L’extrême droite se refait une santé

La Hongrie file un mauvais coton. En proie à une crise économique qui l’a poussée au bord de la faillite, elle glisse depuis quelque temps sur la pente du racisme et de la xénophobie.

Sabine Verhest
L’extrême droite se refait une santé
©EPA

La Hongrie file un mauvais coton. En proie à une crise économique qui l’a poussée au bord de la faillite, elle glisse depuis quelque temps sur la pente du racisme et de la xénophobie. Un développement "récent" et "particulièrement alarmant", note la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (Ecri), dans un rapport publié mardi.

"Des articles antisémites paraissent régulièrement dans la presse et sur Internet, et le discours anti-Roms semble de plus en plus virulent et courant", regrette l’organe du Conseil de l’Europe. Les 800 000 Tsiganes, vis-à-vis desquels près de 80 pc des Hongrois nourrissent un a priori négatif, sont les victimes d’agressions croissantes.

L’arrestation de trois Tsiganes, accusés d’avoir poignardé à mort l’international roumain Marian Cozma, joueur de handball au club de Veszprem, a attisé le feu médiatique. Ainsi, l’éditorialiste du quotidien réputé "Magyar Hirlap" a-t-il assimilé les assassins présumés à des "bêtes qui veulent notre peau". "Malheureusement, énormément de membres de l’ethnie tsigane refusent la cohabitation au sein du peuple hongrois et ont ainsi rompu avec l’humanité."

Le Premier ministre socialiste Ferenc Gyurcsany a réagi avec force à l’éditorial, en demandant le 10 février par voie de communiqué "aux institutions de l’Etat et aux entreprises publiques d’annuler leurs abonnements et de ne plus jamais faire paraître de publicité dans le quotidien "Magyar Hirlap"". Le rédacteur en chef du journal, Istvan Stefka, qui ne voit "rien de mal" dans ce que son éditorialiste Zsolt Bayer a écrit, a crié à "l’atteinte à la liberté d’expression", qui "rappelle l’époque de Rakosi ou Kadar", sous la dictature communiste. Or, "si la législation ne peut à elle seule venir à bout des attitudes racistes, l’absence quasi totale de limites imposées à la liberté d’expression en Hongrie complique les choses s’agissant de promouvoir une société plus ouverte et plus tolérante à l’égard de ses propres membres", déplore l’Ecri.

Les autorités font d’ailleurs preuve d’une certaine volonté pour améliorer le sort des Tsiganes, souligne la Commission. Elles ont par exemple adopté, ces dernières années, des mesures pour remédier à la ségrégation scolaire ou pour augmenter le nombre de Roms recrutés dans la police. Les tribunaux, quant à eux, ont rendu "des décisions historiques" en matière d’égalité de traitement.

Nostalgie pronazie

Mais l’atmosphère demeure extrêmement pesante, et le parti Jobbik espère bien en profiter pour rafler un maximum de voix lors des élections européennes du mois de juin. "Le pays est paralysé par trois types de crimes : économiques, politiques et ceux des Gitans", n’hésite pas à affirmer publiquement son leader, Gabor Vona.

"La création et la visibilité accrue d’un groupe d’extrême droite, en particulier, inquiètent sérieusement certains membres de la société civile et du gouvernement, non seulement en raison des propos ouvertement anti-Roms et antisémites de ce groupe, mais aussi parce que ses membres portent des uniformes paramilitaires et des insignes qui rappellent fortement un parti de droite qui avait été au pouvoir en Hongrie pour une courte période pendant la Seconde Guerre mondiale, période durant laquelle des dizaines de milliers de Juifs et de Roms ont été tués", s’inquiète l’Ecri. Drapeaux rappelant celui des "Croix fléchées" au vent, des sympathisants pronazis ont récemment enfilé leurs combat shoes pour battre le pavé de Budapest et protester contre la hausse de la criminalité, réclamer le rétablissement de la peine capitale, tout en pointant la communauté tsigane.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...