La Réserve fédérale américaine fait trembler les Bourses mondiales : "La Fed devra agir, mais ce n’est pas dramatique"
Les minutes de la Réserve fédérale américaine effraient les opérateurs. Ils craignent une remontée des taux d’intérêt à long terme. Pour l’économiste Samy Chaar, il n’y a pas de risque immédiat.
Publié le 19-08-2021 à 18h22 - Mis à jour le 20-08-2021 à 10h30
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Des indicateurs boursiers en baisse de 2 à 3 % aux premières heures de cotation en Europe ? Les opérateurs ont manifestement été effrayés par le contenu des minutes de la dernière réunion de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed), diffusées mercredi soir. Il est vrai que certains participants y évoquent le ralentissement des achats massifs d'actifs obligataires – le "tapering" – cette année encore. Une perspective qui se traduirait notamment par la remontée des taux d'intérêt à long terme aux États-Unis. Après l'ouverture de Wall Street sur une baisse modérée, les places européennes devaient toutefois réduire leurs reculs.
Les opérateurs ne sont-ils pas allés un peu vite en besogne ? Samy Chaar, chief economist au sein de la banque suisse Lombard Odier, constate en tout cas une forme d'inconsistance des marchés face à une situation assez prévisible. "On voit après cette publication une hausse de la volatilité, une baisse des rendements et une baisse des actions…", nous explique-t-il. Ce qui n'est pas très cohérent, en effet. Et de noter que ce coup de froid des marchés boursiers intervient dans un marché creux en fin d'été, après une longue suite de séances de hausses ininterrompues, et de l'arrivée de beaucoup d'indicateurs boursiers à des niveaux historiques.
Un risque de ralentissement économique global ?
Pour Samy Chaar, les marchés semblent plutôt craindre un ralentissement économique global, et que simultanément, la Fed aille de l'avant sur base des fondamentaux qui évoluent dans le bon sens aux États-Unis. "Ce que nous pensons, c'est que les taux de croissance que nous observons actuellement aux États-Unis comme en Chine, devraient revenir à la normale, soit à 2 % aux États-Unis, et à 5 % en Chine. Mais cela ne va pas se faire en un mois !"
C'est vrai qu'aux États-Unis, les aides fiscales sont appelées à diminuer dans le cadre du rétablissement des fondamentaux, la consommation intérieure et l'emploi. "C'est exact", note encore l'économiste, "mais il faut tenir compte de la persistance fiscale aux États-Unis. La crise est passée, c'est un fait, et les effets des aides aux ménages vont s'estomper, mais on a aussi en perspective les effets des différents plans de relance mis en place par l'administration Biden. Plus de 3 000 milliards de dollars injectés dans l'économie". Une donnée qui comptera de manière progressive et sur le long terme pour la dynamique économique américaine. "Et c'est pareil en Europe avec le plan de relance européen". "Alors, oui, la Fed devra agir, mais cela n'est pas dramatique", ponctue Samy Chaar.
La Chine ralentit légèrement…
Les opérateurs ont-ils pour autant joué à se faire peur ? Parce qu’on le voit, notamment à la Bourse de Paris, les valeurs du luxe, portées par la santé de l’économie chinoise, sont en première ligne des ventes ces derniers jours. Les dernières statistiques sur l’évolution de l’économie chinoise ont pesé sur le moral des gestionnaires. Lundi, on a en effet appris que les ventes de détail en Chine ont affiché en juillet leur plus faible progression (+8,5 %) depuis le début de l’année. Un signe inquiétant, sachant qu’en quelques mois les indicateurs boursiers chinois ont perdu pour certains plus de 20 % par rapport à leurs sommets ?
Pour Samy Chaar, il y a là, comme on le verra sans doute par la suite aux États-Unis, "une convergence normale vers les niveaux de croissance naturels de ces deux économies".
…et elle recadre ses milliardaires
Et puis, il y a le recadrage des milliardaires chinois de la technologie qui a connu un point d'orgue cette semaine. Il y a quelques mois, le pouvoir chinois imposait des sanctions très lourdes à plusieurs groupes très puissants dans le secteur de l'économie des réseaux, à commencer par le géant du commerce en ligne Alibaba. Il y a quelques semaines, le pouvoir chinois a sanctionné différents groupes bénéficiant d'une cotation à New York. Et cette semaine, le président Xi Jinping lui-même a rappelé aux entreprises chinoises les plus riches la nécessité d'un ajustement des revenus dans un souci d'équité sociale. "Il a eu un recadrage pour un alignement d'intérêt de ces géants de la tech", reconnaît Samy Chaar, ce qui explique la glissade continue des valeurs cotées sur les places chinoises et ailleurs dans le monde. "Mais n'est-ce pas là une occasion pour revenir vers les valeurs chinoises", s'interroge-t-il.