Payez-vous (vraiment) trop cher votre abonnement télécoms ?
Les prix des abonnements télécoms sont souvent décriés en Belgique. À raison ? Test Achat a organisé une table ronde pour faire le point sur la question, plus complexe qu'il n'y paraît. Si l'arrivée d'un quatrième opérateur grand public reste de l'ordre de l'hypothèse, le risque de consolidation du marché est bien présent.
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Publié le 02-09-2021 à 16h30 - Mis à jour le 22-11-2021 à 18h43
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Le consommateur belge est-il le dindon de la farce par rapport à ses voisins européens au niveau de sa facture télécoms ? La question divise.
Pour résumer la situation, caricaturons un peu. D’un côté, Test Achats avance que les consommateurs belges paient trop cher. De l’autre, les opérateurs et autres professionnels du secteur avancent que la couverture et la qualité du réseau sont exceptionnelles par rapport au prix demandé.
Et lorsqu’on aborde le sujet de l’arrivée d’un 4e opérateur grand public – sorte de mythe planant sur le marché belge depuis quelque temps – les arguments fusent dans les deux sens.
C’est pour cela que l’association de consommateurs a tenu à faire le point ce jeudi lors d’une conférence, avec différents acteurs du secteur, dont la ministre des télécommunications Petra De Sutter (Groen), l’IBPT (le régulateur fédéral), Agoria et Citymesh-Cegeka, acteur B2B qui ne cache pas certaines ambitions pour le marché grand public.
Disparités européennes
Test Achats pointe du doigt le fait que "chaque année, on constate des augmentations de prix systématiques chez les trois grands opérateurs de réseau. Les prix des télécoms ont ainsi augmenté en moyenne de 3 à 6 % entre 2017 et 2021". Proximus arrive en tête, avec une hausse de 6,10 %. Chez Voo, la hausse est de 5,04 % et chez Telenet, c'est une augmentation de 3,26 %, signale l'association.
Elle note néanmoins que si le prix global des différents services (téléphone fixe, packs télécoms, internet) augmente davantage que l’indice des prix à la consommation, le prix de la téléphonie mobile diminue tout de même.
Elle ajoute également que 91 % des Belges ont souscrit à un pack regroupant les différents services. "Il y a moins d'administratif, c'est plus confortable d'avoir tous ses services chez le même opérateur, mais ces packs sont un frein à la migration et les consommateurs sont verrouillés dans leurs forfaits", signale Kristof Van Ostaede, expert télécoms chez Test Achats. "Les opérateurs en sont conscients et les augmentations de prix se font avec une perte négligeable de clientèle", alerte-t-il.
En Belgique, un abonnement internet coûte en moyenne 48 euros par mois. En France, en Espagne et au Portugal, le prix est au minimum 72 % moins cher, indique Test Achat. Pour un pack groupé 3Play (Téléphone fixe, Internet et Mobile), c’est 73 euros par mois en Belgique alors que, même s’il y a de grosses disparités au niveau européen, beaucoup de pays affichent des tarifs beaucoup moins élevés.
Les citoyens, responsables de leur malheur ?
Geoffrey Joris, de la fédération patronale Agoria, affirme que "la question du pouvoir d'achat est essentielle". C'est-à-dire que les chiffres avancés ne prennent pas en compte la différence de revenus entre les pays. Il avance par exemple que la facture télécoms ne représente que 2,1 % du "panier des ménages" en Belgique, contre une moyenne de 2,4 % en Europe. Mais si cela n'explique pas pourquoi une telle différence est constatée avec nos voisins Français par exemple, il estime que la Belgique fait partie des pays "avec des coûts d'infrastructures parmi les plus élevés" et où la qualité du réseau – même si c'est plus aisé à mettre en place dans un petit pays avec une forte densité de population – pèse dans la balance. De plus, il avance que les outils comme EasySwitch ou Meilleurtarif.besont sous-utilisés. Les consommateurs devraient donc pouvoir agir sur leur facture s'ils le souhaitent. Il avance encore qu'il existe de nombreux opérateurs B2B pour entreprises (comme Citymesh et CGK), même si cela ne représente que 5 % du marché.
Pour Axel De Smet, de l'IBPT, "l'exercice est extrêmement difficile". Il ne se range pas du côté de Test Achats même s'il en partage certaines conclusions. "Les chiffres sont exagérés, même si les conclusions sont correctes. Reconnaissons également que la qualité du réseau belge est factuelle et objectivée", commente-t-il.
Il émet cependant des critiques sur les effets d'une éventuelle consolidation du marché, alors que la vente de Voo est sur la table, que Proximus s'est emparé de Viking Mobile et que l'arrivée d'un 4e opérateur grand public reste pour le moment de l'ordre de l'hypothèse. Le fait qu'il existe Scarlet, la filiale à bas prix de Proximus, n'est pour lui pas une garantie de prix bas. "Si un jour la majorité des clients de Proximus vont chez Scarlet, les prix changeront. C'est une bonne chose mais il ne faut pas confondre différenciation d'offres au sein d'une même entité et réelle concurrence pour un service de qualité", signale-t-il.
Pour David Wiame, de Test Achats, l'argument de la qualité du réseau est une chose, mais la perception réelle de celle-ci par le public en est une autre. "On pourrait espérer plus de pression sur les prix. Mais au-delà de ça, il faut également pouvoir faire de nouvelles offres, comme permettre de se passer de décodeurs énergivores", glisse-t-il. Ce qu'Orange TV Lite, lancée la semaine dernière, permet, par exemple.
"Une carte à jouer au niveau politique"
Pour Axel De Smet, "il y a une carte à jouer au niveau politique" par rapport à un quatrième opérateur. "Dans le contexte de la vente de Voo, une consolidation du marché pourrait avoir lieu" et serait un mauvais signal, affirme-t-il. "La liberté de pouvoir changer d'opérateur quand on veut est un acquis important" qu'il ne faudrait pas perdre.
"Les répercussions seraient directes sur les tarifs car pour gagner des parts de marché, ce dernier aurait besoin de baisser les prix par rapport à la concurrence. On l'a vu dans d'autre pays, comme avec l'arrivée de Free en France. Clairement, on a parlé d'offre disruptive, ce qui est bénéfique pour les consommateurs. Cependant, à long terme, les répercussions sur la qualité et les investissements sont moins clairs. S'il y a une baisse des prix, il y aura une baisse des marges et donc potentiellement une diminution des investissements de la part des opérateurs", nuance-t-il.
La question des tarifs reste donc complexe en Belgique et la sensibilisation du public quant à ses droits est importante. Comme le dit la ministre Petra De Sutter, "les prix en Belgique sont plus élevés mais il faut comparer tous les packs, sans oublier que les zones blanches sont rares" et les citoyens doivent saisir les outils qui sont à leur disposition. Reste à voir si un opérateur grand public finira par se déclarer, ou non, lors de la mise aux enchères des fréquences, prévue d'ici début 2022.