Les taux bas : un cauchemar pour les investisseurs
La Banque centrale européenne ouvre la porte à un nouveau soutien massif à l’économie de la zone euro. C’est une bonne nouvelle pour les investisseurs axés sur la Bourse. Mais les obligations ne rapportent plus rien aux investisseurs prudents.
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Publié le 26-07-2019 à 07h38 - Mis à jour le 26-07-2019 à 08h46
La Banque centrale européenne ouvre la porte à un nouveau soutien massif à l’économie de la zone euro. C’est une bonne nouvelle pour les investisseurs axés sur la Bourse. Mais les obligations ne rapportent plus rien aux investisseurs prudents. Que l’on considère la zone euro ou les États-Unis, on entend le même discours : il faut soutenir l’économie et faire revenir une saine inflation en maintenant la pression sur les taux d’intérêt. Non contentes de maintenir les taux d’intérêt à court terme sous pression, les grandes banques centrales ont aussi fait en sorte que les taux longs soient le plus bas possible, via leurs opérations d’achats massifs d’obligations. Et les annonces de la BCE ce jeudi montrent que ce jeu n’est pas encore arrivé à son terme.
Mais ce niveau très faible des taux impacte l’activité du marché obligataire, et pèse lourd sur la rentabilité des portefeuilles équilibrés. C’est que, pour équilibrer un portefeuille, il faut théoriquement y mettre des actions et des obligations. Or, ces dernières, gages d’un rendement sûr et d’une sécurité sur le capital, ne rapportent quasiment plus rien, sauf à investir dans des émissions de moindre qualité.
La recherche de qualité, et donc, de sécurité, explique que des gestionnaires acceptent de perdre de l’argent en payant cher des emprunts assortis de taux très faibles, et donc, d’un rendement négatif à l’échéance. Certains, banques, assurances, fonds de placement, sont d’ailleurs forcés d’engranger des obligations "triple A", ce qui explique cette hérésie financière qui conduit des gestionnaires à payer pour prêter.
Un rendement variable
La notion de rendement est importante. Le rendement d’une obligation est en effet composé des coupons payés par l’emprunteur, et par le bénéfice ou la perte éventuelle lors d’une cession avant l’échéance, ou au moment du remboursement (à 100 % de la valeur faciale). La valeur de marché des obligations existantes évolue au cours de leur vie en fonction des taux demandés par le marché. Si les taux de marché grimpent, la valeur des obligations existantes recule, et si ces taux baissent, leur valeur augmente.
Prenons à cet égard un exemple stupéfiant : l’Autriche a émis il y a deux ans des obligations d’État à 100 ans. Ce papier qui paie un taux brut de 2,10 % par an jusqu’à son échéance en septembre 2117, se traite autour de 160 % de sa valeur d’émission, parce qu’entre-temps, les taux du marché ont baissé. En cas de remontée de 1 % des taux de marché, elle baisserait toutefois de plus de 50 %.

Des rendements négatifs extrêmes ?
Mais les taux vont-ils remonter ? Pour le gestionnaire de fonds britannique et économiste Jim Leaviss (M&G Real Estate), on aurait tort de penser cela. Il rappelle dans une récente analyse qu’une grande banque d’investissement spécule sur des rendements négatifs de… 2 % sur la dette allemande ! Celui-ci estime d’ailleurs que le marché s’attend à bénéficier à nouveau d’un mix de mesures susceptibles de peser à long terme sur les rendements de marché, et donc à amplifier mécaniquement la valeur des obligations existantes. D’autant que le papier de qualité se fait rare. En zone euro, le top en la matière, c’est le bund allemand, équivalent de nos obligations d’État belges (appelées aussi Olo pour Obligations linéaires). Jim Leaviss le rappelle, "les Allemands n’émettent plus d’emprunts d’État. Dans sa quête du ‘zéro noir’ (schwarze null), l’Allemagne dégage un excédent budgétaire chaque année". En cas de reprise des achats massifs par la Banque centrale européenne d’obligations d’État (quantitative easing), dont les fameux bunds, on devrait assister à une nouvelle baisse des rendements, et singulièrement sur la dette allemande. Ceci aura pour effet de faire grimper encore les prix des obligations existantes. Avant un hypothétique retour de manivelle.
Rendement ou risque ?
Pour Alexandre Goldwasser, associé-gérant de Goldwasser Exchange, l’investisseur de base ne peut plus rien trouver actuellement en obligation de qualité libellée en euro. "Je ne me sentirais pas à l’aise en proposant des obligations offrant un rendement correct en euro à un investisseur lambda, parce que le niveau de risque à prendre est bien trop élevé. Pour obtenir un rendement supérieur à l’inflation, il faut viser environ 3,50 % de différentiel par rapport au rendement des ‘bunds’ allemands dont le rendement est négatif de 0,40 %… Et à ce stade, on est déjà dans du papier risqué. En outre, il s’agit la plupart du temps de lignes minimales de 100 000 euros, ce qui ne convient pas aux portefeuilles modestes. Un investisseur averti, capable de prendre un niveau de risque plus important pour une partie réduite de son portefeuille, peut par contre trouver du rendement." Vers quoi l’investisseur qui cherche rendement et sécurité peut-il dès lors se tourner ? "Nous pensons que les investisseurs peuvent prendre un risque ‘devise’ limité en optant pour des obligations en dollar ou en devises émergentes. L’économie américaine est en meilleure santé que l’économie de la zone euro, et les rendements offerts par des émetteurs de qualité en dollar sont plus confortables. Quant aux émergents, ils ont bien performé depuis le début de l’année", explique encore Alexandre Goldwasser.
