Le fisc va beaucoup mieux contrôler la taxe compte-titres: "Les titulaires belges au sein de banques étrangères ne pourront plus échapper aux amendes"
Les contrôles vont être élargis. Des fonctionnaires vont être engagés et… des amendes seront (enfin) prévues en cas de déclaration tardive, manquante ou incomplète.
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- Publié le 02-06-2023 à 06h40
- Mis à jour le 02-06-2023 à 10h50
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Étonnant : la taxe compte-titres, de 0,15 % sur les montants en compte de plus d’un million d’euros, n’est pas sujette à amende ! C’est ce que l’on peut en effet déduire de la lecture de l’avant-projet de loi portant des dispositions fiscales diverses, que La Libre a pu consulter. On peut lire dans le document qui sera soumis au Parlement que “sur la base du texte actuel de l’article 201 du Code des droits et taxes divers (CDTD), il ne peut pas être imposé d’amende en l’absence de mauvaise foi en cas d’absence de déclaration, de déclaration tardive, inexacte ou incomplète à la taxe annuelle sur les comptes-titres, ainsi qu’en cas de paiement tardif ou de non-paiement de cette taxe”.
Étonnant, disions-nous parce que cette taxe, certes annulée en octobre 2019 par la Cour constitutionnelle dans sa première version, est en vigueur, suite à remaniements, depuis février 2021. Plus de deux ans donc ! Mais aucune amende n’est encore prévue par le CDTD. Or, comme le signale le gouvernement, qui est à l’initiative, “tout le monde devrait être familiarisé avec les formalités qui l’accompagnent. Dès lors, une amende sera désormais toujours due comme c’est déjà le cas pour les autres taxes prévues dans le CDTD”.
Cela se fera “en application d’une notification du conclave budgétaire de l’automne 2022”, nous confirme le cabinet du ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V).
Pour les détenteurs de comptes à l’étranger
Question : ce changement législatif certes étonnant mais logique n’est-il pas superflu sachant que ce sont les banques qui prélèvent la taxe de 0,15 % sur les montants en compte et le versent au Trésor public ? Et bien non… Certes, ce sont bien les banques belges qui sont chargées de déclarer et verser la taxe. Ce sont donc elles qui s’exposent à une amende en cas d’absence de déclaration, de déclaration tardive, inexacte ou incomplète, ou en cas de défaut de paiement ou de paiement tardif de la taxe. Ce qui n’est pas censé arriver, “parce qu’elles respectent scrupuleusement leurs obligations”, explique Denis-Emmanuel Philippe, avocat fiscaliste chez Bloom Law.
Mais, il y a un “mais”. “La question des amendes – et du recrutement de fonctionnaires complémentaires dédiés au contrôle de la taxe – a tout son sens dans l’hypothèse où les redevables de ladite taxe ne sont pas les banques belges, mais les titulaires des comptes-titres eux-mêmes ! Tel est le cas lorsque les comptes-titres de plus d’un million d’euros sont détenus auprès de banques étrangères”, poursuit l’expert. Un autre expert fiscal belge, actif à l’international, nous confirme que “ce type de cas se présente régulièrement”. “Selon mon expérience, cette hypothèse est loin d’être théorique. On peut penser au Belge qui détient des comptes de plus d’un million d’euros en Suisse ou au Luxembourg”, appuie Denis-Emmanuel Philippe. “On peut aussi prendre l’exemple des particuliers qui détiennent des comptes-titres au travers de 'constructions juridiques' à l’étranger (trust à Jersey, fondation au Liechtenstein, fonds dédié au Luxembourg, société au Panama ou à Hong Kong…) ; depuis 2021, les comptes-titres logés dans ce type de constructions juridiques tombent aussi dans les filets de la taxe annuelle sur les comptes-titres.”
Davantage de contrôles
Bref, les résidents belges (particuliers ou sociétés) qui détiennent un ou plusieurs compte(s)-titres de plus d’un million d’euros auprès de banques étrangères qui omettraient d’introduire une déclaration à la taxe sur les comptes-titres seront désormais punissables. Dans quelle mesure ? À hauteur de 10 % du montant dû pour la première infraction, de 50 % pour la deuxième, et de 200 % à partir de la quatrième.
Ce n’est pas tout ! Un autre changement de loi va voir le jour, dès septembre ici aussi. Les fonctionnaires du fisc, en cas de soupçon de fraude, pourront avoir accès au point de contact central de la Banque nationale (BNB), où se trouvent répertoriés l’ensemble des comptes détenus par les résidents belges. Le champ d’action des fonctionnaires du fisc habilités sera étendu à la vérification… de la taxe compte-titres. Au cas où des petits malins essaieraient également de scinder leurs avoirs en titres cotés sur plusieurs comptes dans différentes banques. Enfin, et ce n’est sans doute pas un hasard, le SPF Finances nous annonce lancer maintenant une campagne de recrutement de 33 experts en lutte contre la fraude fiscale au sein de l’Inspection spéciale des Impôts (ISI), “notamment pour mieux contrôler la taxe compte-titres”, nous confirme le cabinet des Finances, “ainsi que d’autres taxes du CDTD, comme la taxe sur les billets d’avion, la taxe annuelle sur les assurances, etc. La demande de personnel supplémentaire existe depuis longtemps, et ce renforcement aura naturellement aussi pour effet de permettre d’effectuer davantage de contrôles.”
Quoi qu’il en soit, “l’élargissement du champ d’application des amendes, conjugué à l’engagement de fonctionnaires dédiés au contrôle de la taxe annuelle sur les comptes-titres, pourrait s’avérer fort efficace”, conclut Denis-Emmanuel Philippe. Qui ajoute : “Ces mesures vont frapper surtout les titulaires belges de comptes-titres logés (directement ou via des “constructions juridiques”, NdlR) au sein de banques étrangères. Ceux-ci ne pourront plus échapper aux amendes, sauf dans des cas exceptionnels, en cas de force majeure”.