Elia veut facturer 1,35 milliard d'euros par an aux consommateurs belges d'électricité : un investissement utile?
Le gestionnaire du réseau haute tension souhaite massivement investir sur la période 2024-2027.
Publié le 16-03-2023 à 08h01 - Mis à jour le 16-03-2023 à 20h30
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Elia, le gestionnaire du réseau belge haute tension, planifie des investissements massifs à réaliser ces dix prochaines années. Ces investissements sont répertoriés dans son "Plan de développement fédéral 2024-2034", qui doit encore recevoir l'aval de la ministre de l'Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen). Une décision à ce sujet devrait intervenir dans le courant du mois d'avril.
Parallèlement à cela, Elia mène en ce moment une consultation publique à propos de sa "proposition tarifaire 2024-2027". Sur quoi porte cette consultation ? Pour rappel, les investissements réalisés par Elia sont financés via les factures d'électricité des consommateurs, ménages et entreprises. Le gestionnaire du réseau haute tension a donc évalué l'argent qu'il devra récolter, via les factures d'électricité, sur la période 2024-2027. Et cela, à condition que son "Plan de développement fédéral" soit validé politiquement, en avril prochain.
Elia anticipe une forte hausse de ses coûts pour la période 2024-2027. Selon le document soumis à consultation publique, ceux-ci devraient passer de 760 millions d’euros par an sur la période 2020-2023 à 1,350 milliard d’euros par an sur la période 2024-2027. Les coûts facturés aux consommateurs devraient donc suivre cette tendance, et ainsi augmenter d’environ 80 %.
De nouvelles éoliennes en mer du Nord
Comment expliquer ces investissements massifs ? Le gouvernement fédéral a décidé d’augmenter significativement la capacité éolienne installée en mer du Nord. Alors que la première zone affiche une puissance de 2300 MW, l’objectif est d’ajouter 3500 MW via la future deuxième zone, baptisée Princesse Élisabeth. Or, Elia devra investir dans les câbles électriques nécessaires au raccordement de cette deuxième zone au réseau électrique terrestre. Notons que les éoliennes de la zone Princesse Élisabeth seront raccordées à la future île énergétique, qui elle-même sera raccordée au réseau terrestre.
Par ailleurs, le réseau électrique belge n’est actuellement pas capable d’accueillir la production des futures éoliennes en mer. Elia planifie donc de renforcer la capacité de transport d’électricité depuis l’ouest vers l’est de la Belgique. C’est l’objectif des projets Ventilus, au nord du pays, et de la "Boucle du Hainaut", au sud du pays. La hausse des coûts réclamés par Elia s’explique également par le financement d’une grande partie de ces deux projets.
Enfin, Elia planifie divers renforcements du réseau, notamment pour accueillir les nouvelles capacités qui arriveront dans le cadre de la sortie du nucléaire (centrales au gaz…).
Six cents personnes à engager
Au total, Elia compte investir 6,5 milliards d’euros dans de nouvelles infrastructures sur la période tarifaire 2024-2027. Le gestionnaire du réseau haute tension prévoit également d’engager 600 personnes sur la période, venant s’ajouter aux 1500 collaborateurs en place en 2023.
Quelles pourraient être les répercussions de ces investissements sur les factures d’électricité ? Actuellement, un ménage paie environ 42 euros par an (HTVA) pour financer Elia. On pourrait donc s’approcher des 80 euros par an, au cours de la période 2024-2027. Pour une entreprise qui consomme beaucoup d’électricité (100 GWh par an), on pourrait passer de 541 000 euros à environ 1 million d’euros par an.
Notons également que d’autres investissements vont arriver après 2027. Il y a le projet Nautilus, une deuxième interconnexion électrique entre la Belgique et le Royaume-Uni, dont la majeure partie de l’investissement pourrait être financée après 2027. Il y a aussi le projet Triton Link, dont l’objectif est de relier la Belgique au Danemark. Bref, les investissements ne vont pas s’arrêter après 2027.
La ministre aura le dernier mot
La Creg, le régulateur du secteur, devra approuver les tarifs facturés par Elia aux consommateurs, pour la période 2024-2027. Néanmoins, si le plan de développement d’Elia est validé politiquement en avril prochain, la Creg ne pourra pas s’opposer à la hausse des tarifs demandée par Elia. Tout au plus le régulateur pourra-t-il rejeter les coûts qu’il juge déraisonnables.
Reste la question à 1000 points : ces investissements proposés par Elia sont-ils indispensables ? Dans un avis publié l’année dernière, la Creg avait demandé au gestionnaire du réseau d’expliquer, de façon plus détaillée, en quoi chaque investissement proposé était nécessaire. Selon le régulateur, Elia doit être plus transparent au niveau des études coûts-bénéfices qu’il réalise. Néanmoins, la Creg n’a pas dit que les investissements proposés par Elia étaient inutiles.
Toujours est-il que le plan proposé par Elia fait grincer des dents dans le secteur. En effet, des capacités massives d’importation d’électricité ne garantissent pas à la Belgique sa sécurité d’approvisionnement, s’il n’y a pas d’électricité disponible à l’étranger.
Mais, pour Elia, ces interconnexions avec l'étranger servent, avant tout, à avoir accès à de l'électricité décarbonée bon marché. Face aux personnes sceptiques vis-à-vis du caractère intermittent des énergies renouvelables, le gestionnaire du réseau prône un "changement de paradigme", "visant à ce que ce soit la consommation électrique qui s'adapte davantage à la disponibilité de la production électrique". Bref, consommer quand il y a du vent ou du soleil. Chez nous ou à l'étranger.
Une hausse de 50 % de la consommation d’électricité
Selon Elia, l’électrification "massive de nos industries, de notre mobilité et de nos systèmes de chauffage jouera un rôle prépondérant dans le succès de la transition énergétique". Le gestionnaire du réseau haute tension anticipe d'ailleurs une hausse de 50 % de la consommation belge d’électricité d’ici le début de la prochaine décennie. Selon Elia, cela justifie les investissements massifs qu’il propose.
Par ailleurs, la prolongation du nucléaire ne remettrait "pas en cause la nécessité de déployer des solutions renouvelables au cours de la prochaine décennie". Le gestionnaire du réseau reconnaît néanmoins que la Belgique devra compter sur l’électricité renouvelable "provenant d’en dehors de nos frontières".