Déjà deux milliards d'euros de souscriptions aux bons d’État: une opération qui marque un tournant ?
En une journée, les souscriptions auprès de l’Agence de la dette et auprès des banques atteignent un montant cumulé de l'ordre de 2 milliards d'euros! La demande plus élevée que prévu aura-t-elle un impact sur les banques ?
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- Publié le 24-08-2023 à 18h41
- Mis à jour le 25-08-2023 à 10h04
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Ce jeudi, dès le premier jour du lancement du bon d’État à un an, les compteurs se sont affolés. En quelques heures seulement, les souscriptions s’élevaient à près de 500 millions d’euros rien que via le site de l’Agence de la dette. À ce chiffre, il faut ajouter les montants investis par l’intermédiaire des établissements bancaires qui distribuent ce produit. Ce jeudi soir, Jean Deboutte, directeur de l'Agence de la Dette, laissait même entendre à la VRT que la barre des deux milliards avait été franchie en un jour: un milliard ayant été souscrit via le site de l'Agence de la Dette et un autre via les banques. On devrait donc dépasser les 3 milliards attendus, voire s’approcher du montant de 5,5 milliards atteint pour les bons Leterme qui affichaient un taux de 4 % à 5 ans. Ce succès pose une série de questions.
Pourquoi une telle demande ?
Le bon d’État propose un taux brut de 3,30 % sur un an, ce qui donne un rendement net de 2,81 % vu que le précompte mobilier est réduit temporairement de 30 à 15 %. Le rendement est d’au moins 1 % supérieur à celui sur le livret d’épargne des grandes banques belges. Ce taux est aussi supérieur à celui offert par les grandes banques sur les comptes à terme, qui est un produit plus comparable que le livret. Seules quelques banques de taille moyenne comme Argenta et Axa Banque ont décidé d’aligner le taux de leur compte à terme sur celui du bon d’État, mais seulement le temps que durera la souscription (c’est-à-dire jusqu’au 1er septembre).
En résumé, le bon d’État représente la meilleure offre pour le moment sur le marché belge, à risque et durée comparables bien sûr. En apportant néanmoins la précision importante que le bon d’État est pris en compte pour la taxe sur les comptes titres (0,15 % à partir d’un million d’euros), ce qui n’est pas le cas du dépôt à terme.
Cela va-t-il pousser les banques à réagir ?
C’est l’objectif poursuivi par le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (Cd&V), qui a donné un coup de pouce au produit en baissant le précompte mobilier. Une façon aussi de redorer son blason après l’échec de la réforme fiscale. Mais, ce n’est pas garanti qu’il va arriver à ses fins. Les grandes banques ne se montrent pas pressées d’augmenter les taux sur les livrets d’épargne.
Quant à leur offre sur le compte à terme, elle n’est pas plus intéressante. Et de surcroît, elle est loin d’être transparente. Sur le site de BNP Paribas Fortis, il est indiqué que “les tarifs sont disponibles sur demande”. Sur le site de Belfius, on renvoie à un rendez-vous en agence. Le site d’ING indique que “le taux d’intérêt dépend du montant, de la durée, de la devise et des conditions du marché”. KBC n’en dit pas plus.
Comme le souligne un observateur du monde bancaire, “la vraie question à se poser est de savoir s’il n’y a pas un manque de concurrence dans le secteur bancaire”. Et de se demander “si le véritable rôle de l’État n’est-il pas de susciter une enquête approfondie sur la protection du consommateur”, plutôt que de lancer des produits concurrentiels aux banques.
L’État fait-il une bonne affaire ?
Interrogé sur ce point pas les médias audiovisuels, Vincent Van Peteghem avait expliqué qu’il n’était en tout cas pas perdant. Cette émission a été lancée aux conditions du marché. Il se raconte néanmoins que le ministre – qui a un représentant au comité stratégique de l’Agence de la dette – avait discrètement fait passer le message de ne pas hésiter à arrondir vers le haut le taux retenu.
L’État belge, qui se finance très facilement sur les marchés, n’a donc pas besoin des bons d’État pour remplir ses caisses. Mais il a évidemment intérêt que le maximum de souscriptions se fassent via le site de l’Agence de la dette, ce qui le libère de payer la commission de distribution aux banques (environ 0,30 %).
En termes de précompte mobilier, il est trop tôt de dire s’il est gagnant ou perdant. Il sera gagnant si une grande partie des fonds provient des livrets d’épargne exemptés de précompte.
Y a-t-il un risque que la baisse temporaire du précompte soit remise en question ?
Du côté du cabinet Van Peteghem, on estimerait qu’il n’y a aucun risque. Dans les cas de figure possibles mais peu probables, la Commission européenne pourrait juger cette réduction de précompte un avantage pour l’État belge et lui imposerait une amende. Autre cas de figure : un résident étranger qui veut souscrire au produit fait un recours en justice, faisant valoir une discrimination. “De tels risques sont faibles, mais pas nuls”, nous explique un juriste.