Le litre d’essence et de diesel bientôt autour de 1,20 € ? "S’en rapprocher est possible"
Le cours du pétrole a considérablement chuté depuis un an. Et laisse entrevoir de très bonnes nouvelles pour les automobilistes.
- Publié le 06-06-2023 à 09h51
- Mis à jour le 06-06-2023 à 09h56
Va-t-on revoir nos stations-service afficher des prix du diesel et de l’essence proches de 1,20 € du litre, voire moins ? Soit un euro de moins qu’il y a quelques mois encore ? La question mérite d’être posée au vu des cours actuels du pétrole brut. Lesquels affichent un profil descendant digne des pentes les plus vertigineuses du prochain Tour de France. Au plus fort de la crise énergétique, favorisée par le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie, le prix du baril de Brent avait approché son record historique de 147,50 dollars, atteint en 2008. Le 7 mars 2022 très exactement, le cours du Brent se clôturait sur le prix de 139 $ le baril.
Avec des conséquences rapides sur les prix à la pompe : le 11 mars 2022, le prix du diesel atteignait un niveau record de 2,286 € du litre. Un record quasi égalé en octobre dernier, avec un prix maximum de 2,239 € du litre. L’essence 95, elle, atteignait un record de 2,155 € en juin 2022. Des prix vertigineux qui avaient poussé des milliers de Belges à parcourir parfois des dizaines de kilomètres pour se rendre en France, où le gouvernement avait imposé aux groupes pétroliers une remise de 30 cents sur les carburants dans toutes les stations-service du pays.
Mais depuis, le cours du pétrole s’est effondré. De 123,6 $ le baril de Brent en juin 2022, on est désormais passé à 77 $ un an plus tard, après un bref passage à moins de 72$. Soit une baisse de 38 % en un an. Aujourd’hui, les prix du pétrole sont revenus à leurs niveaux d’avant la crise énergétique.

Avec un effet salvateur pour le portefeuille des automobilistes : les prix maximums à la pompe sont passés aujourd’hui à 1,74 € par litre de diesel, et 1,786 par litre de Super 95. Et ils pourraient encore connaître une baisse dès le milieu de cette semaine. Là aussi, on est revenu aux prix semblables aux tarifs d’avant crise. Un plein de 50 litres de diesel ne coûterait plus que 87 € contre 112 € en octobre dernier !
Le temps où il fallait débourser plus de 100 euros pour un plein d’à peine 50 litres semble donc désormais être révolu. Avec l’espoir de revoir des prix s’approchant d’1 € du litre ? “Je n’ai pas de boule de cristal dans ma poche mais je pense que cela relève de l’utopie, analyse Olivier Neirynck, directeur technique et porte-parole de la Fédération belge des négociants en combustibles (Brafco). C’est un mirage qui s’éloigne de plus en plus avec l’inflation annuelle et je ne pense pas qu’on y retournera un jour. En étant réaliste, je pense qu’on pourrait plutôt descendre autour des 1,40 à 1,50 € du litre dans les prochains mois.”
Expert en énergie au sein de l’Université de Liège, Damien Ernst se veut légèrement plus optimiste. “À moins d’événements ponctuels comme des frappes sur les infrastructures énergétiques russes, je pense qu’on n’atteindra plus les 2 € du litre tels qu’observés l’année passée, analyse-t-il. Je pense même que se rapprocher de la barre de 1,20 € du litre à la pompe est possible.”

Tout dépendra de la réaction des marchés boursiers aux récentes décisions des pays exportateurs de pétrole. “Dimanche soir à Vienne, les pays membres de l’Opep + (l’Opep plus d’autres pays dont la Russie, NdlR) ont décidé de maintenir la réduction journalière d’extraction de pétrole brut en vigueur depuis avril jusqu’en 2024 au moins”, confie Olivier Neirynck.
