A vendre : île en eaux troubles
Après un incendie qui l'a ravagé, un confetti de ferraille, planté dans les eaux internationales à sept miles des côtes du Royaume-Uni, est à vendre. Il intéresse surtout les petits malins qui dédaignent les lois. Retour sur une histoire digne des plus rocambolesques romans d'aventures.
- Publié le 20-03-2007 à 00h00
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Les internautes mélomanes ont eu chaud. Radio.blog.club.com, site qui permet l'écoute en streaming (et l'installation sur sa page web) d'un nombre impressionnant de titres avait été fermé sur ordre de la SACEM, la société française de gestion des droits d'auteur de musique. Celle-ci avait ordonné à l'hébergeur du site, de suspendre ses prestations, puisque Radio.blog.club ne respectait pas les droits d'auteur. Mais les gestionnaires du portail, pas nés de la dernière pluie, ont contre-attaqué. Trois jours plus tard, le 19 mars dernier, radio.blog.club renaissait de ses cendres (mais il ne diffusera désormais plus de morceaux français)... après avoir trouvé un hébergeur à l'étranger. Où? Pour l'instant, le propriétaire du site n'en souffle mot.
Mais ce n'est un secret pour personne, faire héberger son site sur un serveur situé aux antipodes, dans un paradis fiscal, informatique et juridique, est le moyen le plus usité de contourner la législation.
Andorre, les îles Caïman, le Costa Rica, la Grenade, Jersey, Saint Marin, Tuvalu et Vanuatu ne sont que quelques exemples de ces entités qui ont fait du flou (à tous les niveaux) leur carte de visite la plus attractive pour ceux qui veulent faire fi des législations en vigueur chez eux.
Le plus édifiant de ce type de zone de non-droits, est encore l'île de Sealand, mise en vente après un incendie dévastateur en juin 2006. The Pirate Bay, le popularissime site suédois de téléchargement (illégal), a un temps lorgné sur cet état auto-proclamé, non reconnu par l'ONU, installé sur une ancienne plate-forme militaire appelée Fort Roughs.
Celle-ci avait été créée au large du Royaume-Uni par la Royal Navy lors de la Seconde Guerre mondiale, dans les eaux internationales de la mer du Nord. Prix de vente: certains médias parlent de la bagatelle de deux milliards de dollars. Pour une surface habitable de 550 m2 environ. Les propriétaires de l'île n'ont pas souhaité y faire accoster les « pirates » du web... C'est qu'on a de l'éthique, à Sealand. Enfin, des fois...
Une histoire rocambolesque
Le fort assurait la protection contre les raids aériens allemands de 1942 (sa date de construction) à la fin de la grande guerre. Il est ensuite désarmé et laissé à l'abandon. En 1966, un ancien major de l'armée britannique, le vétéran Roy Bates, se lance à l'abordage de l'île en bâteau de pêche. Objectif: y faire héberger une radio pirate bannie d'Angleterre. Avant sa conquête, il s'était renseigné: d'après les juristes qu'il a consultés, rien, apparemment, ne s'opposait à la prise de possession de la plate-forme.
En eaux internationales, en dehors de toute juridiction, et reconnue comme telle par une décision de justice britannique, sa souveraineté semblait reconnue de facto, pour Bates. Même si elle fluctue depuis au gré des marées qui frappent le confetti de ferraille, et des Cours qui l'examinent.
L'ancien militaire s'en fiche... Il s'autoproclame bientôt Prince, et entreprend par la suite de frapper monnaie, de créer une constitution rudimentaire, un drapeau, des timbres et un hymne national. Sans oublier d'émettre des passeports. Plusieurs criminels et trafiquant en tous genres ont d'ailleurs été arrêtés en possession d'un passeport sealandais. Le souverain a toujours nié le leur avoir fourni.
Il n'empêche, l'histoire de Sealand comporte pas mal de points troubles. Dont une « guerre ». Si si. En août 1978, des "pirates" néerlandais et un Allemand kidnappent le fils de Roy Bates, le Prince Michael, et occupent le Sealand. Bates et ses associés reprennent le contrôle du « territoire » par la force, mais sans effusion de sang. L'Allemand, détenteur d'un passeport de la micro-nation, sera détenu un temps comme « prisonnier de guerre » pour "trahison" puis relâché.
Trouble, qu'on disait.
En juin 2000, le prince héritier Michael Bates, fils du couple régnant et marin-pêcheur, signe un accord avec la société étatsunienne HavenCo Ltd pour développer à Sealand un paradis internet offshore. La principauté propose d' héberger des sites pour qu'ils puissent échapper à leur juridiction nationale.
En juin 2006, le feu ravage la plateforme. Elle est évacuée, et mise en vente. Bates Jr, déjà approché par des agents immobiliers dont les clients cherchent avant tout de l'autonomie, suggère de faire de son île une base pour des jeux d'argent en ligne ou pour des activités bancaires off-shore. Et il avance des arguments de poids, pour appâter l'acquéreur: "Les voisins sont très calmes, et y a une vue imprenable sur la mer", a-t-il confié à la BBC.