Ces taux d’intérêt en hausse qui gênent les entreprises
Le marché obligataire demande aux entreprises des taux d'intérêt bien plus élevés que ceux demandés aux États
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Publié le 23-03-2020 à 18h03 - Mis à jour le 23-03-2020 à 18h04
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Le marché obligataire demande aux entreprises des taux d'intérêt bien plus élevés que ceux demandés aux États
La crise en cours a fait plonger les Bourses ces dernières semaines. Les investisseurs ont anticipé le choc sur les résultats des entreprises cotées, dans la perspective d’un ralentissement quasi global de l’activité. Ils ont aussi soldé une partie de leurs portefeuilles d’obligations, jugeant que, là aussi, il y aurait des soucis avec un risque accru de défaut. La baisse de valeur des obligations existantes a provoqué mécaniquement une hausse des rendements de ces dernières. Et les nouvelles émissions, même d’entreprises de première qualité doivent désormais être assorties de taux d’intérêt bien supérieurs à ceux exigés par les investisseurs avant le début de la crise. Est-ce un problème pour les entreprises ?
Des taux bas, mais pas pour tous
"Le niveau des taux n’est pas un problème fondamental", nous explique Alexandre Goldwasser (Goldwasser Exchange). "Ils sont en effet très faibles dans l’absolu, même s’ils ont grimpé depuis le début de cette crise". Les entreprises font-elles appel au marché, malgré tout. "Les très grandes entreprises considérées comme des débiteurs de première qualité, dite "investment grade", sont présentes. Et elles doivent payer un taux qui était exigé auparavant pour les emprunteurs de moindre qualité, les "high yield". À titre d’exemple, Engie qui est un emprunteur de grande qualité, classé A-, propose actuellement une émission en euros sur 8 ans avec un taux facial de 1,75 % brut".
Un niveau de taux tout à fait acceptable ? "Oui, mais pour les entreprises ne disposant que de faibles notations financières, c’est un problème parce que là, les taux seront plus élevés. Ce qui est préoccupant, c’est le niveau des "spreads", des écarts entre ce que l’on fait payer aux entreprises, et ce que l’on accepte de payer aux États qui empruntent. L’Allemagne peut toujours emprunter à des taux proches de zéro quand ils ne sont pas négatifs. Pour l’exemple d’Engie, le "spread" est de 2,10 %", reprend Alexandre Goldwasser.
La semaine dernière, toutefois, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé un plan d’urgence disposant d’une force de frappe de 750 milliards d’euros. Elle a assuré vouloir soutenir le crédit aux PME au travers du secteur bancaire d’une part, mais aussi de permettre aux grandes entreprises et mêmes à certains États, d’emprunter sur le marché obligataire. Ceci devrait ouvrir le marché aux entreprises en mal de fonds… C’est d’ailleurs la hausse inattendue le 17 mars, des rendements sur la dette d’État italienne qui a déclenché cette offensive de la BCE, le 18 mars.
Confronté au blocage économique lié à la crise du coronavirus, l’État italien était obligé de soutenir financièrement ses entreprises, ses PME, les personnes fragilisées, au prix d’un creusement sans précédent de sa dette publique. Cette perspective a poussé les opérateurs à vendre en masse de la dette italienne ce qui en fait grimper les rendements à près de 3 %. Suite à l’annonce de la BCE, les taux de marché sont revenus à 1,60 %.
Le temps de la transmission
Le succès de la BCE sur la dette italienne ne pourrait-il se répéter pour la dette des entreprises européennes ? "On peut l’espérer. Mais il faut que cette politique arrive jusqu’au marché. Et pour le moment, ce n’est pas le cas", assure encore Alexandre Goldwasser. "Le problème du spread révèle le sentiment des investisseurs. Tant qu’ils préféreront investir en obligations d’État, même avec un taux proche de zéro, les entreprises en mal de capitaux auront des difficultés à se financer sur le marché obligataire". Le problème se voit sur le marché secondaire, là où les émissions existantes s’échangent. "Oui, ici on a vu la valeur des obligations d’entreprises plus fragiles face à la crise, reculer jusqu’à 20 %".
Il faudra sans doute compter aussi sur l’appui des États aux côtés des entreprises locales. Une fois cette mécanique enclenchée, le marché devrait retrouver ses esprits et opter pour les émissions obligataires plus risquées mais plus rentables. "Pour l’investisseur particulier, il y a peut-être des opportunités, comme l’émission d’Engie ou d’Unilever. Le risque est à nouveau rémunéré !"
