La batterie thermique peut-elle s'imposer face à Tesla ?
Basée à Nivelles, la société Destore ambitionne de lancer son propre modèle de batterie thermique pour la fin 2023.
- Publié le 12-05-2022 à 08h08
- Mis à jour le 12-05-2022 à 08h10
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/SRHZW46NWBAF3GYFBOXOUGJRB4.jpg)
Quand on pense à la transition énergétique, la batterie électrique vient immédiatement à l’esprit : Tesla, LG, Huawei… En revanche, on ne pense généralement pas à son homologue thermique, qui stocke de la chaleur plutôt que de l’électricité.
Mais, selon Hervé Jeanmart, professeur à l'École polytechnique de l'UCLouvain, la batterie thermique pourrait jouer un rôle dans la transition énergétique. Selon lui, cette solution, destinée aux maisons, aux appartements, ou au secteur tertiaire, est même plus économique qu'une batterie électrique. "Le grand avantage de la batterie thermique, par rapport à son homologue électrique, est son coût nettement inférieur par KWh d'énergie stockée, précise-t-il. Le désavantage est qu'elle ne remplit pas la même fonction."
Pouvoir stocker l'eau chaude
Cela peut paraître évident, mais on ne peut pas faire fonctionner ses équipements électriques avec une batterie thermique. Néanmoins, le chauffage de l’habitation et de l’eau sanitaire représente la majorité de l’énergie consommée à domicile (86 % en 2017, selon le SPF Économie). Pouvoir stocker de l’eau chaude est donc important.
Mais que recouvrent exactement les termes "batterie thermique" ? Un chauffe-eau électrique est, en soi, une batterie thermique : on utilise l’électricité du réseau ou de ses panneaux photovoltaïques pour chauffer de l’eau qui sera utilisée plus tard.
Dans le cadre de la transition énergétique, des solutions plus élaborées sont cependant en train de se développer. Basée à Nivelles, la société Destore ambitionne de lancer son propre modèle de batterie thermique pour la fin 2023. "La conception de notre batterie repose sur des composants simples comme l'eau ou la paraffine, explique Grégory Meys, fondateur et CEO de Destore. C'est un sacré avantage par rapport aux batteries électriques, dont la production nécessite des matériaux coûteux et difficilement extractibles, comme les terres rares et d'autres matières premières importées."
Selon lui, la batterie Destore coûtera entre 60 et 75 % du prix d’une batterie électrique standard, avec une capacité de stockage quasiment deux fois plus importante.
Au niveau technologique, la batterie Destore utilise des matériaux "à changement de phase", qui permettent de stocker la chaleur à basse température. La batterie doit être connectée entre une pompe à chaleur (PAC) et les équipements alimentés en eau chaude : radiateurs, chauffage par le sol, douche…
Plus grande autoconsommation
Comme son homologue électrique, la batterie thermique a pour objectif d’augmenter l’autoconsommation des ménages équipés de panneaux photovoltaïques. Plutôt que d’injecter massivement de l’électricité sur le réseau quand il y a beaucoup de soleil à midi, la batterie thermique doit stocker la chaleur produite par la pompe à chaleur.
"Nous avons développé une batterie intelligente qui permet de minimiser l'électricité consommée par la pompe à chaleur, explique Grégory Meys. D'un côté, elle tient compte de la température extérieure et de la production photovoltaïque pour se charger au moment le plus propice. D'un autre côté, elle analyse l'historique des usages de l'habitation pour chauffer l'eau à la bonne température. Il y a plusieurs compartiments au sein de la batterie qui correspondent à des usages différents : 60° pour l'eau sanitaire, 45° pour les radiateurs, 30° pour le chauffage par le sol…"
Le patron de Destore affirme que sa batterie a une capacité de stockage comprise entre six et huit heures. L'usage du réseau de distribution d'électricité pourrait donc être nettement diminué. "On peut dire qu'un ménage avec des panneaux photovoltaïques et une pompe à chaleur peut multiplier par deux ou trois son autoconsommation grâce à notre batterie", explique Grégory Meys.
Selon le patron de Destore, ses principaux concurrents se situent aujourd’hui en France avec Inelio et en Écosse avec Sunamp. Le projet Destore a reçu le soutien d’Elia, le gestionnaire du réseau haute tension, ainsi que du fournisseur TotalEnergies (ex-Lampiris).
Pourquoi investir ?
À Bruxelles et en Flandre, il existe une incitation financière réelle à l’autoconsommation de sa production photovoltaïque. Selon Dieter Broes, business developer chez TotalEnergies, il est donc intéressant d’installer une batterie thermique dans ces deux régions.
Mais ce type d’investissement n’est pas encore économiquement rentable en Wallonie. Pourquoi ? En théorie, augmenter son autoconsommation permet de diminuer les frais de distribution d’électricité (le tarif "prosumer") puisqu’on prélève moins sur le réseau. Le problème est que la Wallonie a opté pour un tarif "prosumer" forfaitaire, qui dépend de la puissance de l’installation photovoltaïque. Dès lors, augmenter son autoconsommation ne diminue pas le coût du tarif "prosumer". Il est cependant possible de demander le placement d’un compteur bidirectionnel, qui permet de payer son tarif "prosumer" sur la base des prélèvements réels d’électricité sur le réseau. Dans ce cas, augmenter son autoconsommation permet de diminuer ses prélèvements sur le réseau et donc le tarif "prosumer".
À plus long terme, la régulation va de toute façon évoluer. Ces évolutions feront en sorte d’inciter financièrement tous les propriétaires de panneaux photovoltaïques à autoconsommer un maximum. À ce moment, les batteries auront un sens d’un point de vue purement financier pour tous les "prosumers".
Le réseau en a besoin aussi
La transition énergétique va impliquer l’installation massive de panneaux photovoltaïques sur les toits des habitations. Le problème est que ces panneaux produisent au mauvais moment : la production photovoltaïque est forte à midi, quand la consommation d’électricité est faible. En revanche, la production photovoltaïque est plus faible en soirée, quand la consommation d’électricité est forte. En stockant l’énergie produite à midi pour l’utiliser le soir, les batteries électriques ou thermiques permettent de moins solliciter le réseau électrique.