"Un coup d'Etat civil" accuse La Paz
Pour le gouvernement socialiste du président bolivien Evo Morales, c'est "un coup d'Etat civil". Le fait est que de graves violences alimentent une forte inquiétude quant à la stabilité de la Bolivie.
Publié le 11-09-2008 à 00h00
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Pour le gouvernement socialiste du président bolivien Evo Morales, c'est "un coup d'Etat civil". Le fait est que de graves violences alimentent une forte inquiétude quant à la stabilité de la Bolivie.
Les événements des derniers jours illustrent, en effet, une aggravation sensible de la tension politique entre, d'une part, le gouvernement du premier chef d'Etat indien d'un pays où les indigènes sont majoritaires et, d'autre part, cinq des neuf provinces du pays, peuplées surtout de blancs et de métis et renfermant, pour certaines d'entre elles, les principales ressources du pays (gaz et agriculture industrielle).
Répartition plus égalitaire
Le Président veut répartir de manière plus égalitaire les richesses du pays, au profit des Indiens; les provinces rebelles ne veulent pas en entendre parler, accusent le gouvernement d'étatisme et d'indigénisme, et réclament une plus grande autonomie.
Le bras de fer entre les deux camps dure pratiquement depuis la victoire des socialistes aux élections présidentielle et législatives, il y a deux ans et demi, mais s'est durci depuis lors.
Il y a trois semaines, les gouverneurs d'opposition des cinq provinces rebelles ont lancé une campagne de blocage des routes pour obtenir le retour dans leurs caisses du revenu (166 millions de dollars) d'un impôt utilisé par La Paz pour payer les pensions de retraite qu'il a créées. Ils s'opposent en outre à la tenue d'un référendum en décembre sur une nouvelle Constitution et sur une réforme agraire visant à limiter à 5 000 ou 10 000 ha les surfaces possédées par les propriétaires terriens; certains de ceux-ci possèdent des terres de dizaines de milliers d'hectares.
Le gaz coupé
Ces manifestations ont dégénéré cette semaine, faisant au moins deux morts jeudi. Des groupes de jeunes gens ont pris d'assaut et saccagé des bâtiments d'organismes publics (douanes, impôts, téléphone, etc.) dans plusieurs villes de leurs provinces. Ils bloquent le principal aéroport (Cobija) de l'une d'entre elles et empêchent l'accès à celui de Viru Viru (province de Santa Cruz, qui a pris la tête de la rébellion).
D'autres protestataires occupent depuis une semaine une importante station de contrôle d'un gazoduc dans le Chaco; le gaz - dont la Bolivie est le second producteur du continent - est le principal produit d'exportation du pays.
D'autres jeunes gens ont coupé depuis mercredi les routes d'accès au champ gazier San Alberto (principale source d'approvisionnement du Brésil et de l'Argentine), opéré par l'entreprise d'Etat brésilienne Petrobras.
Enfin, mercredi soir, une explosion, qualifiée par le président de la compagnie gazière d'Etat d'"attentat terroriste", a endommagé des installations à Yacuiba (frontière argentine, province de Santa Cruz), ce qui provoquera des pertes estimées à 8 millions de dollars par jour.
Le gouvernement a envoyé l'armée dans plusieurs régions pour protéger les gisements de gaz et les bâtiments publics.
L'ambassadeur expulsé
Mercredi encore, le président Morales a exigé le départ de l'ambassadeur des Etats-Unis, Philip Goldberg, accusé d'encourager "la division de la Bolivie" en soutenant les manifestants. La Paz reproche également à M. Goldberg des réunions avec le fer de lance de la rébellion, le gouverneur de la très riche province de Santa Cruz, Ruben Costas.
Washington a indiqué n'avoir pas reçu de notification officielle de l'expulsion de M. Goldberg et assure que les accusations portées contre lui sont "infondées".