Les banques centrales dépriment les places boursières
Les poids lourds parmi les instituts d’émission ont resserré de concert leurs politiques monétaires et rappelé aux investisseurs la santé chancelante de leurs économies.
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Publié le 16-12-2022 à 17h08 - Mis à jour le 16-12-2022 à 19h18
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La Réserve fédérale américaine (Fed) a mis fin mercredi au dernier gros suspense de l’année en matière de politique monétaire. La Fed a annoncé un relèvement de 50 points de base de la fourchette de taux directeurs, celle-ci passant à 4,25 % à 4,50 %. 50 points de base, c’est moins que les 75 points des précédents relèvements. Et l’on sait que même si le processus de resserrement du crédit n’est pas terminé, la Fed ne devrait pas aller beaucoup plus haut que 5 % à l’horizon du printemps prochain.
Cette modération attendue a permis aux autres grandes banques centrales de réduire à leur tour l’intensité des resserrements monétaires – on parle de taux d’intérêt à très court terme -, la BCE et la Banque d’Angleterre notamment ayant ajusté le tir en se basant sur celui de la Fed. Mais en rappelant au passage que la situation qui prévaut aux États-Unis est bien différente de celle qui nous préoccupe. Aux États-Unis, c’est l’excès de demande qui a fait flamber les prix. Mais le climat économique américain a commencé à se calmer d’autant que le pays a retrouvé en quelques années son indépendance énergétique. Ce n’est pas le cas en Europe où ce facteur n’est pas sous contrôle et où le conflit en Ukraine est à l’origine d’une flambée imprévue des prix du gaz et, partant, de l’électricité. La Banque centrale européenne a souligné ces incertitudes, qui a pour sa part entamé le resserrement monétaire avec retard par rapport à la Fed.
Normalisation reportée
C’est un rappel aux investisseurs qui donnaient le sentiment ces dernières semaines de positionner leurs stratégies en fonction d’un rétablissement de la normalité économique au printemps. La hausse des taux d’intérêt qui n’est jamais une bonne nouvelle pour les marchés d’actions et d’obligations, va se poursuivre, a fortiori en Europe, et peser lourdement sur l’activité économique.
En conséquence, les entreprises cotées vont subir ce coup de frein programmé pour freiner l’inflation. Les opérateurs l’ont bien compris qui sont revenus cette semaine à une attitude bien plus en phase avec la situation économique réelle. En Europe, les principaux indicateurs de tendance ont affiché des reculs de plus de 3 %, la séance de jeudi s’étant terminée dans une certaine confusion.
Vendredi, journée d’échéance groupée de contrats d’options aux États-Unis, connue sous le nom de “journée des trois sorcières”, l’on craignait donc un surcroît de volatilité, d’autant que selon l’agence Bloomberg, le total des actifs financiers sous-jacents de ces contrats s’élevait à 4 000 milliards de dollars. Mais à New York, les opérateurs avaient anticipé le risque, ce qui a en partie calmé le jeu. Une attitude qui a déteint sur celle des opérateurs européens, toujours attentifs à ce qui se passe outre-Atlantique.
Colruyt sanctionné
En Bourse, les intervenants en position de repli ont donc accordé plus d’importance que de coutume aux nouvelles spécifiques aux entreprises cotées, et aux avis émanant d’analystes financiers crédibles. À New York, Tesla a poursuivi sa correction entamée il y a un an et qui coûte désormais près de 65 % aux acheteurs actifs en novembre 2021.

Une correction naturelle, si l’on sait que le titre se paie encore près de 50 fois les bénéfices, mais amplifiée par les ventes massives de titres par son patron, Elon Musk, dont la dernière acquisition, Twitter, nécessite quelques milliards de dollars de plus que prévu. Cette semaine, Musk a vendu pour 3,5 milliards de dollars d’actions Tesla. Dans le sens opposé, la bonne nouvelle est venue à New York du groupe pharma Moderna qui a fait état de résultats très encourageants d’une étude en phase II portant sur un vaccin ARN contre certains cancers de la peau. L’action a bondi de plus de 15 %.
À Bruxelles, dans un contexte de retour au calme à l’approche de la période des fêtes, c’est Colruyt qui a causé la (mauvaise) surprise en dévoilant un recul de 43 % de ses bénéfices sur le semestre écoulé. Le groupe qui a pourtant accru sa diversification, et avait averti d’une chute de ses profits, a été lourdement sanctionné en Bourse. Mais la direction du groupe maintient ses options de gestion en dépit du poids de l’inflation des prix et de ses coûts, privilégiant la qualité de vie de ses clients, de son personnel, et poursuivant ses investissements, notamment dans la durabilité énergétique de ses magasins. À terme, cela devrait payer.