Pour rappel aux investisseurs : en Chine, c’est le Parti qui dirige la Bourse
Le pouvoir chinois rappelle aux entreprises cotées que les objectifs du Parti ne passent pas par la Bourse. De nouvelles règles sont imposées aux candidates à la cotation, en Chine, mais aussi aux États-Unis.
- Publié le 26-08-2021 à 08h01
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Les investisseurs dont le portefeuille est lesté de valeurs chinoises technologiques cotées en Bourse traversent une mauvaise passe, actuellement. Une très mauvaise passe. C’est que les autorités chinoises ont entamé ces derniers mois une vigoureuse reprise en main de ces géants devenus trop puissants. Et cela, après leur avoir laissé longtemps la bride sur le cou pour en favoriser la croissance. Du sérieux ?
Oui, l’offensive des régulateurs, menée par le Parti, joue sur plusieurs fronts simultanément. On parle ici de l’instauration d’une série de réglementations destinée à assainir les pratiques commerciales des géants technologiques soupçonnés de ne pas jouer loyalement le jeu de la concurrence, de s’assurer de la gestion correcte et sécurisée des données des utilisateurs ou clients chinois de services en ligne, et enfin, de vérifier la transparence de grosses opérations financières en matière de fiscalité.
Introductions boursières gelées
L'ultime péripétie en date est liée apparemment à ce dernier volet. Cette semaine, le gendarme financier chinois (CSRC pour China Securities Regulatory Commission) a suspendu plus de 40 procédures d'introduction en Bourse, à Shanghai et à Shenzhen. Et cela, au motif que d'importants intermédiaires financiers actifs dans ces procédures sont sous enquête… Apparemment, le régulateur veut plus de transparence sur les comptes et les méthodes des entreprises concernées.
Ce n’est d’ailleurs pas une première, puisqu’à la fin 2020, c’est la méga introduction en Bourse du géant financier Ant – une opération estimée à l’époque à 37 milliards de dollars – qui était suspendue sine die par les autorités financières chinoises. Les autorités de marché reprochaient à l’entreprise sœur du groupe Alibaba, connue notamment pour son service de paiement en ligne Alipay, omniprésente sur les smartphones des consommateurs chinois, des abus de position dominante.
L’entreprise devait être cotée à la Bourse de Hong Kong. Un gros coup de froid, ponctué par une remise au pas du fondateur d’Alibaba et principal actionnaire d’Ant, Jack Ma. Après avoir disparu un temps des radars, il est revenu à la vie, mais sur un mode discret. Plus question de critiquer le Parti. L’action Alibaba, cotée à New York, a chuté depuis de 50 %, même si elle se reprend ces derniers jours.
L’incroyable affaire Didi
Ce qui a secoué plus récemment les investisseurs américains, et la SEC (Securities and Exchange Commission), le gendarme boursier américain, c’est bien entendu l’affaire Didi, épouvantable du point de vue des actionnaires. Cette société chinoise spécialisée comme Uber dans la mise à disposition d’une plateforme de réservation de taxis, a en effet pu lever fin juin quelque 4,4 milliards de dollars, pour entrer en Bourse à New York et voir sa valorisation bondir à 67,5 milliards de dollars.
Quelques jours plus tard, on apprenait toutefois que l’entreprise faisait l’objet d’une enquête en Chine et que son application était suspendue sur les plateformes de téléchargement, pour un souci de conformité en termes de gestion des données des clients. L’entreprise n’est plus valorisée actuellement qu’à près de 42 milliards de dollars.
Les autorités financières américaines se sont donc mises à se poser des questions sur la transparence des prospectus liés à une série d’introductions en Bourse de sociétés chinoises. Et, comme en Chine, celles qui étaient prévues sont donc suspendues dans l’attente d’un sérieux devoir de transparence.
Le retour des introductions en vue ?
En matière d'investissement, les spécialistes du marché boursier chinois ne veulent pourtant en aucun cas jeter le bébé avec l'eau du bain… Seuls certains secteurs technologiques sont clairement identifiés et visés par les autorités chinoises, on l'a vu. Mais la correction née des craintes des investisseurs a entraîné d'autres secteurs à la baisse. Et, comme nous le confirmait il y a quelques jours l'économiste Samy Chaar (Banque Lombard Odier), "il y a peut-être là une occasion de revenir vers les actions chinoises". Un point d'entrée ?
Avec un peu de recul, on voit que les indicateurs de tendance boursiers chinois sont en phase de correction, certes, mais toujours dans une longue tendance haussière. Et il n'est pas impossible que le temps des introductions boursières en Chine revienne. En juillet dernier, dans une interview au Nikkei Asia, le financier Fred Hu (Primavera Capital Group), ancien responsable de la Chine chez Goldman Sachs, estimait que l'entrée en Bourse d'Ant devrait rapidement être remise sur les rails, après les aménagements requis par les autorités financières chinoises. Et, selon l'agence Bloomberg, un groupe de spécialistes américains des introductions en Bourse serait en contact avec leurs homologues chinois. Affaire à suivre !