Le fisc va interroger 150 000 contribuables sur leurs biens immobiliers étrangers
150 000 Belges ayant un bien à l’étranger seront contactés par le fisc fin décembre, pour être taxés différemment.
Publié le 02-12-2020 à 19h27 - Mis à jour le 03-12-2020 à 10h34
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L’État belge n’avait pas le choix. Condamné à une amende de 2 millions d’euros et une astreinte de 7 500 euros par jour pour ne pas s’être conformé à un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne au sujet du calcul des revenus locatifs des propriétaires de biens immobiliers, il fallait vite trouver une solution. D’après nos confrères du Standaard, le gouvernement en a une, ce que nous confirme aussi le cabinet du ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V). “Le ministre a demandé à l’administration d’élaborer une proposition et la présentera prochainement au gouvernement.”
Une différence de traitement fiscal
Quelle est donc cette piste qui permettrait d’éliminer la différence de traitement fiscal entre les revenus immobiliers perçus en Belgique (où les biens résidentiels sont taxés sur la base d’un revenu fictif qu’est le revenu cadastral) et ceux perçus à l’étranger (où ils sont taxés sur les revenus réels), objet de la sentence européenne ?
Plutôt que d’essayer de changer la donne en Belgique (à ce jour, personne n’a osé ni se lancer dans une péréquation cadastrale, ni taxer les loyers réels), l’Etat belge allait-il “agrémenter” à la sauce belge les biens détenus par des belges à l’étranger ? Le cabinet des Finances a opté pour la seconde option, en décidant d’attribuer un revenu cadastral (RC) à chaque bien étranger détenu par un résident belge de la même façon que pour un bien immobilier belge.
“Il y a de nombreux avantages et inconvénients à cette solution mais ce serait techniquement plus clair. Il n’y aurait plus de distinction dans les déclarations fiscales entre les revenus belges et étrangers”, explique le fiscaliste Jef Wellens sur le réseau Twitter. La péréquation basée sur des RC de… 1975
Il n’empêche, poursuit un peu ironiquement un autre fiscaliste spécialiste de cette matière, Gerd Goyvaerts (Tiberghien), “on exporterait ainsi à l’étranger un système obsolète, celui de la péréquation, basé à l’origine sur les revenus cadastraux de 1975.” Soit un système consistant à estimer de manière fictive les revenus nets qu’aurait pu obtenir, s’il l’avait loué, le propriétaire du bien en… 1975. Le hic, c’est que pour fixer le revenu cadastral d’un immeuble, il convient au préalable d’en évaluer le revenu locatif. En Belgique, passe encore. Mais à l’étranger, c’est une autre paire de manches.
La solution des “Finances” en pratique
Concrètement, les 150 000 contribuables belges possédant des biens immobiliers à l’étranger seront contactés à la fin du mois de décembre 2020 et devront fournir les informations suivantes à l’administration dans le courant de 2021 : une brève description de la propriété, sa localisation (pays et adresse), la valeur normale de vente des biens bâtis (maisons, appartements…) ou la superficie des biens non bâtis. “Si la valeur normale de vente n’est pas connue, le prix d’achat et l’année d’achat doivent être communiqués ainsi que, si des travaux ont été effectués sur la propriété (par exemple hangar démoli et nouvelle construction mise en place), le prix de revient et l’année d’achèvement des travaux”, nous précise le cabinet de Vincent Van Peteghem. Qui ajoute que “ceux qui ont déclaré des revenus immobiliers étrangers dans leur déclaration de revenus des particuliers pour les années d’imposition 2020 et 2021 seront automatiquement contactés”. Quant aux contribuables qui acquièrent des biens immobiliers étrangers à partir du 1er janvier 2021, ils auront 4 mois pour accomplir cette formalité. Sur la base de ces informations, le fisc calculera donc le RC et le notifiera au contribuable.
Quid en cas de réclamation ?
Dès l’année d’imposition 2022, ces informations seront simplement disponibles dans la déclaration de revenus (pré-remplie ou via l’assistant).
Cela étant, il faudra attendre le texte de loi pour que l’on cerne la manière dont le fisc entend régler les réclamations. Dans ce cas, les fonctionnaires du cadastre ne seraient-ils pas contraints de connaître le marché locatif d’il y a plus de 40 ans de chacune des sous-régions de France, d’Espagne, d’Italie… ? Et ce alors qu’ils n’auront aucun point de comparaison… En effet, quand ils attribuent aujourd’hui un RC en Belgique, ils peuvent se contenter d’une description précise du bien et calculer son revenu fictif au regard des RC de biens similaires dans la même commune. Et si cela ne fonctionne pas, les mêmes fonctionnaires feront-ils une visite du bien ? Réelle ou virtuelle ? Et si le propriétaire du bien n’en tire aucun revenu, va-t-il aussi être taxé sur le nouvel RC ? Et ceux qui, au contraire, en tirent un et le déclarent, seront-ils, comme en Belgique, avantagés, le RC ne représentant pas les revenus réels ? A n’en pas douter le début d’une nouvelle saga fiscale…