Bons d’État, une levée record : les banques se moquent-elles des consommateurs depuis trop longtemps ?
Le bon d’État propose un rendement de 2,81 %. De quoi challenger les banques, qui rechignaient à réellement revaloriser l’épargne des Belges, malgré la hausse des taux généralisée.
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- Publié le 25-08-2023 à 15h32
- Mis à jour le 28-08-2023 à 09h34
Avec son bon d’État avec un rendement de 2,81 % net (après un précompte mobilier réduit à 15 %), l’État frappe fort alors que les banques restaient très timides sur la revalorisation des taux des comptes épargne, malgré la hausse généralisée des taux.
Et de manière globale, avec la réduction des services, la hausse des frais de fonctionnement, la diminution des disponibilités du cash, les faibles taux sur l’épargne : les banques ignorent-elles les intérêts de leurs clients particuliers depuis trop longtemps ? Cela fait peu de doutes pour Nicolas Claes, expert en produits d’épargne et services bancaires chez Testachats. Entretien.
"Les banques privilégient les actionnaires et pas l'épargnant."
Avec le bon d’État au rendement intéressant de 2,81 %, le gouvernement pousse un peu les banques à réagir, non ? À juste titre ?
Oui, ça fait plus d’un an qu’on le signale. Les marges des banques augmentent. Elles vont annoncer leurs résultats et je suis sûr que les bénéfices seront en hausse, qu’il y aura probablement plus de dividendes reversés aux actionnaires ou alors des rachats d’actions. Elles privilégient les actionnaires et pas l’épargnant. Lui ne reçoit quasiment rien. Tout le monde a le droit de recevoir une part du gâteau, mais là, tout est concentré sur l’actionnaire.
Un bon coup pour le ministre des Finances Vincent Van Peteghem, qui a connu des déboires avec sa réforme fiscale…
Il y a plusieurs éléments. Cette hausse qui veut concurrencer les comptes épargne montre tout de même que le politique a échoué à faire réellement monter les taux au sein des banques. Cette campagne démontre cet échec.
Mais aussi un passage à l’acte après les menaces d’action vis-à-vis des banques si elles ne bougeaient pas, non ?
Oui. Mais de façon délimitée. Cela aurait été mieux d’avoir un taux minimum plus élevé pour les comptes épargne, comme le réclament certains partis ou certaines institutions. Là, il n’y a que ceux qui souscrivent qui peuvent en bénéficier. Pour rappel, l’épargne des Belges sur les comptes est évaluée à près de 300 milliards d’euros.
L’argument des banques pour ne pas bouger était-il audible ?
Non. Ça ne pose jamais de problème au secteur pour sortir des milliards d’euros de dividendes, mais dès qu’on parle des épargnants, les banques sortent l’argument de la fragilité, des risques.
Vont-elles vraiment augmenter leurs dividendes ?
Elles l’ont déjà fait en 2022, fortement. On verra mais ça ne m’étonnerait pas qu’elles le fassent cette année.
"Il ne faut pas bouder son plaisir: il faut que les épargnants en profitent."
Et au niveau politique, un commentaire ?
Revenons sur cet autre aspect oui : le ministre des Finances a raté sa réforme fiscale. Il lui fallait un succès auprès des électeurs. Mais il ne faut pas bouder son plaisir : il faut que les épargnants en profitent. Après, il ne faut pas forcément mettre toute son épargne en bons d’État.
Bon plan pour la Belgique ou non ?
On sait que l’endettement est élevé, le déficit aussi. Disons que le succès du bon d’État montre que la Belgique n’est pas trop dépendante de l’emprunt sur les marchés. C’est un bon signal.
Les banques ont-elles ignoré trop longtemps les intérêts de leurs clients ?
Les banques cherchent de plus en plus de rentabilité. Donc il y a une diminution des services. Je sais qu’il y a moins de passages en agence, moins d’utilisation de cash. Mais ça exclut une partie de la population. N’oublions pas que les banques ont une mission de service public minimum. Elles ont tendance à s’en détacher. Pourtant, l’État intervient quand le secteur est en difficulté.
Verra-t-on une hausse des taux ou les banques vont ignorer le signal ?
On verra. En attendant, ce sont les petites banques qui sont les plus touchées, les plus challengées par le bon d’État. Les grandes, potentiellement, s’en fichent, mais elles ne vont pas le dire. Mais j’espère vraiment me tromper.
Pour information, pour souscrire au bon d’État, il est possible de passer directement via l’Agence fédérale de la dette et ce portail, ou via votre banque, en échange d’une commission.
- > Revoir l’émission du 7 juin 2023 :