"L'immobilier est le secteur qui a le moins bien performé en 2022". Et en 2023 ?
Libre Eco week-end | Le Dossier. La hausse des taux d'intérêts a démoralisé l'immobilier. Le marché continuera-t-il à sous-performer en 2023 ? Deux chances sur trois.
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- Publié le 17-12-2022 à 10h03
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"Il ne faut pas se mentir, l'immobilier est le secteur qui a le moins bien performé en 2022." Pour Frédéric Renard, Equity Research Analyst chez Kepler Cheuvreux, spécialisé dans l'immobilier coté européen, ce n'est pas très folichon à avouer…
Le fauteur de troubles ? Sans hésiter : les taux d'intérêt. "Ils ont été le traceur le plus important, convient l'analyste. Du fait de leur rehaussement, mais surtout de la vitesse de cette remontée. De 0 % en janvier à 3,20 % en septembre pour ce qui est du taux swap à cinq ans !" Même si, depuis, ils se sont stabilisés à 2,70 %. "Beaucoup d'investisseurs ont été pris de court, ajoute Frédéric Renard. Et puisqu'il leur fallait bien arbitrer, ils ont vendu ce qui corrélait le plus avec les taux d'intérêt, c'est-à-dire : l'immobilier."
Résultat, les cours ont dégringolé cette année : de 37,2 % depuis le 1er janvier pour ce qui est des foncières européennes (Epra Europe) ; de 36 % pour les sociétés immobilières belges et luxembourgeoises (Epra Belux).
Et c'est d'autant plus râlant pour nombre d'entre elles qu'elles avaient bien préparé leur bilan en se couvrant contre une remontée des taux bas… "Mais le marché anticipe toujours un futur qui prend en compte un coût de financement plus élevé et des probables baisses de valeurs."

Le fait que les loyers soient indexés n'a pas non plus eu l'heur de rassurer les investisseurs… "Peut-être parce qu'une période prolongée d'augmentation des prix dans un contexte de restriction monétaire pose la question de la capacité des bailleurs à pouvoir faire passer cette inflation de manière durable", suggère-t-il.
Du côté de la Belgique
Toujours est-il que si globalement l’immobilier a plongé, toutes les classes d’actifs ne se sont pas enfoncées de la même manière. Pour ne parler que des sociétés immobilières réglementées belges :
- les commerciales (Retail Estates, Ascencio) ont plutôt bien tenu, parce qu'elles avaient davantage sous-performé en 2020 et 2021, "mais aussi parce que leur rendement, qui tourne autour des 6 %, reste largement supérieur à celui des bonds d'État" ;
- les logisticiennes (WDP, Montea…) ont davantage perdu, "parce qu'elles étaient plus chères à la base et que le marché a commencé à présager une baisse de leur croissance", ajoute Frédéric Renard, même si l'offre reste rare (les taux de vacance sont sous les 3 % en Europe) ;
- les Sir versées dans la santé (Aedifica, Cofinimmo) ont pâti des mêmes mauvaises prédictions, affaire Orpea en sus ;
- quant à celles investies dans les bureaux, l'expert en parle moins puisque depuis la vente de Befimmo au canadien Brookfield et sa prochaine sortie de la cote, ce secteur est moins représenté en Belgique.
Focalisation sur les taux d’endettement
Il n’empêche, si sur la carte européenne, l’immobilier côté belge culbute légèrement moins, c’est que désormais les investisseurs se focalisent non pas sur la croissance des portefeuilles mais sur les bilans et, surtout, les taux d’endettement. Et en moyenne, celui des joueurs belges est moins important (sous les 45 %, voire sous les 40 % de la valeur des actifs).
De quoi être plus optimiste pour 2023 ? "Disons que le sentiment des analystes est binaire, sourit celui de Kepler Cheuvreux. L'immobilier peut aussi bien sur-performer que… sous-performer. Tout dépendra de l'évolution des taux d'intérêt. Si le marché pense qu'ils ont atteint un pic, il y aura un retour de manivelle et les moins bonnes performances de l'année 2022 deviendront les bonnes performances de 2023. Mais s'il pense que l'inflation continuera d'augmenter et que les banquiers centraux continueront de relever les taux, alors l'immobilier, malheureusement, continuera à sous-performer…"
À moins qu'un troisième scénario se dessine : une inflation qui se modérerait tout en évitant une récession. "Ce serait également une combinaison gagnante pour l'immobilier", conclut-il.
En d’autres termes : deux chances sur trois…