"J’ai réussi mon examen oral en ne disant que 'bonjour' et 'au revoir'. Je n’en ai pas tiré beaucoup de fierté"

Dans sa série, La Libre Étudiant s’intéresse aux souvenirs qui ont marqué vos études. Qu’ils soient drôles, tristes ou riches en enseignements, ils sont suffisamment importants pour que vous vous en rappeliez encore aujourd’hui !

Un étudiant se souvient de son professeur qui notait les étudiants en fonction de son humeur.
Un étudiant se souvient de son professeur qui notait les étudiants en fonction de son humeur. ©shutterstock

Le témoignage de Fabrice, 51 ans, ex-étudiant en histoire

En première candi histoire (l’ancêtre du bac1), l’un des examens oraux les plus incertains était celui d’introduction à la philosophie. Le professeur était imprévisible, colérique et étrangement construit sur le plan physique, ce qui amplifiait le malaise quand on était face à lui. Sa réputation le précédait. On ne comptait plus le nombre d’étudiantes qui étaient sorties en pleurs de son bureau (il se disait que selon lui, les filles n’avaient rien à faire à l’université) ni celui d’étudiants qui, dans la dernière ligne droite, avaient vu leur cote passer d’un brillant 18/20 à un cuisant 2/20 pour avoir utilisé un terme inadéquat. En entrant dans son bureau, notre sort ne nous appartenait plus.

guillement

Je ne me souviens plus du déluge d’insultes et de hurlements qui a suivi.

Je n’avais pas compris grand-chose au cours et c’est habité d’un mauvais pressentiment et d’une grande angoisse que j’arrivai dans le sinistre couloir de la section de philosophie où je m’enquis de la situation. Plusieurs de mes condisciples s’en étaient sortis avec honneurs et félicitations, tandis que d’autres avaient subi la foudre rageuse menant à la cote d’exclusion. Le schéma habituel. Vu mon impréparation, je me situais plutôt comme candidat à la seconde catégorie. Mon tour arriva. Je pénétrai dans le bureau dans la peau d’un agneau mené à l’abattoir. Je saluai le professeur d’un “bonjour” mal assuré. “Beau style ! ”, me répondit-il. Je n’avais pas détecté l’ironie cachée dans ces mots prononcés de sa voix chevrotante.

Pensant qu’il parlait de l’effort vestimentaire que j’avais fourni pour me présenter en costume et cravate devant sa sommité, je lui lançai un “merci” plein de gratitude. Je ne me souviens plus du déluge d’insultes et de hurlements qui a suivi. Je pense que sur le moment, je ne l’ai même pas entendu, halluciné par la situation. De ce que j’en ai compris, j’avais commis un impardonnable crime d’impolitesse. J’aurais dû dire “Bonjour… Monsieur le Professeur” ! Il m’ordonna de prendre place devant lui pour m’interroger. J’avais l’impression de mesurer 20 centimètres. Un brin d’herbe qu’il s’apprêtait à écraser d’un coup de talon.

guillement

Je me suis précipité hors du bureau, sans vraiment comprendre ce qui venait de se produire.

Je n’avais que très peu de choses à répondre à sa première question. J’en savais bien trop peu pour donner satisfaction. Heureusement, le professeur prit la relève et répondit à ma place, mon rôle se limitant à hocher de la tête pour manifester mon accord avec sa réponse. La deuxième question suivit le même chemin. Je crois me souvenir que ses réponses étaient assez convaincantes. Puis il s’excusa pour son coup de sang en guise d’accueil et me demanda s’il pouvait fumer. Il n’y avait qu’une réponse possible :

- Oui, je vous en prie.

- Vous êtes certain que ça ne vous dérange pas ?

- Pas du tout, je vous assure. Mes parents fument. Ça ne me gêne absolument pas.

- Bon, ça va. Vous avez gagné. Je ne fume pas.

Au terme de la troisième question dont le scénario n’était pas différent des deux premières, il me gratifia d’un excellent 17/20, aussi improbable qu’immérité. Il ne me restait plus qu’une épreuve : sortir. Je pris soin de dire avec un grand respect : “au revoir… Monsieur le Professeur”. Il me semble l’avoir vu sourire. Je me suis précipité hors du bureau, sans vraiment comprendre ce qui venait de se produire.

Je n’ai pas tiré de gloire particulière de cet épisode. Il n’y a d’ailleurs pas de quoi en être fier. Au fond, j’ai réussi sans avoir bien étudié et grâce aux caprices d’un professeur biscornu. D’autres ont raté en en connaissant plus que moi. C’est injuste, mais l’injustice fait partie du monde. On n’est jamais trop jeune pour l’apprendre.


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