La Belgique dans le top 3 des pays européens qui taxent le plus le patrimoine : un bond de cinq milliards en dix ans
L’ampleur de la taxation patrimoniale en Belgique risque de compliquer les débats sur la réforme fiscale.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/16e12df7-ddb4-42fc-bfe1-285390232bf8.png)
Publié le 14-12-2021 à 08h01 - Mis à jour le 14-12-2021 à 08h04
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/Y4W7MGNZBVASJOOSKFPJWFUZKY.jpg)
Ils sont tout frais. Publiés le 6 décembre, les chiffres relatifs à l’imposition du patrimoine compilés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) risquent cependant d’échauffer l’esprit de nombreux contribuables belges. C’est que ces chiffres montrent combien la fiscalité sur le patrimoine est élevée en Belgique. Tous niveaux de pouvoir confondus (fédéral, Régions, pouvoirs locaux et sécu), les patrimoines belges sont taxés à hauteur de 3,5 % du PIB (pour les recettes de 2019, derniers chiffres connus). Soit 16,3 milliards d’euros. Ce taux place la Belgique sur la troisième marche du podium des pays qui taxent le plus le patrimoine au sein de l’Union européenne, derrière le Luxembourg (3,8 %) et la France (4 %).
Une large panoplie de revenus visés
En dix ans de temps, cette fiscalité patrimoniale a grimpé de 3,1 % (11,2 milliards d’euros) en 2010 à 3,5 % du PIB en 2019. Soit une hausse d’un peu plus de 5 milliards d’euros. Ce sont les Régions qui captent la plus grande part de cette fiscalité patrimoniale (1,7 % du PIB), suivies par les pouvoirs locaux (1,2 %), le fédéral (0,5 %) et la sécurité sociale (0,2 %).
Question : que trouve-t-on derrière cette fiscalité patrimoniale ? L'OCDE la définit comme regroupant "les impôts périodiques et non périodiques sur l'utilisation, la propriété ou la mutation des biens. Sont comptabilisés ici les impôts sur la propriété immobilière et sur l'actif net, les impôts sur les mutations par décès, les successions et les donations, et les impôts sur les transactions mobilières et immobilières".
Pour être plus complet, en ce qui concerne la Belgique, on peut faire entrer dans "impôt sur le patrimoine" tous les impôts qui ne sont pas le prélèvement d’un "revenu" mais qui frappent un patrimoine, même si ce dernier ne rapporte rien. On y trouve par exemple la taxation sur les secondes résidences (même si elles ne sont pas louées), la fameuse taxe sur les comptes-titres, les droits d’enregistrement, les droits de succession, le précompte immobilier, la taxe de mise en circulation, la taxe de circulation et la taxe sur les opérations de Bourse (TOB).
Hausses mécaniques
Autre question qu’on peut légitimement se poser : pourquoi la pression fiscale sur le patrimoine s’est-elle accentuée ces dernières années ? En raison de la hausse des prix essentiellement. L’augmentation des prix du marché immobilier résidentiel ces dernières années, par exemple, a gonflé les droits d’enregistrement et les droits de succession.

Il y a aussi eu pas mal de changements dans la législation fiscale. La taxe sur les comptes-titres est un bon exemple. Introduite dans la douleur lors de la précédente législature, cette taxe avait été annulée par la Cour constitutionnelle. Mais la Vivaldi a remis le couvert avec une deuxième version budgétée à 430 millions d’euros par an… qui fait elle aussi l’objet de sept recours en annulation ! Qu’à cela ne tienne, si annulation il devait y avoir, elle n’interviendrait que l’année prochaine, et la Cour pourrait choisir de limiter l’annulation aux prélèvements futurs, et non à ceux qui ont déjà été prélevés par les institutions bancaires pour le compte de l’État.
Cela dit, récemment, il y a eu bien d'autres changements législatifs, concernant la taxation des immeubles détenus par des Belges à l'étranger notamment. À la suite d'un arrêt de la Cour de justice européenne, ces immeubles extra-muros vont être taxés en fonction d'un revenu cadastral (RC). Difficile de dire si la taxation qui en résultera sera in fine plus importante, puisque dépendante des règles d'évaluation du RC…
Réforme fiscale à venir
Le décret fiscal wallon porté par Jean-Luc Crucke (MR), finalement voté au Parlement wallon vendredi dernier, et le projet du ministre wallon Philippe Henry (Écolo) sur la fiscalité automobile augurent évidemment bien d'autres changements.
Mais le plus important, sans doute, reste à venir. Le projet de réforme fiscale mis sur pied par le groupe d’experts mandaté par le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) est "costaud". Il prévoit, pour compenser la baisse substantielle des charges sur le travail, de s’attaquer aux sociétés de management, aux plus-values sur actions, aux plus-values immobilières, etc. Projet qui, d’ores et déjà, a suscité de vifs débats. Alors que la Belgique trône parmi les pays à la fiscalité sur les revenus du travail la plus lourde - le taux marginal d’imposition de 50 % est atteint dès 40 000 euros de revenus imposables -, cette taxation patrimoniale somme toute assez élevée risque de pimenter un peu plus encore les discussions à venir sur le futur projet de réforme fiscale.