Étudiant ingénieur, 4x4 tout-terrain et entraîné par son frangin : qui est Alec Segaert, le Belge favori du Mondial espoirs de chrono ?
Médaillé d’argent la saison dernière à Wollongong : le coureur de chez Lotto-Dstny a un objectif clair pour ce mercredi : le maillot arc-en-ciel !
- Publié le 09-08-2023 à 12h05
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Le buzz qu’a fait son appel à l’aide en fin de semaine dernière a déjà le pouvoir de le faire sourire. En route pour l’aéroport de Zaventem d’où il devait prendre un vol à destination de l’Écosse vendredi, Alec Segaert s’est fait subtiliser, dans le train, un sac à dos contenant son passeport. Un document nécessaire pour embarquer à destination des Championnats du monde.
”Je fais pourtant habituellement attention aux pickpockets mais il faut croire que j’étais trop absorbé par mon GSM, raconte celui qui sera ce mercredi le favori au titre dans l’épreuve contre-la-montre réservée aux espoirs (36,2 km). J’ai heureusement pu faire réaliser un document en urgence. Rue des Colonies n°11, je n’oublierai jamais l’adresse. (rires) Cela m’a valu un gros coup de stress, mais j’ai finalement pu voyager depuis Amsterdam le soir même et n’ai donc loupé qu’une petite sortie de deux heures. Cette mésaventure n’a donc pas été trop impactante dans la perspective de cet objectif majeur.”
Un rendez-vous lors duquel le coureur de chez Lotto-Dstny se sait attendu mais pour lequel il ne minimise pas la concurrence. “Le Britannique Tarling (19 ans, Ineos, 2e du dernier Tour de Wallonie) aurait sans doute été mon plus grand rival, mais il a fait le choix de s’aligner avec les élites. Cinq des dix premiers de Wollongong seront au départ de Stirling et je n’ai certainement pas course gagnée. Mais je ne vais pas me cacher non plus, mon objectif, c’est le maillot arc-en-ciel ! ”
Portrait d’un coureur dont on devrait assurément beaucoup reparler dans les prochaines années !
Son frère comme entraîneur, son papa comme osthéo
Les Segaert semblent avoir réinventé le scénario de la série Netflix Family Business. Pour l’encadrer au mieux, Alec peut en effet compter sur le support de son frère aîné Loïc, qui est aussi son entraîneur, et de son papa Frank, ostéopathe.

”C’est vrai que c’est un petit peu une affaire de famille, sourit Loïc, l’aîné (24 ans) d’une fratrie de quatre enfants. J’ai commencé des études en sciences du sport à la KUL lorsque j’étais moi-même encore coureur, mais différentes blessures, dont une sérieuse au genou, m’ont poussé à arrêter la compétition lorsque j’évoluais en espoirs. Dans le même temps, Alec donnait ses premiers coups de pédales chez les débutants et je suis donc naturellement devenu son entraîneur. Aujourd’hui, j’ai intégré la structure de l’équipe Lotto-Dstny après avoir été au service de la formation Sport Vlaanderen-Baloise la saison dernière. Je m’occupe donc aussi d’autres pros comme Sébastien Grignard par exemple. Alec ne me maudit-il pas lorsque je lui programme des séances difficiles et des exercices qui peuvent ressembler à de la torture ? (rires) Non, pas du tout. Il a une totale confiance en mon approche qui porte jusqu’ici ses fruits et est extrêmement appliqué dans la réalisation de ses séances. C’est un bosseur qu’il n’est pas nécessaire de motiver sans cesse…”
Un vrai 4x4
Si son statut de champion d’Europe juniors (2021) et espoirs (2022) du contre-la-montre lui a collé une étiquette de gros rouleur, Alec Segaert est bien plus qu’un spécialiste du chrono. Vainqueur du Piccolo Lombardia la saison dernière (le mini-Tour de Lombardie), le Flandrien s’est aussi classé 11e du classement général final du Giro Next Gen (Tour d’Italie des moins de 23 ans).
”L’approche moderne de l’entraînement permet désormais de mieux exploiter les grosses cylindrées des plus grands talents sur tous les terrains, analyse Kurt Van de Wouwer, le manager général de l’équipe Lotto-Dstny. Alec est capable de soutenir des puissances élevées pendant des durées relativement longues et cela lui permet donc de briller dans l’effort individuel comme dans les longues ascensions de cols. Il a encore du chemin pour arriver au niveau de son aîné mais sur le plan du moteur, comme on dit dans le jargon, on peut relever certaines similitudes avec Wout van Aert.”

