Les primes d’assurance de groupe des dirigeants seront moins déductibles
Le fisc a revu sa position sur la fameuse “règle des 80 %”, avant même que la ministre des Pensions ne s'attaque à la niche fiscale du deuxième pilier des pensions. L'administration a durci sa position, de sorte que les déductions seront réduites. La fédération des assureurs (Assuralia) demande une discussion avec le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V).
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Publié le 08-04-2021 à 07h26 - Mis à jour le 13-05-2021 à 22h25
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Ce n’est pas une surprise. Les abus en matière d’assurances de groupe souscrites par des dirigeants d’entreprises étaient sans doute trop nombreux. Ce qu’avait d’ailleurs pointé un rapport sur les pensions complémentaires de la Cour des comptes du 10 décembre 2020. Ce rapport pointait les inégalités en matière d’assurances de groupe, un petit nombre d’affiliés détenant une large part des réserves.
Au titre de frais professionnels
Dans ce rapport, la Cour des comptes mettait aussi en exergue le cas des assurances dirigeants d’entreprises (ADE). Ces ADE ont une particularité : les primes versées par les dirigeants d’entreprises pour se constituer un capital à la retraite sont déductibles au titre de frais professionnels ! Un très bel avantage fiscal conditionné au seul respect de la fameuse “règle des 80 %”. Selon cette règle, la somme de la pension légale et de la pension extralégale ne doit pas dépasser 80 % de la dernière rémunération annuelle. Une manière d’éviter le versement de sommes très importantes déductibles… aux frais de la collectivité.
Une petite entorse – tout ce qu’il y a de plus légal – permet cependant d’intégrer dans les 80 % les années antérieures (back-service, dans le jargon) où il n’y a pas eu de versement de pension complémentaire. Ou plutôt devrait-on dire “permettait”. Ce cadeau de pouvoir “rattraper” les années antérieures n’est plus permis. Le fisc vient de changer son fusil d’épaule, avant même que la ministre des Pensions Karine Lalieux (PS) ne s’attaque au problème, qu’elle avait récemment pointé du doigt elle aussi. Il faut dire que cette règle des 80 %, c’est connu, est source courante d’abus.
Revirement du fisc
Faisant suite à quelques demandes d’éclaircissement, et à quelques réponses circonstanciées du service de support à l’impôt des sociétés du SPF Finances sur cette règle des 80 % de novembre et décembre 2020, “l’administration centrale Agfisc a notifié son revirement à diverses compagnies d’assurance”, nous confie un expert du SPF.
Le fisc, dorénavant, n’accepte plus que les années antérieures puissent être intégrées dans le calcul des 80 %, ce qui de facto limite les possibilités de déduction fiscale pour de nombreuses ADE.
“Pour les nouveaux contrats à conclure, les souscripteurs devront être systématiquement informés de la nouvelle position administrative, et ce, bien que les compagnies continuent à défendre face à l’Agfisc l’interprétation antérieure. Si les souscripteurs souhaitent conclure un nouveau contrat dans le cadre de l’interprétation antérieure dorénavant refusée, ils seront invités à signer un document indiquant qu’ils ont été informés des conséquences fiscales de leur décision, document dont un exemplaire signé doit être joint comme annexe obligatoire au dossier tenu par la compagnie”, confie une source proche du dossier.
Demande de rendez-vous avec le ministre
Mine de rien, c’est un fameux revirement dans ce secteur de l’assurance de groupe, qui compte 127 500 contrats portant sur 19,2 milliards d’euros. D’autant plus que la question de la rétroactivité reste sans réponse sûre et certaine. On peut déduire des courriers du fisc qu’il faudrait donc revenir en arrière mais c’est assez flou.
Ce qui a le don d’agacer la fédération belge des assureurs (Assuralia). Contacté, Assuralia assure “suivre de près le dossier et la jurisprudence afférente. Pour Assuralia, il est particulièrement important de rechercher la sécurité juridique pour tous ceux qui se constituent une pension. Si une règle, qui a été interprétée de la même manière pendant 30 ans, reçoit soudainement une interprétation différente de manière rétroactive, la sécurité juridique souhaitée peut également être compromise. Dans l’application, il s’agit surtout de ne pas pénaliser les assurés qui se constituent une pension. En ce sens, l’interprétation de la règle des 80 % doit être équitable”, explique-t-on chez Assuralia. Qui demande donc “d’entamer des discussions avec le ministre à ce sujet”.