Deux francophones sur trois prêts à investir dans de l’"éthique très forte"
- Publié le 07-04-2018 à 13h25
- Mis à jour le 07-04-2018 à 15h25
L’enquête Financité/Novacitis auprès de 300 Belges montre que le retour sur investissement n’est pas leur priorité.
"Seriez-vous prêt à investir directement dans des entreprises à éthique très forte, socialement responsables et respectueuses de l’environnement ?" Une enquête menée auprès d’environ 300 Belges francophones (1/3 à Bruxelles, 2/3 en Wallonie) pour le compte des associations Financité et Novacitis, indique que 64 % d’entre eux seraient partants. "Si l’on y ajoute les 4 % qui investissent déjà dans ce genre d’entreprises, cela veut dire que près de 70 % des citoyens interrogés seraient disposés à mettre leur propre argent, même de petites sommes, directement dans des projets qui ont un impact positif pour la société", commente Fabrice Collignon, administrateur de Novacitis.
Le chiffre de 64 % varie un peu selon les tranches d’âge, les villes et la situation familiale. Ainsi, les 41-50 ans sont les plus motivés d’investir (68 %) tandis que la tranche 51-60 est la moins encline à le faire (52 %). Enfin, c’est à Bruxelles (69 %) que les répondants envisagent le plus d’investir dans ce type d’épargne, alors qu’ils sont 53 % à Namur.

Plus de frilosité pour les fonds éthiques
L’enquête explore également les fonds éthiques et responsables. 51 % des répondants se disent prêts à investir dans ce type de fonds.
Une autre question demande aux personnes interrogées si elles préfèrent investir dans un projet concret ou dans un fonds qui investit lui-même dans plusieurs projets. 54 % préfèrent le concret et seulement 11 % sont prêts à mettre leur argent dans la deuxième option.
Les personnes non disposées à investir (24 %) dans ces placements et entreprises éthiques invoquent les raisons suivantes (dans l’ordre) : le manque de moyens financiers pour investir, le manque d’informations sur le sujet, le manque d’intérêt, la prise de risque trop importante, le manque de confiance dans ce type de projet, et la conviction que "c’est l’Etat qui doit investir dans ce type de projet".
Double constat
"Lors de nos actions, nous sentons une envie croissante des gens de placer leur argent dans des projets proches de leurs valeurs. Mais il nous paraissait important d’interroger des personnes au hasard afin de confronter cette intuition", explique Annika Cayrol, coordinatrice Services à Financité. "L’idée de cette enquête part d’un double constat : d’une part la nécessité de faciliter l’accès au financement pour les entreprises sociales en Belgique grâce à la mise en place d’un fonds complémentaire aux instruments existants, d’autre part la volonté de développer la gamme de produits financiers pour permettre aux citoyens d’investir de manière diversifiée et solidaire. Et pour construire un tel fonds coopératif, il nous paraissait important de connaître les perceptions de Monsieur et Madame Tout-le-monde et d’avoir une vue plus fine sur les attentes des personnes qui ont déjà investi dans des produits financiers/ou pourraient le faire."
Alimentation biologique en tête
Pour Annika Cayrol, il est également intéressant de voir dans quels secteurs les répondants de l’étude disent vouloir investir en priorité. L’alimentation biologique arrive en tête, puis les énergies renouvelables et l’immobilier de logement social. La mobilité vient en quatrième position.
Autre point à souligner : une large majorité des répondants de l’enquête (82 %) trouvent intéressant le fait que l’objectif prioritaire des fonds ou des entreprises soit de préserver le capital investi et de financer des projets à haute éthique et à fort impact positif sur la société, plutôt que de générer une performance élevée pour les investisseurs. 39 % attendent un retour sur investissement situé entre 1 et 3 %, et 11 % n’en attendent pas du tout, pour autant que l’impact soit positif pour la société. Enfin, 66 % ne considèrent pas le fait que leur participation ne prenne pas de valeur comme un frein.
"Je suis actif depuis un certain temps déjà dans l’économie locale et solidaire, mais je ne m’attendais pas à de tels résultats", confie Fabrice Collignon. "Je suis surpris par cet engouement réel pour investir dans des projets à impacts positifs pour la planète, mais aussi par le fait que le retour financier ne soit pas l’élément premier pour les gens. C’est très encourageant."
Le 14 avril, Novacitis donne le coup d’envoi de sa campagne d’appel à l’épargne citoyenne. Et Fabrice Collignon se veut optimiste : "Nous ambitionnons de capter 4 millions d’euros pour financer trois projets. En effet, nos premiers projets concernent des développements immobiliers importants qui nécessitent un budget sur cinq ans de plus de 10 millions d’euros. Nous désirons bâtir une communauté d’entrepreneurs et de citoyens solidaires afin de construire une économie plus juste, et nous comptons impacter positivement la société sur le plan du bien-être, de l’environnement et du vivre-ensemble. Pour cela, nous aurons besoin de mobiliser les citoyens, et cette enquête Novacitis/Financité confirme qu’un autre modèle de financement est possible…"
"Il est possible de se passer des banques !"
Témoignage. David Bavay et Fabien Ledecq sont occupés à lancer une nouvelle société dans la région où ils habitent, près d’Herbeumont (province de Luxembourg) : Mon Lit dans L’Arbre. Un projet de slow tourisme qui prévoit entre autres l’implantation de cabanes insolites sur un site entouré d’une zone Natura 2000. Ils se sont d’abord tournés vers les banques. Trop gourmandes à leur goût. C’est en suivant une formation du Réseau Financité que David Bavay a alors eu le déclic : "Je me suis rendu compte qu’on pouvait très bien réaliser notre projet en nous passant des banques. Pour moi, un vrai partenaire doit partager les risques." Le duo a dès lors opté pour la forme coopérative et a fait appel à l’épargne citoyenne. "Cette étape majeure nous a permis de poser deux constats. Le premier est l’engouement des citoyens pour le projet, qui a une dimension locale forte. Le second est que les gens sont réellement prêts à sortir leur argent de leur compte bancaire pour investir dans autre chose !", poursuit David Bavay. Ils ont lancé un appel aux fonds dans leur réseau en octobre 2017. Objectif : réunir 100 000 euros, sachant qu’une part de coopérateur était à 250 euros. "En à peine deux mois et demi, nous avons atteint la somme de 250 000 euros avec une centaine de coopérateurs", précise-t-il.