En très bref, l’Opep + avait décidé en avril de réduire de 1,16 million de barils sa production quotidienne. “L’objectif de l’Opep était alors de freiner la diminution de la valeur du cours du Brent, poursuit Olivier Neirynck. Mais cela avait finalement eu l’effet inverse et le cours du Brent avait continué à baisser. Dans le même temps, il y a du rififi dans l’air au sein de l’Opep +. Notamment parce que l’Arabie saoudite a décidé, seule, de diminuer sa production (de près d’un million de barils par jour dès juillet, NdlR) alors que les Émirats arabes unis auraient souhaité le contraire. Il faudra voir dans les prochaines 48 à 72 heures l’impact que ces décisions pourraient avoir sur les marchés du Brent et des produits finis que sont le diesel ou l’essence.”
"L'Arabie saoudite veut réduire sa production de pétrole pour faire gonfler les prix. Mais la Russie ne veut pas jouer le jeu car elle a besoin de cash pour financer la guerre en Ukraine"
En temps normal, cette diminution importante de la production journalière, et donc de l’offre, pourrait avoir un impact à la hausse sur les prix selon le principe de l’offre et à la demande. “Mais l’Europe a trouvé des alternatives au pétrole russe et du Moyen-Orient et n’en commande plus autant qu’avant. À cela s’est ajoutée une relance économique en Chine plus lente que ce que les pays de l’Opep + escomptaient. Malgré la décision en avril de diminuer la production journalière, il y a eu un écroulement de la demande. Et donc des prix.”
Selon Damien Ernst, le fait que la Russie ne semble pas vouloir suivre le jeu de l’Opep jouerait aussi en faveur d’une diminution des prix. “La Russie a besoin de cash pour financer sa guerre en Ukraine. Si l’Arabie saoudite veut diminuer sa production pour créer une tension entre l’offre et la demande et ainsi faire remonter les prix, ce n’est pas dans l’intérêt de la Russie. Et il n’est pas impossible que l’Arabie saoudite, vu que les autres pays ne jouent pas le jeu, décide finalement de dire stop et de réaugmenter sa production de barils dans les prochains mois pour le pas être le dindon de la farce. Ce qui serait une très bonne chose à terme pour le consommateur car cela pourrait déséquilibrer le marché et faire s’écrouler les prix.”
Enfin, indique Damien Ernst, “il ne faut pas négliger l’importance de la croissance des voitures électriques qui ont entraîné une diminution de la consommation journalière de pétrole. Ce qui est une fameuse épine dans le pied des pays de l’Opep +.”
Dans les mois qui viennent, une baisse des prix du pétrole est donc probable. Toutefois, l’Europe n’est pas à l’abri d’événements ponctuels imprévisibles. “Le paramètre de la guerre russo-ukrainienne reste important, rappelle Olivier Neirynck. Si la guerre s’arrête et qu’il y a un rétablissement des canaux d’approvisionnement entre la Russie et l’Europe, les prix pourraient encore baisser. Ce sont des éléments géopolitiques que l’on ne maîtrise pas.”
En cas de forte baisse du cours de pétrole, les conséquences ne seraient toutefois pas immédiates sur les prix à la pompe. “Il faut un certain temps entre l’extraction du brut et l’arrivée du produit fini en station-service. Et donc entre les diminutions respectives des prix.”
Pourquoi un Euro fort est bon pour le portefeuille des automobilistes
Parmi les autres critères qui pourraient influencer les prix des carburants, figure la santé de la monnaie euro face au dollar. Après avoir affiché un taux de 1,6 $ pour un euro en 2008, l’euro était retombé aux alentours d’1,2 $ en 2021. Et la crise financière générée par la guerre en Ukraine avait porté un coup dur à la devise européenne. Si bien qu’à la fin septembre, elle ne valait plus que 0,9535 $. Une baisse qui n’a rien d’anecdotique. “Toutes les transactions concernant les exportations de pétrole étant en dollars, un euro fort est bénéfique”, confirme Olivier Neirynck, porte-parole de la Brafco. Confirmation en chiffres : au cours du jour, un baril de pétrole à 77 $ s’achèterait pour 71,8 € aujourd’hui. Le même baril à 77 $ se serait par contre vendu 80,8 € si l’euro en était encore à son niveau de septembre 2022. Soit une différence de 9 € due uniquement au cours de l’euro. Plus il sera élevé, plus les prix du pétrole accessibles pour l’Union européenne.