Se dirige-t-on vers une suroffre sur le marché locatif ?
Le marché de l’investissement immobilier remporte un franc succès depuis quelques années, auquel répond celui du marché locatif. Attention, toutefois, à proposer le bon bien, au bon prix.
- Publié le 22-10-2015 à 06h41
- Mis à jour le 22-10-2015 à 11h47
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LES DIVERS INDICATEURS (statistiques du SPF Economie, baromètre des notaires, indice Trevi…) évaluant la santé du marché acquisitif, activité immobilière (nombre de transactions) et courbe des prix de vente à la clé, sont restés dans le vert ces dernières années; quoique certains plus que d’autres. En cause, outre des taux d’intérêt hypothécaires au plancher, un regain d’attention pour la brique dans le chef de toujours plus de candidats à l’investissement, déçus des rendements de leur épargne, mais aussi de leurs placements boursiers, ballottés entre crises et reprises timides.
De nouveaux locataires
Qu’en est-il du marché locatif, plus difficile, sans doute, à sonder ? D’après les observateurs, il est, lui aussi, boosté par l’arrivée de nouveaux publics cibles, grossissant les rangs des habituels ménages à bas revenus, et, à Bruxelles du moins, ceux des Français, eurocrates et autres expatriés. Ainsi, les banques ayant cadenassé leurs conditions d’octroi de crédits hypothécaires, seuls les acquéreurs disposant d’importants fonds propres sont en mesure de concrétiser leurs rêves immobiliers. Le temps où il était possible de se voir prêter 125 % du prix des biens (en ce compris 15 % de droits d’enregistrement et frais de notaire, plus quelque 10 % de budget rénovation et travaux de remise aux normes) est bel et bien révolu. Aujourd’hui, les emprunts plafonnent à 80 % du prix des biens. Les candidats-acquéreurs déboutés, jeunes ménages pour la plupart, n’ont alors d’autre choix que de s’attarder sur le marché de la location, en espérant y économiser de quoi leur ouvrir les portes de la propriété.
Autres nouveaux venus : les personnes âgées et/ou isolées et les ménages monoparentaux. S’y ajoutent les célibataires, de même que nombre d’étudiants et de jeunes travailleurs choisissant la solution de la colocation. Un segment du marché locatif en pleine émergence, seyant particulièrement aux biens qui, malgré leur grand nombre de chambres, sont financièrement hors de portée du budget des familles.
Enfin, et d’après les perspectives démographiques des grandes villes du pays, la capitale en tête, les nouveaux habitants qui s’y installeront dans les décennies à venir seront pour la plupart caractérisés par des moyens modestes. Soit des candidats tout indiqués pour les biens mis en location.
Offre vs. demande : le dilemme
Cette affluence de l’offre et de la demande ne veut pas dire, pour autant, que celles-ci se rencontrent pleinement. En effet, le type de biens et, surtout, de loyers visés par ceux qui forment les rangs de l’une comme de l’autre ne sont pas nécessairement identiques. Si tant les futurs propriétaires bailleurs que les locataires jettent leur dévolu sur l’appartement, maître achat et bien le plus communément loué de par le pays, la valeur intrinsèque dudit appartement divise les deux camps.
C’est bien connu, les candidats à l’investissement, qu’ils soient (semi-)professionnels ou agissant en qualité de "bon père de famille", préfèrent le neuf, à tout le moins l’ancien rénové. Et ce, pour des raisons évidentes de sécurité et de tranquillité d’esprit, les longs et récurrents travaux constituant autant d’éléments rédhibitoires. Résultat ? Le coût du neuf basique - de l’ordre de 3500 euros le mètre carré en moyenne à Bruxelles tout de même… - doit être répercuté sur le loyer demandé.
Un surplus qui ne trouve pas écho dans les besoins réels de la majorité des candidats à la location. Lesquels sont plutôt demandeurs de loyers rabotés, et se limitent de facto, d’après Eric Verlinden, administrateur délégué de Trevi Group, à des tranches de prix comprises entre 500 et 650 euros mensuels pour un studio, 650 et 800 euros pour un appartement 1-chambre et 750 à 950 euros pour un 2-chambres. Quid des biens dont le loyer se situe au-dessus de la barre des 1 000 euros mensuels ? " Ils sont pléthoriques sur le marché locatif, et s’y éternisent dans un climat de concurrence accrue ", assure pour sa part Guillaume Botermans, président du conseil d’administration de Home Invest Belgium, société immobilière cotée dont le portefeuille compte quelque 1 350 biens en location.
Le vide locatif, ennemi n° 1
Or, n’importe quel propriétaire bailleur le confirmera, en matière d’investissement dans la brique résidentielle (mais aussi commerciale, de bureau ou logistique et industrielle), le vide locatif fait office de véritable épée de Damoclès. De nombreux promoteurs l’ont compris, qui se sont lancés dans des formules de placement "sans risque", moyennant un rendement locatif… "garanti".
