Quand le monde redécouvre le sens du mot "pandémie"
L’intervention des États et des gouvernements dans la vie économique et sociale a aussi subi de grands changements.
- Publié le 20-03-2021 à 19h14
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Il y a un an, lorsque le virus Covid-19 a commencé à faire parler de lui en Chine, on ne pensait pas qu’il serait au centre de toutes les préoccupations pendant plus d’un an. Alors que son épicentre se situait en Asie, il était inimaginable, à l’époque, qu’il prenne une telle ampleur au niveau mondial. L’année 2020 a alors été marquée par de nombreux paradoxes.
"Le premier paradoxe a été que, finalement, la croissance mondiale a été menée en 2020 par l’Asie, le foyer de l’infection. Et, pour 2021, la croissance en Chine est attendue autour de 7,5 ou 8,5 %. En revanche, la croissance européenne devrait se situer entre 1,5 et 6 % en fonction de l’évolution des programmes de vaccination et de l’avancée des plans de relance", estime Charles-Henri Kerkhove, Investment Director chez Fidelity International. Autre changement important : l’arrivée de Joe Biden à la présidence des États-Unis. Il y a un an, il était difficile d’envisager cette victoire. Les péripéties autour du dépouillement des votes en novembre ont d’ailleurs montré que cette victoire n’était pas si aisément acquise. "Joe Biden a remis les États-Unis dans l’accord de Paris. Cela signifie que les États-Unis reviendront à l’avant-plan dans la lutte contre le dérèglement climatique. La prise de conscience est réelle à la fois en Europe mais aussi en Chine qui tient à jouer un rôle dans ce domaine", souligne Charles-Henri Kerkhove.
L’intervention des États et des gouvernements dans la vie économique et sociale a aussi subi de grands changements. L’Europe a réussi à imposer des plans de relance d’envergure. Les pays de l’Union ont trouvé un accord et sont sortis plus unis de cette épreuve. Du côté américain aussi, des mesures fortes ont été prises pour assurer la reprise de l’économie. Le grand credo des budgets en équilibre a donc été balayé par la pandémie. "Même l’Allemagne qui prônait la rigueur budgétaire s’est inclinée. Elle n’est plus le gardien de la rigueur, ce qui laisse un peu de répit aux pays périphériques européens", ajoute Charles-Henri Kerkhove.
Les dettes publiques atteignent des montants stratosphériques, les déficits publics se creusent. Mais tout cela se fait dans un contexte de taux d’intérêt au plancher. Les banques centrales continueront à pratiquer leur politique monétaire accommodante. Les taux d’intérêt ne devraient pas connaître de hausse en 2021. Un éventuel resserrement des taux aurait trop d’impact sur la confiance. Il n’est désormais plus question de réitérer la même erreur qu’en 2011 en mettant l’accent sur l’austérité. Les gouvernements ont désormais conscience qu’ils doivent soutenir l’économie par des plans de relance.
Cette perfusion se maintiendra-t-elle encore en 2021 ? "Oui, très probablement et encore en 2022. Les gouvernements devront être très prudents et ils ne devront pas sevrer trop tôt les économies. Il y a un risque à retourner trop rapidement vers l’orthodoxie budgétaire. Les programmes de vaccination traînent, le marché de l’emploi reste fragile. Les risques sont donc bien présents", prévient ce professionnel de la gestion.
Le principal risque entrevu par cette maison de gestion est une reprise de l’inflation. La demande pourrait reprendre et ce, dans un contexte où les plans d’investissement ont été mis à l’arrêt. Cela pourrait avoir un impact sur certains prix comme ceux du pétrole, par exemple. On ne devrait cependant pas connaître de poussée inflationniste dans un contexte de travail flexible et de globalisation. Par ailleurs, l’écart entre les perdants et les gagnants pourrait encore se creuser. Certains segments de la consommation pourraient reprendre là où d’autres seront impactés par les nouvelles habitudes de travailler ou de consommer.
"Le télétravail a montré que l’on pouvait réduire le nombre de réunions physiques. Les surfaces de bureau pourraient être adaptées. Les voyages d’affaires diminueront. Les habitudes d’achats de biens de consommation en ligne risquent de peser sur la fréquentation des grands centres commerciaux. Il persiste encore beaucoup d’incertitudes quant à l’avenir de la croissance", note Charles-Henri Kerkhove.
Mais, pour les marchés, ce qui compte aujourd’hui c’est l’orientation de la politique monétaire, l’inflation, le sentiment des investisseurs et la mise en place des plans de relance. Les investisseurs, quant à eux, doivent être conscients qu’il y a, aujourd’hui, un coût d’opportunité important à ne pas être investis.