UBS-Credit Suisse: une banque systémique davantage "too big to fail", et un risque pour le contribuable ?
La panique bancaire et la faillite de Credit Suisse pourraient constituer une affaire en or pour UBS. À condition de ne pas trébucher. Mais quid de la concurrence et du risque porté par le contribuable ?
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Publié le 21-03-2023 à 08h08 - Mis à jour le 21-03-2023 à 09h56
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Le rachat de Credit Suisse par le numéro un suisse du secteur, UBS, pose désormais deux questions : cela risque-t-il de créer un mastodonte défiant les règles de concurrence ? Et cela crée-t-il un risque pour le contribuable, qui pourrait devoir mettre la main à la poche ?
”La faillite de la Silicon Valley Bank et la réaction des autorités américaines ont provoqué une panique et le ver était dans le fruit, ce qui a aggravé la défiance, sans distinction. Et Credit Suisse connaissait des problèmes depuis plusieurs années, dont des pertes importantes en 2022, et avait enchaîné les restructurations”, avance l’économiste Eric Dor, en guise de décor à la situation en explication des retraits massifs de dépôts. “Près de 10 milliards de francs suisses par jour ! C’est intenable” enchaîne-t-il.
Vers une position dominante problématique ?
Sauver Credit Suisse, une banque “too big to fail”, est donc un passage obligé. “C’est un peu comme avec Fortis, racheté par BNP Paribas, au lendemain de la crise de 2008. Les Suisses auraient peut-être pu nationaliser temporairement la banque (comme, a priori, pour Belfius, ex-Dexia, détenue par l’État belge, NdlR). Mais ils ont préféré la vente à UBS, qui avait elle-même été sauvée en 2008, plutôt que cette option. Peut-être pour des raisons idéologiques, la Suisse étant très libérale, pour rassurer l’opinion publique ou pour éviter une vente à l’étranger. En tout cas, cette vente à UBS crée un mastodonte encore plus 'too big to fail', que l’État et les contribuables seraient encore plus obligés de sauver si UBS chute à son tour”, renchérit-il, précisant que les experts au niveau de la concurrence se pencheront sur ce cas. Mais le tout étant chapeauté par la Banque nationale suisse, le deal devrait être validé. Et étant donné que la Banque nationale suisse (BNS) accorde visiblement deux lignes de crédit pouvant aller chacune jusqu’à 100 milliards de francs suisses (donc 200 milliards en tout, mais avec des modalités différentes en cas de défaut de paiement), le montant peut faire peur, même si le risque de recours à ces prêts et de défaut de paiement resterait limité.
”Ils devaient agir dans l’urgence. C’est possible qu’UBS doivent revendre des parties ou céder des activités mais là, il y a le feu au lac”, lance Eric Dor.
”Il y a beaucoup de confusion au sujet du sauvetage des banques. Les gens pensent que c’est sauver les actionnaires, mais ce n’est pas le cas."
Le contribuable, dindon de la farce ?
Peut-on estimer que le contribuable est encore la bonne poire qui sauve les banques sans en tirer bénéfice ? Soyons clairs, en cas de nationalisation, il aurait mis la main à la poche, mais pour le moment, il n’est que garant, via l’État.
”Il y a beaucoup de confusion au sujet du sauvetage des banques. Les gens pensent que c’est sauver les actionnaires, mais ce n’est pas le cas. Même si dans le cas présent, environ 3 milliards seront assurés pour ces derniers, en général, ce sont les premiers à perdre leur argent, devant les détenteurs d’obligations AT1 (additionnal Tier 1), plus risquées mais proposant un meilleur rendement, les autres obligataires et enfin les personnes ayant des dépôts, soit les clients. Mais là, les actionnaires sont tout de même 'ruinés', même s’il s’agit ici de grands fonds qui peuvent se le permettre, en quelque sorte”, avance-t-il. “Et généralement, l’État sort gagnant, car le remboursement du sauvetage coûte cher aux banques. Les retombées sont importantes. Seule Dexia a constitué une perte nette lors de la crise bancaire qui a suivi 2008… Et là le contribuable a perdu beaucoup d’argent”, rappelle-t-il.
Mais s’il y a un gagnant dans l’histoire, ce serait UBS. “Un rachat pour environ 3 milliards de francs suisses, c’est l’affaire du siècle. Mais pour cela, il faut que ça se passe bien et qu’UBS ne fasse pas faillite”, commente-t-il.
Le problème de la culture du bonus
Pour éviter de faire peser ce risque, Eric Dor avance l’idée que c’est la culture du bonus qui devrait être remise en question, en plus d’une régulation stricte et les stress tests déjà appliqués. “Il y a beaucoup de résistance à abandonner la culture du bonus. D’ailleurs, dans cette histoire, les employés de Credit Suisse – environ 17 000 personnes, NdlR – ont reçu un courrier qui affirme que leurs bonus seront bien payés (le prochain tour des versements a lieu ce 24 mars, NdlR). Quelle blague, on pourrait croire que c’est un article fake du Gorafi, mais non”, s’exclame-t-il.
”Beaucoup d’experts recommandent d’encadrer davantage ces bonus, afin d’éviter aux dirigeants de prendre des risques inconsidérés pour gonfler leurs revenus”, termine Eric Dor. Des risques qui finissent donc parfois par retomber sur les épaules des États et donc des contribuables.