Une page d'histoire est tournée
Le 6 juin 1976, un an après le début de la guerre civile au Liban, les troupes syriennes, répondant à l'appel des forces chrétiennes en difficulté face aux groupes palestino-progressistes, entraient au pays du Cèdre. Une intervention vue d'un bon oeil par Washington.
Publié le 25-04-2005 à 00h00
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CORRESPONDANTE À BEYROUTH
Le 6 juin 1976, un an après le début de la guerre civile au Liban, les troupes syriennes, répondant à l'appel des forces chrétiennes en difficulté face aux groupes palestino-progressistes, entraient au pays du Cèdre. Une intervention vue d'un bon oeil par Washington. 29 ans plus tard, les troupes syriennes ont presque toutes repassé la frontière, vers Damas cette fois, et sous le regard toujours satisfait de Washington.
Réclamé depuis des années par l'opposition libanaise, le départ des troupes syriennes est, depuis lundi, quasi-achevé. Une cérémonie d'adieu, prévue ce mardi sur une base militaire de la Bekaa, devrait mettre un point final à un chapitre de l'histoire du Liban. Celui de la tutelle syrienne. Longtemps un mirage, le retrait des soldats syriens, dont on estimait le nombre à 14000 il y a encore trois mois, est entré dans le domaine des possibles avec l'assassinat de l'ex-Premier ministre, Rafic Hariri, le 14 février. Rapidement, une large partie de l'opinion publique, l'opposition politique libanaise et des nombreux acteurs internationaux ont fait porter la responsabilité de cet attentat sur Damas.
Par ailleurs, depuis la prorogation, le 3 septembre 2004, du mandat du président libanais Emile Lahoud, sous pression syrienne, Damas était dans la ligne de mire de l'Onu, armée de la résolution 1559, appelant au retrait des forces étrangères stationnées sur le sol libanais.
Face à la mobilisation de l'opinion publique libanaise, aux injonctions de l'opposition, et sous le feu roulant des critiques internationales, le Président syrien a dû plier. Le 5 mars, Bachar el-Assad annonçait le redéploiement total de ses troupes en deux étapes. Vers la Bekaa, puis vers la frontière syrienne. Depuis cette date, le spectacle des camions militaires, chars et autres DCA est devenu commun sur les routes libanaises menant vers la Syrie.
Restait le point sensible concernant les services de sécurité syriens dont le départ était également exigé par l'opposition libanaise. Plusieurs centres d'interrogatoires et quartiers généraux ont été vidés, alors que le redouté chef des renseignements militaires syrien, le général Rustom Ghazalé, véritable maître du Liban, faisait ses adieux officiels le 19 avril.
Pour vérifier la réalité de ce retrait des troupes et des services de renseignements syriens, une équipe de l'Onu est attendue ce mardi au pays du Cèdre, alors que Kofi Annan devrait présenter son rapport sur l'application de la résolution 1559.
Si les Libanais ont conscience qu'une page de leur histoire est maintenant tournée, certains restent néanmoins sceptiques. «Aujourd'hui, je me suis rendu dans l'une des administrations officielles. J'ai entendu un homme parler syrien dans un bureau !», lâche un jeune Libanais. «Le retrait est réel, souligne toutefois un analyste politique libanais. Bien sûr, des hommes des services seront toujours ici. Mais, si par le passé, ces hommes pouvaient agir en pleine lumière, s'ils pouvaient donner des ordres et menacer, ils sont désormais contraints d'agir dans l'ombre. Comme n'importe quel service de renseignement à travers le monde. Les Syriens, en raison des pressions de la communauté internationale, ne peuvent plus avoir la même influence».
Vote de confiance
Parallèlement, une autre délégation de l'Onu, liée à la commission d'enquête sur l'assassinat de Hariri, est également attendue à Beyrouth. Dès lundi, conformément aux requêtes de l'opposition et aux engagements du nouveau Premier ministre Nagib Mikati, le chef de la sûreté intérieure libanaise, le général Jamil el-Sayyed, l'homme des Syriens, a donné sa démission. La plupart des autres chefs des services se sont mis «à la disposition» du Premier ministre. «La démission de Sayyed marque un véritable tournant, soulignait lundi un analyste, car avec son départ, c'est son réseau qui tombe».
Un tournant qui devrait être confirmé aujourd'hui avec le vote de confiance au Parlement pour le nouveau cabinet. Un gouvernement qui doit désormais concentrer tous ses efforts, sur l'organisation, dans les délais, des législatives prévues en mai.
© La Libre Belgique 2005
Une présence de trente ans 13 AVRIL 1975: déclenchement de la guerre civile. Les milices chrétiennes s'affrontent aux forces de gauche et musulmanes. 6 JUIN 1976: intervention de l'armée syrienne, à l'appel des formations chrétiennes en mauvaise posture face aux forces palestino-progressistes. En octobre, les sommets de Ryad et du Caire décident l'envoi d'une Force arabe de dissuasion, composée en majorité de Syriens. JUILLET 1978: pilonnage des quartiers chrétiens de Beyrouth par l'armée syrienne après un changement d'alliance. 6 JUIN 1982: Israël envahit le Liban et assiège Beyrouth. 22 OCTOBRE 1989: accords interlibanais de Taëf (Arabie Saoudite), qui définit le cadre de la présence syrienne. 22 MAI 1991: traité syro-libanais «de fraternité et de coopération», qui officialise le rôle prépondérant de la Syrie.