Le télétravail, une réelle opportunité en matière fiscale ?
En raison de la crise du Covid, nombreux sont les travailleurs (au sens large, salariés, dirigeants d’entreprise, titulaires de professions libérales) qui, en 2020, se sont retrouvés en situation de télétravail.
- Publié le 01-06-2021 à 17h11
- Mis à jour le 15-06-2021 à 17h05
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Si travailler de chez soi présente certains avantages, cette situation occasionne également pour le travailleur un certain nombre de frais complémentaires (frais d’électricité, connexion Internet, utilisation d’une imprimante privée, etc.) qui peuvent l’amener à s’interroger sur l’opportunité de postuler, pour l’année de revenus 2020 notamment, à la déduction de ses frais professionnels réels. État des lieux.
Frais réels versus frais forfaitaires
La déduction des frais professionnels réels peut s’avérer avantageuse lorsque le montant de ces frais, calculé selon les règles fiscales en vigueur, excède le montant des frais forfaitaires automatiquement déduit via la déclaration annuelle à l’impôt des personnes physiques (à savoir, pour l’exercice d’imposition 2021, un maximum de 4 880 euros pour un salarié et un maximum de 2 580 euros pour un dirigeant d’entreprise).
Pour les indépendants qui recueillent des profits, les frais professionnels forfaitaires sont calculés comme suit : 28,7 % jusqu’à 6 210 euros ; 10 % jusqu’à 12 330 euros ; 5 % jusqu’à 20 530 euros et 3 % au-delà de 20 530 euros.
Cela étant dit, pour les personnes physiques, au moment de compléter la déclaration fiscale à l’IPP, il peut être intéressant d’opérer un “rapide” calcul du montant des frais professionnels réels tenant compte des dépenses/frais exposés durant l’année fiscale écoulée et relatifs notamment à l’utilisation partielle de l’habitation à des fins professionnelles.
Le but de ce calcul étant bien évidemment de comparer le montant obtenu avec le montant forfaitaire qui sera automatiquement appliqué en ayant à l’esprit que le travailleur salarié ne revendiquera la déduction de ses frais réels que dans la mesure où le montant de ces frais s’avère supérieur au montant du forfait de frais légal, soit 4 880 euros pour l’année concernée.
Télétravail et frais réels : quels types de frais sont acceptables ?
Lorsqu’il télétravaille, le travailleur affecte d’office une partie de son habitation à un usage professionnel. Il est dès lors assez logique qu’il puisse déduire de ses revenus professionnels la quotité des frais liés à l’acquisition ou la conservation et l’entretien de son habitation.
Ainsi, sont notamment déductibles à titre de frais professionnels, la quotité professionnelle :
- du loyer si le travailleur est locataire ou de l’amortissement de l’habitation si le travailleur est propriétaire ;
- des intérêts du prêt (hypothécaire) souscrit pour cette habitation ;
- des frais d’eau et d’électricité et/ou des frais de chauffage ;
- des primes d’assurance incendie ;
- du précompte immobilier afférent à cette habitation, etc.
Pour déterminer, la quotité professionnelle de l’habitation, il est fait usage d’un pourcentage calculé en divisant la surface de l’habitation affectée à votre activité professionnelle par la surface totale de l’habitation. Ceci suppose bien entendu qu’on dispose d’un espace bureau séparé dans l’habitation.
Attention toutefois pour les locataires, il convient de vérifier au préalable le contrat de bail dans la mesure où beaucoup de contrats-types interdisent au locataire d’affecter le logement en tout ou en partie à des fins professionnelles dans la mesure où cela génère une imposition plus lourde dans le chef du bailleur en personne physique.
Frais de bureau
Outre les frais liés sensu stricto à l’usage de l’habitation privée, le télétravail peut également engendrer des frais de bureau. Nombreux sont ainsi les travailleurs qui, en 2020, ont réalisé des aménagements afin de rendre plus fonctionnel l’espace “bureau” dont ils disposent à la maison et ce, au regard du télétravail largement généralisé.
Ces travailleurs pourront ainsi, à titre illustratif, déduire :
• les amortissements liés à l’achat de mobilier de bureau (bureau et chaise de bureau ergonomique, ordinateurs, copieurs, etc.)
• les frais de téléphonie,
• les frais relatifs aux fournitures de bureau, etc.
