Le vélo, un transport désormais réservé aux plus aisés et aux plus "éduqués"?
S’ils sont de plus en plus populaires, les vélos coûtent aussi de plus en plus cher. Une inflation qui cristallise la fracture sociale ?
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Publié le 28-03-2023 à 09h00
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Que ce soit par conviction écologique ou par soucis d’économie, à des fins utilitaires ou de loisir, les Belges roulent de plus en plus à vélo et parcourent des distances de plus en plus longues. Plus nombreux en Flandre, les cyclistes belges sont surtout des personnes âgées de plus de 55 ans, sauf à Bruxelles où ce sont les 18-34 ans qui occupent davantage les pistes cyclables.
Bruxelles a d'ailleurs vu en 2022 une augmentation de plus de 43 % du nombre de cyclistes durant les heures de pointe par rapport à l’année précédente. Pour l’anecdote, sachez que le top 3 des endroits les plus fréquentés par les vélos dans la capitale est la Rue de la loi (1 032 cyclistes en moyenne), le quartier de Mérode (968) et la Porte de Flandre (696).
La hausse de popularité des vélos est pleinement vécue chez Bike Packer, une ASBL qui propose des formations sur les “cyclo-randonnées”. “Le vélo a connu un essor énorme depuis le printemps 2020, où tout le monde s’est rendu compte avec le Covid que c’est quand même sympa de voyager près de chez soi”, constate Olivia de Briey, fondatrice de l’association qui rencontre une demande en constante hausse.
"Le moyen de transport le plus accessible"
Flambée des prix des matières premières et du transport, guerre en Ukraine, baisse du pouvoir d’achat et de la confiance des consommateurs… Le contexte économique se montre pourtant rude pour le marché belge du vélo, qui voit ses prix de vente augmenter d’environ 8 % en 2021. Cette inflation touche davantage les vélos électriques, dont le prix a augmenté de près de 12 %, pendant que leur part de marché a augmenté de 11 %. D’après une enquête menée par le SPF Mobilité, le prix est le quatrième inconvénient sur huit concernant le vélo électrique, derrière le risque de vol, l’insécurité et l’infrastructure inadaptée.
Le site de la marque belge Oxford, pionnière dans la fabrication des vélos dans notre pays, nous en apprend davantage sur les prix actuels du marché pour ce secteur spécifique. Pour un vélo musculaire, comptez entre 599 et 849 euros, tandis que pour les vélos électriques, il faut débourser entre 1 499 et 6 395 euros. Si ces tarifs pourraient refroidir les voyageurs, Olivia de Briey affirme que “non, le vélo ne devient pas un luxe. Ce n’est pas vrai”.

Bénévole dans sa propre ASBL – qui propose également un service de location de vélos et du matériel de cyclo-randonnée à prix abordables – elle concède que “beaucoup de nouveaux cyclistes utilisent des vélos électriques qui coûtent effectivement plus cher qu’un vélo normal. Et c’est vrai que si on regarde l’évolution du prix moyen d’un vélo, c’est sensiblement plus coûteux qu’il y a quelques années mais tout est relatif : ça coûte moins cher qu’un abonnement STIB ou SNCB et ça coûte certainement moins cher qu’une voiture à bon prix. Le vélo reste le moyen de transport le plus accessible, ça c’est certain. Et puis, le marché de la seconde main est gigantesque et il existe aussi des vélos partagés (au nombre de 7 681 à Bruxelles, NdlR).”
Les plus diplômés les plus adeptes
Si peu de données sont disponibles quant au profil social des cyclistes, plusieurs études démontrent que “les diplômés du supérieur sont les plus adeptes du vélo”, explique Anne Le Roux, porte-parole de l’asbl Pro Velo. En citant l'économiste Frédéric Héran, celle-ci soutient que “l’adoption d’une nouvelle pratique sociale commence toujours par les milieux plus éduqués. Ça a été le cas pour la télévision, pour le frigo et c’est la même chose pour le vélo : au plus il y a des cyclistes sur la route, au plus ça se diffuse progressivement dans toutes les couches de la société car il est perçu comme légitime et évident.”
”Il y a plein de solutions pour avoir accès à un vélo pas cher. Ça peut être en fonction de la gamme qu’on choisit, ça peut être aussi de la seconde main, ça peut être de la location à long terme aussi”, renchérit Anne Le Roux. Alors que Pro Velo gère la flotte des bicyclettes (classiques ou électriques) dans plusieurs villes, la porte-parole de l’association soutient que “par exemple, à Mons, vous pouvez avoir une solution de mobilité – un vélo classique – à 0,20 euro par jour. Pour 12 mois, c’est 80 euros. C’est tout à fait abordable. Il y a plein de solutions.”
En tant que particulier, il est possible d’obtenir une prime régionale pour l’achat d’un vélo électrique ou musculaire. En Wallonie, le montant de l’aide s’élève à maximum 20 %, 30 % ou 40 % du prix d’achat, avec des plafonds allant de 50 à 1 250 euros selon le type de vélo et votre situation sociale. Le vélo doit être utilisé pour au moins 40 % des trajets entre le domicile et le travail. Cette prime est disponible jusqu’à épuisement du budget prévu par la Wallonie. À Bruxelles, le montant varie entre 500 et 900 euros et est d’ailleurs valable pour tous les autres modes de transport que la voiture.
Augmentation des embouteillages ?
En 2022, les flux médians sur les pistes cyclables bruxelloises ont augmenté de 40 % en un an. De plus en plus nombreuses sont les voitures forcées de diminuer leur vitesse quand elles roulent derrière un vélo. Ce phénomène est-il la cause de l’augmentation de la congestion des routes de la capitale, en hausse de 6 % par rapport à 2021 ? Pas vraiment. “Une ville est par définition un endroit de concentration d’activités qui impliquent des flux de déplacements concentrés”, explique la porte-parole de Bruxelles Mobilité, Camille Thiry. “Il est physiquement et géométriquement impossible de satisfaire la demande de déplacement d’une ville si tout le monde se déplace en voiture et si tout le monde stationne son véhicule dans l’espace public.”
“Clairement, il y a un problème d’espace et de congestion… mais plutôt chez les cyclistes et les piétons”, note de son côté Anne Le Roux. “En Belgique, surtout à Bruxelles ou en Wallonie, on n’est pas forcément les plus en avance dans la politique cyclable. Aujourd’hui, on a quand même des villes qui ont été essentiellement construites pour la voiture. Dans une ville comme Bruxelles, près de 70 % des espaces publics sont conçus pour la voiture. En réalité, les villes qui sont passées par là ont vu leur trafic baisser par la mise en place d’infrastructures qui donnent la place à tous les usagers.”
Pour Bruxelles Mobilité, la solution est claire : “Au plus il y aura de déplacements à vélo, au moins il y aura de déplacements en voiture, au moins il y aura de congestion”.