Les taxes poussent plus que jamais les Belges à faire leurs courses à l’étranger
Les consommateurs ont dépensé 543 millions d’euros en 2022 pour les achats transfrontaliers. Le projet de réforme de la TVA sur les produits alimentaires risque d’accentuer le mouvement.
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Publié le 10-03-2023 à 08h03
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Le constat n’est pas neuf : de nombreux consommateurs belges franchissent les frontières pour effectuer leurs achats à meilleur prix dans la grande distribution des pays voisins. Qu’il s’agisse des sodas et des eaux minérales, de l’épicerie salée ou sucrée ou encore de la crémerie et des produits d’entretien, les différences peuvent être majeures.
Le phénomène est le plus criant avec la France, qui concentre 58 % des achats hors frontière, en raison bien entendu de la proximité des Auchan, Carrefour et autre Leclerc depuis La Panne jusqu’à Virton. De plus, la concurrence et leur force de frappe commerciale sont telles que ces trois enseignes se livrent à un combat acharné sur les prix pour garder ou gagner des clients.
Les représentants de la grande distribution et des producteurs belges ont déjà à maintes reprises sonné l’alarme : ce qui n’est pas acheté en Belgique entraîne une perte sèche de revenus en TVA pour l’État mais aussi une incidence sur l’emploi.
Objectiver les différences
L’Observatoire des Prix doit remettre au cours du second semestre de l’année sa copie sur une étude comparative avec les pays voisins, ce qui permettra d’objectiver la chose au-delà de la comparaison ponctuelle des prix du Coca, du Caprice des Dieux, des produits Danone, des pâtes Barilla ou encore de l’eau d’Evian.
Alors que des hausses de TVA sont envisagées sur certains produits alimentaires par le gouvernement, les fédérations du secteur mènent une nouvelle charge pour dénoncer une fois encore les dérives de certaines taxations.
Voilà une semaine, Comeos, la Fédération du Commerce et des services, épinglait le projet de réforme fiscale du ministre des Finances Vincent Van Peteghem. Elle prévoit la suppression de la TVA sur les fruits et légumes, mais elle augmenterait de 6 à 9 % sur tous les autres produits alimentaires.” Le message du vice-Premier ministre est en réalité le suivant : ceux qui le peuvent ont intérêt à aller faire leurs courses à l’étranger”, avait souligné Dominique Michel, son CEO.
Le combat anti-inflation de la France
Fevia, la Fédération de l’industrie alimentaire belge, a posé le même constat en appelant les responsables politiques “à arrêter de pousser les consommateurs à traverser la frontière”. “Nos entreprises perdent du chiffre d’affaires et des emplois à cause de ces achats transfrontaliers, mais le trésor public y perd aussi”, a précisé son CEO, Bart Buyse.
Car les consommateurs passent la frontière, massivement. “En 2022, les Belges ont dépensé 543 millions d’euros de l’autre côté de nos frontières. La raison est évidente : de nombreux produits alimentaires et boissons y sont moins chers que chez nous. L’accumulation des taxes y est clairement pour quelque chose”, évoque ainsi Fevia dans sa Newsletter. “Avec cette proposition, les achats transfrontaliers de fast-moving consumer goods vont très vite atteindre le milliard d’euros”.
Le chiffre est sans doute gonflé pour marquer les esprits, mais il n’en reste pas moins que le glissement des achats est un phénomène bien établit. “L’histoire nous apprend que toute hausse de la fiscalité indirecte a conduit à un déplacement d’une partie des achats alimentaires des Belges de l’autre côté de la frontière”, note Carole Dembour, Economic Affairs Advisor. Fevia rappelle les conclusions d’une étude du Bureau du Plan qui prévoit la perte de 8 500 emplois après 5 ans en cas de hausse de la TVA de 3 %.
En 2015, le gouvernement avait augmenté les accises sur les vins et spiritueux de respectivement 30 et 41 %, amplifiant encore un peu plus le différentiel de prix avec la France et le Grand-Duché. Le consommateur s’est vite adapté pour ses gros achats d’alcool.
L’alerte lancée par Comeos et Fevia est d’autant plus sérieuse que la force d’attraction de la France risque de s’accentuer. Le gouvernement français a en effet annoncé la mise en œuvre d’un “trimestre anti-inflation” après un accord avec les distributeurs qui se sont engagés à proposer les prix “les plus bas possibles” jusqu’en juin. Ce dispositif, financé grâce aux marges des distributeurs, leur coûtera “plusieurs centaines de millions d’euros”, selon le ministre de l’Économie, Bruno Lemaire.
De quoi encore un peu plus creuser l’écart des deux côtés de la frontière : l’inflation des produits alimentaires a frôlé les 20 % sur un an en Belgique en février, selon Test-Achats. C’était de l’ordre de 14,5 % en France.