Les paiements vers les paradis fiscaux en forte hausse: voici les dix préférés des sociétés belges
Les paiements effectués par les entreprises belges vers les paradis fiscaux sont passés de 82 à 206 milliards entre 2016 et 2018. Il s’agit de paiements déclarés spontanément, comme l’exige la législation. Pour l’administration fiscale, dans la majorité des cas, il ne s’agit pas de fraude. (...)
Publié le 21-08-2019 à 06h47 - Mis à jour le 21-08-2019 à 15h37
Les paiements effectués par les entreprises belges vers les paradis fiscaux sont passés de 82 à 206 milliards entre 2016 et 2018. Il s’agit de paiements déclarés spontanément, comme l’exige la législation. Pour l’administration fiscale, dans la majorité des cas, il ne s’agit pas de fraude.
Un total de 82 milliards en 2016, 129 milliards en 2017, 206 milliards en 2018. Les entreprises belges effectuent de plus en plus de paiements vers des pays reconnus comme des paradis fiscaux par la Belgique.
Comment le sait-on ? La loi belge impose aux entreprises qui effectuent des paiements de minimum 100 000 euros vers un paradis fiscal de le mentionner dans leur déclaration d’impôts. Cette obligation de transparence doit permettre au fisc belge de combattre plus efficacement les montages abusifs d’optimisation ou de fraude fiscales.
La liste belge des paradis fiscaux compte trente pays, dont les plus importants sont Monaco et les Émirats arabes unis. La présence d’un État sur une liste pouvant provoquer des problèmes diplomatiques, un certain nombre de paradis fiscaux y échappent. Citons Hong Kong, le Delaware ou encore Singapour… Il y a donc beaucoup de micro-États sur la liste belge.
Même si la liste belge est limitée, les flux financiers vers ces paradis fiscaux se sont donc élevés à 206 milliards d’euros en 2018, selon les chiffres de l’administration fiscale.
Comment expliquer cela ? Le fisc rejette tout lien entre ces montants en augmentation et une hausse de la fraude fiscale.
"Force est de constater que les paiements vers les paradis fiscaux sont considérables et en nette augmentation, commente Denis-Emmanuel Philippe, avocat chez Bloom Law et professeur à ULiège . L’obligation déclarative porte sur tous les types de paiements : achats de marchandises, loyers, intérêts, redevances, commissions, remboursements d’un prêt… Il est donc délicat de dire avec certitude à quoi correspond ce montant de 206 milliards d’euros. Je pense néanmoins que la majorité de ces flux s’inscrivent dans le cadre d’opérations légitimes répondant à une logique économique. Exemple : l’achat de pétrole par Total auprès de sociétés établies aux Bermudes."
Cet expert fiscal se demande néanmoins quel usage fait l’administration fiscale de ces précieuses informations. "J’ai lu dans une réponse parlementaire que la cellule ‘Paradis fiscaux’ au sein du SPF Finances, chargée notamment d’analyser les paiements déclarés, n’était composée que de quatre fonctionnaires, déclare Denis-Emmanuel Philippe. Cela me semble fort faible, lorsque l’on voit les montants considérables en jeu. À mon avis, le fisc aurait intérêt à aller vérifier si les paiements en question s’inscrivent bien dans des opérations commerciales légitimes. S’ils s’insèrent dans des montages artificiels, il pourrait rejeter certaines déductions fiscales."
Une convention fiscale avantageuse
Denis-Emmanuel Philippe n’écarte cependant pas totalement les raisons fiscales pour expliquer les sommes gigantesques qui prennent la direction des paradis fiscaux.
"Ce n’est pas un hasard si les Émirats arabes unis sont en tête des pays destinataires des paiements en provenance d’entreprises belges, déclare-t-il. La Belgique a signé avec les Émirats une convention fiscale avantageuse. Imaginons qu’une entreprise belge exerce des activités à Dubaï à travers une succursale. Ses bénéfices seront en principe exonérés à Dubaï en vertu de la législation fiscale locale. Et, cerise sur le gâteau , ces bénéfices seront également exonérés en Belgique en vertu de cette convention préventive de la double imposition. Ce n’est pas un hasard si la plus grande entreprise de construction belge, Besix, a des chantiers à Dubaï. Besix a ainsi participé à la construction de la plus grande tour du monde, Burj Khalifa."
