Pour le Sénat de Belgique, c'est oui

«On ne tombe pas amoureux d'une constitution, à moins d'être constitutionnaliste.» Qui d'autre que Francis Delpérée (CDH) pouvait lancer cette paraphrase de Jacques Delors (à propos du grand marché) à la tribune du Sénat? Si les sénateurs belges n'ont manifestement pas eu le coup de foudre pour un texte «souvent ésotérique» et trop «prolixe», ils ont néanmoins voté oui, jeudi soir, au «traité établissant une constitution pour l'Europe».

Sabine Verhest
Pour le Sénat de Belgique, c'est oui
©ALEXIS HAULOT

«On ne tombe pas amoureux d'une constitution, à moins d'être constitutionnaliste.» Qui d'autre que Francis Delpérée (CDH) pouvait lancer cette paraphrase de Jacques Delors (à propos du grand marché) à la tribune du Sénat? Si les sénateurs belges n'ont manifestement pas eu le coup de foudre pour un texte «souvent ésotérique» et trop «prolixe», ils ont néanmoins voté oui, jeudi soir, au «traité établissant une constitution pour l'Europe», avec 54 voix positives, 9 négatives (extrême droite) et 1 abstention (PS). Le texte ne sera définitivement ratifié que lorsqu'il aura obtenu l'assentiment des sept assemblées compétentes. Il en reste six...

«Des raisons d'être déçu»

Le ton du débat, qui n'a été animé que par quelques échauffourées techniques, est resté à mille lieues de celui qui électrise l'atmosphère française depuis des semaines.

«Ce sujet essentiel a été traité trop rapidement au Sénat», «à la va-vite», regrette Sabine de Bethune (CD&V). Car le malaise face à la construction européenne demeure réel. «Il y a une bombe à retardement sous la maison Europe. Qui parviendra à la désamorcer?», interroge la sénatrice, pointant notamment le référendum en France et déplorant son lot de «slogans et contre-vérités». «J'espère que les Français comprendront que c'est un traité important et l'approuveront», enchérit Annemie Van de Casteele (VLD). «Les Etats sont unis, pas les hommes. L'Europe a perdu les citoyens en chemin», estime Sabine de Bethune. Ils craignent de «perdre leur identité» dans une Union qu'ils considèrent comme un «projet de bureaucrates à Bruxelles», «ils ne sont pas conscients de ce que leur apporte l'Europe», analyse-t-elle. «Derrière le traité constitutionnel, existent les inquiétudes soulevées par les élargissements de l'Union, jugés hâtifs et mal maîtrisés», constate pour sa part Philippe Mahoux (PS). «On accuse les nouveaux entrants de profiter des règles du grand marché pour provoquer un dumping économique et social. Les mêmes craintes existaient quand l'Espagne, le Portugal ou la Grèce sont entrés dans l'Union. Qui se plaint aujourd'hui qu'ils aient comblé leur retard?»

«Dans le cadre d'une mondialisation de plus en plus poussée», poursuit-il, «nous ne pourrons préserver notre modèle de société solidaire que si nous poursuivons sur la voie de l'intégration européenne.» Et cette voie passe, pour la majorité des sénateurs, par l'adoption de la constitution, malgré ses faiblesses.

La constitution «a des mérites évidents mais, comme les plus belles filles du monde, elle ne peut donner que ce qu'elle a», rappelle Francis Delpérée. «Ce n'est pas l'Ode à la Joie et nous ne sommes pas Ludwig von Beethoven.» Aussi, chacun y est allé de ses regrets. Lionel Vandenberghe (Spirit) aimerait qu'il soit plus facile de suspendre un Etat membre en cas de violation des droits de l'homme. Annemie Van de Casteele déplore que les Régions et Communautés n'aient pas un accès direct à la Cour de Luxembourg. Francis Delpérée note que le texte est bien plus un traité international qu'une constitution. Et «il y a de réelles raisons d'être déçu par l'absence de progrès important en matière de gouvernement socio-économique», note Philippe Mahoux.

«Oui mais» ou «non si»

Mais les sénateurs retiennent surtout les points positifs. Christine Defraigne (MR) se réjouit des avancées en matière de coopération policière et judiciaire, ainsi que de la création d'un poste de ministre des Affaires étrangères et de la présence de la charte des droits fondamentaux. «L'Union reconnaît pour la première fois le fait syndical, la protection contre les licenciements injustifiés, la lutte contre les discriminations, le droit aux prestations de sécurité sociale, aux services sociaux, toutes choses qui représentent des garanties non négligeables dans un contexte économique et social peu rassurant pour les salariés», égrène Philippe Mahoux.

Vu que les «oui mais» ou «non si» n'ont pas le droit de cité, c'est à prendre ou à laisser», résume Francis Delpérée. Pour le Sénat, c'est donc à prendre. Car, remarque Philippe Mahoux, «par quelle opération du Saint-Esprit obtiendrait-on mieux avec des Etats qui veulent moins?»

© La Libre Belgique 2005

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