Qui sont les perdants et les gagnants du projet de réforme fiscale ?
Guide fiscal 2023 | Quel impact la réforme de l’impôt des personnes physiques annoncée aurait sur le contribuable ?
Publié le 26-05-2023 à 16h30
:focal(3355x2245:3365x2235)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/T7TCN5Q7OBFCZKXZ7JLBWNOR7A.jpg)
Un des points centraux de l’accord de gouvernement porte sur la réforme de l’impôt des personnes physique (IPP) avec la volonté de réduire la charge fiscale sur les revenus professionnels dans un pays où le barème progressif de l’impôt atteint très rapidement son taux marginal. Ce taux est de 50 % augmenté des centimes additionnels (entre 0 et 8,8 % selon les communes). Pour ce faire, lorsqu’il a présenté ses plans pour le premier volet de la réforme fiscale, le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) a mis l’accent sur plusieurs modifications qui consistent globalement en un relèvement de la quotité exemptée d’impôts, une augmentation du seuil à partir duquel les revenus seraient imposés au taux de 50 %, qui passerait de 46 440 à 60 000 euros, la valorisation des avantages de toute nature sur la base de leur valeur réelle (à l’exception des véhicules de société), une modification des règles applicables aux plans d’actions ainsi qu’une limitation des règles applicables aux options sur actions, la suppression progressive du quotient conjugal et de la déductibilité des rentes alimentaires et diverses autres mesures.
Mais concrètement, quels seront les gagnants et les perdants de cette réforme, si elle aboutit ? Pour en quantifier l’impact, nous avons envisagé six hypothèses et comparé leurs revenus nets en 2023 sur la base des règles applicables actuellement et ceux qu’ils percevraient suite à la mise en place de cette réforme.
Les gagnants et les perdants
La conclusion ? Les gagnants seront plus que probablement les contribuables ayant une situation fiscale assez conventionnelle (fonctionnaire, employé). Malheureusement, ces nouvelles règles auront un effet assez négatif pour les personnes bénéficiant du quotient conjugal ou débitrices de pensions alimentaires, même si l’intention du gouvernement est de supprimer très progressivement ces mécanismes. L’impact de cette réforme sur les rémunérations alternatives, du type "plans d’actions", n’est pas à négliger non plus, tout comme la valorisation fiscale des avantages de toute nature qui se baserait désormais sur leur valeur réelle.
En pratique : nouveaux délais d’imposition et d’investigation
À partir de l'exercice d'imposition 2023 (pour les exercices précédents, les anciens délais sont toujours applicables), il y aura quatre délais d'imposition ordinaires :
- Un délai de trois ans lorsque l'impôt dû est supérieur à celui qui résulte des revenus déclarés ;
- Un délai de quatre ans en cas de remise tardive ou d'absence de déclaration (attention aux délais pour le dépôt) ;
- Un délai de six ans dans six cas considérés comme semi-complexes (majoritairement des éléments d'extranéité) ;
- Un délai de dix ans pour trois cas considérés comme complexes (dispositif hybride ; montage non authentique et constructions juridiques - taxe Caïman).
En outre, les principes applicables depuis de nombreuses années ont été modifiés en ce qui concerne le dépôt. D'une part, le délai est le même pour tous, contribuables ou mandataires : soyez vigilants. D'autre part, si les délais normaux sont soit le 30 juin (dépôt/modification papier), soit le 15 juillet (Tax-on-Web), la date est reportée au 18 octobre 2023 en cas de revenus spécifiques. On vise les revenus d'indépendant ou les revenus professionnels étrangers : - bénéfices et/ou profits ; - et/ou rémunérations de dirigeants d'entreprise ; - et/ou rémunérations de conjoints (cohabitants légaux) aidants ; - et/ou revenus professionnels étrangers. Et même dans ce cas, si la déclaration est déposée au plus tard le 31 août 2023, le contribuable bénéficiera d'un avantage (il recevra son remboursement plus vite ou il devra payer plus tard).
La pression fiscale pourrait même augmenter après la réforme
Une opinion signée Sabrina Scarna.
Il faut réduire la charge fiscale sur les revenus du travail : il y a consensus. Et pourtant, la Vivaldi n’y arrive pas ; en tout cas, pas vraiment. Fini le projet d’envergure. On propose uniquement d’augmenter quelque peu la quotité exemptée et d’élargir la tranche imposable au taux de 45 %. Tout ceci a toutefois un coût. Qui doit le supporter ? Qu’est-ce qui serait équitable ? Un shift sur le patrimoine ? C’est ce qu’avait présenté le ministre des Finances mais, à défaut de compromis jusqu’ici, on ne touchera pas aux loyers ni aux plus-values, notamment. Seul point d’accord, semble-t-il, l’augmentation de la taxe annuelle sur les comptes-titres.
Mais, alors, qui va payer ? Définitivement, les contre-mesures en matière d’impôt des sociétés vont y contribuer. Le consommateur également (qui est aussi un travailleur) avec le gain espéré en matière de TVA. Mais qu’on ne se leurre pas, la compensation sera aussi supportée par… les travailleurs. En réalité, on ne va pas nécessairement diminuer l’impôt sur les revenus du travail. Au contraire, on va parfois l’augmenter. La suppression de toute une série d’avantages fiscaux (en matière de rémunérations alternatives, de quotient conjugal, etc.) aboutira pour certains à un impôt supérieur à la charge actuelle nonobstant les mesures favorables. On n’aura donc rien accompli. C’est le coût du travail (impôt et cotisations sociales compris) qui est trop élevé en Belgique et qui réduit le salaire net des travailleurs. Toutes ces niches sont la conséquence de cette charge excessive. Les prétendre injustes et complexes sans toutefois s’attaquer vigoureusement au problème de base va encore alourdir, pour certains à tout le moins, la charge fiscale. Tel n’était pas l’objectif, tel ne devrait pas être le résultat. La réalité repose toutefois sur le constat que la Belgique ne peut se passer de ses recettes. C’est donc un véritable travail sur les dépenses de l’État auquel il va falloir s’astreindre si l’on veut pouvoir, enfin, mener à terme une véritable réforme de l’impôt sur les revenus.
Ce samedi, La Libre publie son traditionnel guide fiscal. Vous y retrouverez des trucs et astuces pour payer le juste impôt. Un gros volet sera également consacré à la première phase de la réforme fiscale, déposée par le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) en mars 2023. Exemples à l’appui, par statut, les experts sollicités pour l’élaboration du guide fiscal montrent qu’il y aura des gagnants, mais aussi beaucoup de perdants si le projet en discussion devait être entériné.
Rejoignez-nous également ce mardi 30 mai à 14h sur notre site web pour poser directement vos questions à Nicolas Stockmans, expert en conseil fiscal.