L’administratif à ne pas négliger
Selon la législation fiscale applicable, les frais listés ci-avant seront déductibles dans la mesure où le travailleur est en mesure de démontrer qu’il a réalisé ces frais durant la période imposable en vue d’acquérir ou de conserver des revenus imposables et pour autant qu’il puisse justifier de la réalité des montants au moyen de documents probants.
Déduire ses frais réels nécessite donc de constituer chaque année un dossier reprenant les pièces justificatives adéquates et d’effectuer certains calculs détaillés en vue notamment d’isoler la quotité professionnelle de ces frais, ce qui peut s’avérer fastidieux.
Quid du remboursement de frais forfaitaires ?
Pour remédier à cet inconvénient administratif de collecte de tous les justificatifs pour les frais réels, bénéficier de remboursements forfaitaires de frais peut aussi se révéler être une alternative intéressante.
Sur le plan fiscal, et concernant notamment le remboursement de frais liés au télétravail, l’administration fiscale a, depuis 2014, accepté explicitement par le biais de circulaires administratives que certains frais de bureau puissent faire l’objet de remboursements forfaitaires lorsqu’ils sont exposés dans le cadre du télétravail.
Ces remboursements forfaitaires de frais initialement réservés à certains frais limitativement énumérés peuvent désormais être indemnisés via l’attribution d’une indemnité globale. En effet, depuis la crise sanitaire qui a émergé en 2020, l’administration fiscale belge accepte désormais que soit octroyée une indemnité forfaitaire globale destinée à compenser les frais occasionnés par le télétravail. Seul formalisme nécessaire à ce remboursement : la mention sur la fiche de rémunération et, bien entendu, le fait que les frais doivent correspondre à une réalité.
Ainsi, depuis le 1er mars 2020, une indemnité de frais de 126,94 euros par mois (portée à 129,48 euros à compter d’avril 2020) peut être octroyée aux travailleurs qui, pour quelque raison que ce soit, télétravaillent de manière régulière et structurelle.
En février 2021, l’administration fiscale a publié une nouvelle circulaire qui remplace les circulaires précédentes et détermine le traitement fiscal des indemnités pour télétravail et avantages de toute nature pour télétravail.
Sans nous attarder trop longuement sur le contenu de cette circulaire, notons que :
• celle-ci confirme qu’il est désormais possible d’indemniser les travailleurs pour les frais de bureau qu’ils supportent au bénéfice de leur employeur par le biais d’une indemnité globale de frais d’un montant mensuel de 129,48 euros (ce montant étant porté pour les mois d’avril, mai et juin 2021 à 144,31 euros).
• celle-ci contient une liste non exhaustive des frais couverts par ce montant.
• celle-ci précise en outre que l’indemnité générale pour frais de bureau peut être cumulée avec une indemnité de 20 euros par mois destinée à couvrir les frais liés à l’utilisation professionnelle d’une connexion et d’un abonnement Internet privé.
Frais réels : déduction versus remboursement
Parce que collecter les preuves des frais d’achat peut être un travail fastidieux, il peut être intéressant pour un travailleur de demander directement le remboursement de ses frais professionnels à son employeur/entreprise. Dans ce cas, les remboursements obtenus par le travailleur constituent des remboursements de frais non imposables dans le chef du travailleur. En contrepartie, il va sans dire que ce travailleur ne pourra revendiquer pour ces mêmes frais une déduction fiscale.
Ce type de remboursements de frais sur une base réelle représente toutefois pour l’employeur/l’entreprise une charge de travail assez lourde sur le plan administratif puisqu’il convient de pouvoir justifier chaque remboursement par le biais de pièces justificatives qui devront précieusement être conservées.
Quel est le meilleur choix ?
Le remboursement des frais de bureau dans le cadre du télétravail dispose désormais, par le biais de cette indemnisation forfaitaire globale, d’un cadre juridique qui offre au contribuable et à son employeur le mérite d’être facilement praticable tout en bénéficiant d’une grande sécurité juridique. Bien entendu, tant le travailleur que l’employeur peuvent décider de continuer sur la base soit de remboursements de frais réels (c’est-à-dire sur la base de justificatifs), soit via la déduction des frais professionnels réels. Dans ce dernier cas, il conviendra, comme souligné ci-dessus, de bien limiter le montant des frais déductibles en tenant notamment compte des limites fiscales applicables (quotité professionnelle, règles d’amortissement, etc.) et en s’assurant de conserver un dossier de pièces justificatives.