même, et à raison : le client doit prendre du risque s’il veut faire fructifier son patrimoine, petit ou grand. L’épargne est en effet devenue un piège, qu’on le veuille ou non.
Bien entendu, la Bourse, c’est risqué, et peut-être encore plus aujourd’hui qu’hier puisque la correction tant de fois annoncée va bien finir par arriver. Nul ne vous demande toutefois de transférer du jour au lendemain la majeure partie de votre épargne vers des fonds d’investissement.
La meilleure approche, c’est d’y aller pas à pas, avec des montants relativement modestes (c’est possible à partir de 25 euros) et de façon régulière (mensuellement ou non).
Vos premiers versements seront peut-être touchés par la correction. Les suivants en bénéficieront. L’un dans l’autre, le rendement sera au rendez-vous sur le long terme. Cela a toujours été le cas jusqu’à présent.