Guerre commerciale: qui des États-Unis ou de la Chine peut s'en tirer le mieux ?
La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, engagée par le président américain Donald Trump il y a un an et demi, a atteint de nouveaux sommets avec une nouvelle salve de taxes douanières réciproques appliquées le 1er septembre et une autre, américaine cette fois, attendue pour le 15 décembre. Les deux géants de l'économie paient-ils le prix fort de ce bras de fer commercial ou, au contraire, un pays tire-t-il son épingle du jeu ? Et qui a tout intérêt à ce que cette guerre commerciale prenne fin au plus vite ? Éclairage avec Elvire Fabry, chercheuse senior à l'Institut Jacques Delors de Paris, experte en politique commerciale.
Publié le 06-09-2019 à 16h22 - Mis à jour le 06-09-2019 à 22h13
Chine et États-Unis paient-ils le prix fort de ce bras de fer commercial ou, au contraire, un pays tire-t-il son épingle du jeu ? Éclairage avec Elvire Fabry, chercheuse senior à l'Institut Jacques Delors de Paris, experte en politique commerciale.
La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, engagée par le président américain Donald Trump il y a un an et demi, a atteint de nouveaux sommets avec une nouvelle salve de taxes douanières réciproques appliquées le 1er septembre et une autre, américaine cette fois, attendue pour le 15 décembre. Les deux géants de l'économie paient-ils le prix fort de ce bras de fer commercial ou, au contraire, un pays tire-t-il son épingle du jeu ? Et qui a tout intérêt à ce que cette guerre commerciale prenne fin au plus vite ? Éclairage avec Elvire Fabry, chercheuse senior à l'Institut Jacques Delors de Paris, experte en politique commerciale.
Où en est-on dans l'escalade de surtaxation entre la Chine et les États-Unis ?
"Les taxes américaines couvrent désormais la quasi-totalité des importations chinoises et un clapet qualitatif a été passé. Jusqu'à présent, les produits concernés par les augmentations de tarifs étaient principalement des produits intermédiaires et des pièces détachées. Avec ceux visés par les nouvelles salves (aux 1er septembre et 15 décembre), on est plus directement dans des produits de consommation courante (vêtements, chaussures, jouets...) et donc dans le panier de la ménagère", détaille Elvire Fabry.
"A l'annonce américaine de la dernière salve, les Chinois ont utilisé leur habituelle logique de riposte : rapide et mesurée. Ils ont un volume de produits à taxer moins important que les Américains mais ils n'ont même pas utilisé toute leur marge : un tiers des importations américaines est resté à l'abri. Cela envoie le signal d'une réponse ferme mais modérée, qui n'est pas dans l'escalade. Ils cherchent à se préserver en évitant de taxer des produits essentiels à leur économie. Ils sont obligés de suivre une logique de rétorsion mais ils en connaissent les travers donc ils essaient d'atténuer le choc", poursuit la chercheuse.
Dans quel état sont les économies américaines et chinoises ?
Qui gagne, qui perd ? Les chiffres conjoncturels publiés cette semaine laissent croire que les deux pays sont gagnants. Le déficit commercial américain face à la Chine s'est réduit de plus de 10% cette année. La Chine affiche depuis janvier une balance commerciale positive avec le monde et une augmentation du volume de ses exportations de 6,7 %. Mais Elvire Fabry est plus réservée dans son analyse. "Alors que la Chine était déjà entrée dans une phase de ralentissement de la croissance depuis un an ou deux, l'économie chinoise accuse le coup - suffisamment pour inquiéter Pékin et l’inciter à poursuivre plus activement la réorientation de son économie vers la consommation intérieure", souligne-t-elle.
"Par ailleurs, toutes les entreprises américaines qui utilisent les importations chinoises subissent l'impact négatif des tarifs. Elles vont devoir trouver des alternatives, sans toujours parvenir à éviter un surcoût pour les consommateurs. En outre, si Donald Trump se concentrait exclusivement sur la Chine, ce serait une chose. Mais il a ciblé aussi ses autres grands partenaires commerciaux. Cela crée un climat de confusion, de manque de prévisibilité pour les entreprises. A moyen terme, c’est l’ensemble des chaînes de valeur du pays et plus largement dans le monde qui peuvent être impactées par cette guerre commerciale."
Pour la chercheuse, cette guerre commerciale sino-américaine est un "lose-lose game", sans compter "le risque, déjà amorcé, de dégradation, non seulement de la conjoncture économique mondiale, mais aussi des règles du commerce international, et un enjeu de survie pour l'OMC, à un moment où l'on a plus que besoin de conforter ces règles, de les renforcer".
Quel est le véritable enjeu de la guerre commerciale ?
"Depuis le début, l'objectif de Trump vise à côté : il se focalise sur la question du déficit commercial alors que le vrai sujet, ce sont les distorsions commerciales chinoises ; avec ses entreprises d’Etat, la Chine ne joue pas le jeu d'une économie ouverte et régulée", explique Elvire Fabry. "A travers le rapport de force qu'il a engagé avec la Chine et la logique de scalp qu'il veut obtenir vis-à-vis de son opinion publique, s'il veut plus d'ouverture bilatérale du marché chinois mais qu'il ne ramène pas la Chine à la table des négociations de l'OMC pour aller vers plus de régulation, on passe à côté du véritable défi des prochaines années. Comme Donald Trump maintient une arme nucléaire sur l'OMC, en continuant à bloquer la nomination des juges du mécanisme de règlement des différends, qui serait in fine bloqué en décembre prochain, on ne sait pas sur quel pied danser et on doute un peu de la volonté de Washington de chercher à ramener la Chine à la table de l'OMC."
Qui a le plus intérêt à faire rapidement la paix ?
"L'agenda électoral joue contre Trump. Il lui faut un résultat pour légitimer toute sa stratégie. Il a plus beaucoup de temps devant lui avant d'entrer dans le dur de la campagne de 2020. Je pense que, compte tenu de l'enjeu politique pour Trump, la Chine peut être en mesure de démontrer qu'elle a davantage de capacité de résilience", avance Elvire Fabry.