Un talent protéiforme qui lui ouvre de multiples horizons. “À l’avenir, je le pense capable de briller sur des courses par étapes d’une semaine comme le Tour de Belgique ou les 4 Jours de Dunkerque pour citer deux exemples, juge son frère Loïc Segaert. S’il a encore des progrès à effectuer en termes de placement sur ces épreuves, il possède également le profil adéquat pour réaliser de belles choses sur les classiques flandriennes.”
Étudiant en ingénieur civil
Pépite d’un cyclisme belge décidément empli de talents, Alec Segaert combine son statut de coureur pro avec celui d’étudiant. Il est en effet engagé dans sa seconde année d’ingénieur civil à la KUL. “La première s’était extrêmement bien déroulée puisqu’il n’avait pas raté le moindre examen ! lance fièrement son frangin et entraîneur Loïc. Cette combinaison n’est pas toujours simple à réaliser puisqu’il a par exemple dû réviser pendant le Giro U23 à la mi-juin et qu’il devra en faire de même lors du prochain Tour de l’Avenir fin août, ses examens étant étalés sur trois sessions.”
Une discipline de vie pour laquelle Kurt Van de Wouwer a beaucoup de respect. “Cela demande une grande organisation, nécessaire par la suite pour faire carrière. Mais cela veut aussi dire que le jour où Alec choisira de se concentrer exclusivement sur le cyclisme, il disposera alors d’une certaine marge de progression lui permettant de vivre de manière encore davantage pour son métier. Tim Wellens ou Florian Vermeersch ont connu la même trajectoire par le passé, avec une belle réussite.”
Double vice-champion de Belgique

Pour sa première participation aux championnats de Belgique élites fin juin, Alec Segaert a réalisé une belle moisson en décrochant la médaille d’argent tant dans le chrono que lors de la course en ligne. “Il va pouvoir faire deux posters du podium à accrocher dans sa chambre, rigole Loïc Segaert. Second derrière Wout van Aert puis Remco Evenepoel, ce sont de sacrées références. Deux résultats décrochés devant un joli parterre de supporters et auxquels je ne m’attendais pas véritablement puisque sa préparation avait été perturbée par une maladie dans la foulée de Paris-Roubaix (7/5) puis une chute. Il n’abordait donc pas les Nationaux avec une grande confiance, mais il a livré deux courses fantastiques !”
Un obsessionnel de la préparation
La saison dernière, afin de préparer au mieux les Championnats du monde de Wollongong où il avait pris la médaille d’argent dans le chrono espoirs, Alec Segaert s’était offert un séjour de trois semaines en amont, grâce au soutien financier de son club de supporters. “Cela lui a permis de s’acclimater au mieux au décalage horaire, à la température et d’effectuer une approche minutieuse du rendez-vous arc-en-ciel, détaille son frère. Cette année, c’est en altitude qu’Alec a construit sa condition pour ces Mondiaux puisqu’il a passé un peu plus de trois semaines à Livigno. Nous jugions important d’avoir le rythme de la compétition dans les jambes, ce pour quoi il s’est aligné sur le Tour d’Alsace (26 au 30/7).”
”Pas encore un pro à part entière”
Même s’il peut donc avancer le titre de double vice-champion de Belgique élites, Alec Segaert ne se considère pas, pour reprendre ses propres mots, comme un “coureur pro à part entière”. “Je fais encore pas mal de courses avec l’équipe de développement de Lotto-Dstny”, souligne ainsi celui qui s’est par exemple aligné sur le Grand Prix des Nations ou le Circuit des Ardennes.
Prévu initialement pour 2024, son passage dans l’équipe pro a été avancé à février dernier. “Alec est l’un de nos plus grands talents et un garçon qui apprend extrêmement vite, explique Van de Wouwer. Il faut donc que la théorie s’adapte à la pratique dans de tels cas. Son programme n’a pratiquement pas changé puisqu’il était prévu depuis cet hiver et qu’il mixe des courses avec l’équipe dévo et des épreuves pros comme il le fait actuellement. Nous trouvons essentiel qu’il ne perde pas le sentiment de rouler pour la gagne comme il le fait chez les espoirs. Il n’a que 20 ans et s’il roulait exclusivement chez les pros, sans doute il devrait alors endosser davantage de missions d’équipier. Son statut de pro a surtout été motivé par notre volonté de mettre à sa disposition tous les moyens de notre structure, de la diététique aux recherches sur le matériel par exemple. Une fois qu’il passera totalement chez les 'grands', cela facilitera également une intégration déjà très avancée.”
Très courtisé chez les jeunes
Déjà très en vue chez les juniors (3e des Championnats du monde de chrono 2021 disputés en Belgique et champion d’Europe deux semaines plus tôt), Segaert a fait l’objet d’une intense cour de la part de bon nombre de grosses armadas. “Pratiquement toutes les structures de développement ont tenté de l’attirer dans leur rang, raconte Van de Wouwer. C’est donc une fierté de l’avoir convaincu par notre projet. Je pense que le savoir-faire de notre formation et de notre développement des talents est reconnu. Les jeunes nous font confiance car ils savent qu’ils seront bien encadrés avant de recevoir une vraie chance à l’échelon professionnel.”