Les attentats contre Hitler ne sentent plus le soufre en Allemagne

Si, comme la déclaré récemment Gerhard Schröder, l'Allemagne fut libérée autant ou davantage que vaincue en 1945, nos voisins de l'Est sont fondés à porter un regard différent, plus franchement positif, sur la résistance antinazie à l'intérieur du Reich.

P.V.
Les attentats contre Hitler ne sentent plus le soufre en Allemagne
©D.R.

Si, comme la déclaré récemment Gerhard Schröder, l'Allemagne fut libérée autant ou davantage que vaincue en 1945, nos voisins de l'Est sont fondés à porter un regard différent, plus franchement positif, sur la résistance antinazie à l'intérieur du Reich. Non qu'on ait précédemment jeté la pierre sur ceux dont on reconnaissait volontiers qu'ils «sauvèrent l'honneur», mais il était difficile, pour beaucoup, de faire l'impasse sur la dimension de trahison que comporta fatalement une action visant à déstabiliser l'autorité politique alors que le pays était en guerre.

A quelques semaines du soixantième anniversaire de l'attentat du 20 juillet 1944 contre le Führer, ce dilemme civique ne paraît plus peser si lourd. «L'Allemagne est prise d'un regain d'intérêt pour l'héritage des comploteurs», écrit Hannah Lobel, de l'Agence Associated Press. Plusieurs livres sont parus et des chaînes de télévision ont programmé des émissions sur ce tyrannicide manqué de peu. Le Chancelier lui-même rendra hommage, dans la cour de la Bendlerstrasse à Berlin, là où ils furent exécutés, à Claus Schenk, comte von Stauffenberg et à trois autres conspirateurs, arrêtés peu après l'explosion de la bombe à retardement qui détruisit à Rastenburg le quartier général de Hitler tout en épargnant celui-ci.

Seule ombre au tableau: le profil politique du héros martyr, qui n'autorise pas sa récupération par beaucoup de partis. Officier issu d'une vieille famille souabe, loué pour sa bravoure au combat en Pologne et en Tunisie où il perdit un oeil et une main, l'animateur du groupe des opposants militaires n'était ni démocrate, ni socialiste. Comme d'autres officiers frondeurs - tels le général Beck, le maréchal von Witzleben, l'amiral Canaris, le maréchal Rommel... -, il voulait épargner à son pays les conséquences désastreuses de la folie guerrière du dictateur. Est-ce parce que celui-ci n'avait plus la baraka que beaucoup se retournèrent contre lui? Sans doute, mais ils n'en payèrent pas moins de leur personne. La répression qui s'abattit au lendemain du 20 juillet fit des centaines de victimes.

Le débat sur les motivations, en tout cas, n'est pas près de s'épuiser. Le professeur Harold Marcuse (Université de Californie) y est entré, déboulonnant la statue de Stauffenberg parce qu'il n'eut pas pour principal objectif de «sauver des Juifs». Son fils Franz Ludwig, 66 ans, a déclaré pour sa part au «Süddeutsche Zeitung» que son père et ses compagnons voulaient «stabiliser le pays et mettre fin à la guerre» et que les accusations d'antisémitisme portées contre eux sont «absurdes». L'historien allemand Joachim Fest confirme pour sa part que la révolte du colonel contre le régime national-socialiste commença dès 1938 et était inspirée par des critères moraux et religieux. Le passage à l'action clandestine se fit en 1942.

C'est d'ailleurs aussi à la fin des années 30, alors que tout semblait réussir au nouveau pouvoir, qu'eut lieu le premier putsch avorté contre Hitler. Sous le titre «La conspiration oubliée» (Robert Laffont) vient de paraître la traduction française de l'étude consacrée par Terry Parssinen (Université de Tampa, Floride) à cette entreprise dont la figure centrale fut le lieutenant-colonel Hans Oster, membre des renseignements militaires. Voulant éviter un conflit mondial rendu inévitable, selon lui, par la décision d'annexer la région partiellement germanophone des Sudètes en Tchécoslovaquie, l'officier avait rallié à la cause des généraux de la Wehrmacht, des membres de la police, des patriotes... L'acceptation des exigences allemandes par la Grande-Bretagne et la France à Munich (septembre 1938) fut un coup dur pour les conjurés qui tentèrent quand même de mettre leurs plans à exécution, mais en vain.

Au printemps 1945, la Gestapo mit la main sur des documents relatifs à cette sédition de grande ampleur. Fou de rage, Hitler ordonna l'extermination de tous ceux qui y avaient trempé. Hans Oster fut pendu le 9 avril, alors qu'on pouvait entendre, au loin, les bruits de l'artillerie alliée.

© La Libre Belgique 2004

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