Avec ceci que, si la plupart d’entre elles constituent un bon compromis pour l’investisseur désireux de se lancer avec un filet de sécurité, certaines s’apparentent à de véritables montages financiers et sont peu recommandées. " Il arrive que des promoteurs sans scrupule offrent 3, 4, parfois 5 % de retour brut sur investissement pendant une durée déterminée , met en garde Guillaume Pinte, administrateur délégué de l’Office des propriétaires. Et ce, moyennant un gonflement du prix de vente du bien : l a marge gagnée leur permet de s’acquitter du rendement promis, sans même se fatiguer à chercher un locataire. Une pirouette que découvrent les bailleurs en se retrouvant avec un bien vide sur les bras au moment où leur contrat de rendement garanti avec le promoteur prend fin. "
A noter que le rendement d’un investissement est calculé par les experts du marché non pas en fonction du seul loyer, mais également sur base de la plus-value escomptée à la revente du bien. Et ce, étant entendu que tous les biens ne présentent pas le même ratio loyer/plus-value. Exemple, un appartement situé dans les belles communes de la capitale se louera comparativement moins cher qu’un autre, en province de Hainaut ou de Liège, eut égard à leurs valeurs vénales respectives. A l’inverse, la plus-value réalisée lors de leur revente sera autrement plus fournie pour le premier que pour le second. Tout dépend donc du profil de l’investisseur et… du profit qu’il espère retirer de son placement, à court, moyen ou long terme.
Faut-il en conclure qu’une frange des candidats à l’investissement est guidée par des velléités spéculatives ? Pour les observateurs du marché, il n’en est pas question. Et de justifier leur réponse en pointant la lourdeur des droits d’enregistrement (10 % en Flandre et 12,5 % en Wallonie et à Bruxelles, sans compter les frais de notaire) ponctionnés lors de toute transaction. " Celui qui espère acheter et revendre un bien immobilier endéans les 5 ans - terme au bout duquel la plus-value immobilière n’est plus taxée (à hauteur de 16,5 %) chez nous - doit pouvoir compter sur une augmentation de sa valeur de minimum 15 % passé ce délai pour compenser les frais liés à la vente , avertit Julien Manceaux, senior economist auprès de la banque ING Belgium.
Le bon bien au bon prix
En guise de conclusion, et en réponse à la question de savoir si le marché locatif est susceptible de connaître une situation de suroffre, alimentée par les appétits d’investisseurs particuliers sans cesse plus nombreux, Eric Verlinden rassure et… martèle : " tant que ceux-ci veilleront à offrir un produit personnalisé dans un environnement pas trop concurrentiel à un prix juste, ils pourront dormir tranquille ". Un constat dans lequel abondent les autres courtiers et professionnels du marché immobilier interrogés. Encore et toujours, le succès de la brique, à vendre ou à louer, est fonction de sa situation, de son prix et de son adéquation avec les besoins précis d’un public cible donné.
91 % un parc d’appartements
D’après les statistiques 2013 de l’Observatoire des loyers bruxellois, les appartements forment 91 % de l’offre locative au sein de la capitale, les kots, 3 %, et les maisons unifamiliales, 6 %. En termes de superficie, la moyenne est estimée à 75 m²; tandis qu’un locataire sur deux loue un bien de taille inférieure à 70 m².
Trois questions à Guillaume Pinte
Administrateur délégué de l'Office des propriétaires (OP).
Pourquoi offrir, outre un service de courtage, un autre de gestion locative ?
L’Office des propriétaires a été mis en place dès 1875, entre autres parce que ses fondateurs se sont rendus compte que de nombreuses personnes étaient à la tête d’un patrimoine immobilier à Bruxelles, tout en résidant en dehors de la capitale. L’OP a alors offert de gérer ces biens; d’autant qu’à l’époque, il n’était pas bien vu que des gentilshommes réclament eux-mêmes les loyers dûs. Aujourd’hui, beaucoup de courtiers ont embrayé afin de répondre à une demande toujours plus large. Sans compter qu’il s’agit d’une activité stable, qui bénéficie d’un haut degré de fidélité auprès de clients satisfaits.
Il s’agit pourtant d’un métier en soi, qu’il n’est pas donné à tous d’exercer.
En effet, il ne faut pas prendre la tâche à la légère. La gestion locative requiert le choix d’un logiciel performant et l’emploi d’un personnel formé et au courant du cadre législatif en vigueur. En ce sens, il s’agit d’un métier qui est amené à se développer de par sa complexification croissante. D’autant que, contrairement aux autres gestionnaires de patrimoine, la responsabilité de l’agent immobilier est clairement engagée en cas de faute.
Parmi les produits que vous proposez, vous distinguez la gestion financière et privative…
Nous avons lancé la première dans les années 80, et elle remporte un franc succès depuis. Il s’agit de l’activité non pas la plus compliquée, mais la plus rigoureuse : le suivi du paiement des loyers (avec rappels et mises en demeure si nécessaire), leur indexation, etc. Nombre de propriétaires nous confient ces responsabilités, se réservant le suivi des travaux, la recherche de locataires, les états des lieux d’entrée et de sortie, etc. Mais devant l’ampleur de la tâche, une grande partie d’entre eux finit par nous déléguer le tout, en gestion privative. Laquelle est plus chère : 8 à 12 % du loyer contre 2 % pour la financière.