Olivier Chastel: "Pas d’esbroufe, de l’action"

Depuis deux ans et demi, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Olivier Chastel (MR) prépare la présidence belge de l’Union européenne. Il en a dévoilé le programme, vendredi, en compagnie d’Yves Leterme et de Steven Vanackere. Le site de la présidence belge de l'UE

Sabine Verhest et Olivier le Bussy
Olivier Chastel: "Pas d’esbroufe, de l’action"
©Alexis Haulot

Depuis deux ans et demi, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Olivier Chastel (MR) prépare la présidence belge de l’Union européenne. Il en a dévoilé le programme, vendredi, en compagnie d’Yves Leterme et de Steven Vanackere.

L’élaboration de ce programme a, semble-t-il, été complexe. Comment êtes-vous parvenu à combiner les exigences de tous les partis politiques belges ?

En restant ferme. L’écueil, dans la rédaction de ce programme, aurait été d’y inclure des choses certes importantes, mais qui n’ont rien à voir avec les compétences européennes. Il a fallu que tout le gouvernement se mette bien en tête que nous n’allions pas, soudainement, révolutionner les pratiques européennes. Chacun avait envie de retrouver dans le programme un certain nombre de ses accents prioritaires. Il a fallu recadrer et je pense qu’on est arrivé à un résultat intéressant. Même dans le domaine social où, a priori, les institutions européennes n’ont pas une compétence extraordinaire parce que les Etats membres veulent garder les compétences sociales dans leur giron, on est parvenu à sérier ce qui était opérationnellement faisable.

Pouvez-vous donner un exemple de proposition hors cadre faite par les ministres ?

Il y en a eu dans le domaine social ou, à l’inverse, dans le domaine du marché intérieur avec des débats idéologiques de tendance hyperlibérale. La difficulté n’a pas été de nous entendre avec les institutions européennes, les Espagnols et les Hongrois, (avec lesquels la Belgique compose un trio de présidences), mais de nous mettre d’accord entre nous. Quand vous additionnez les familles politiques qui étaient autour de la table, en prenant le fédéral et les entités fédérées, vous imaginez toute la complexité de l’exercice. Cela a un inconvénient: il a fallu des dizaines d’heures de travail pour arriver à un accord. Mais cela a aussi un avantage: l’avènement d’un nouveau gouvernement ne changera rien au programme belge.

Aviez-vous anticipé la chute du gouvernement pendant la préparation ?

Ah non ! Je n’ai jamais imaginé qu’une famille politique allait prendre ainsi en otage la présidence européenne. Mais toutes les composantes gouvernementales de ce pays ont été associées à tout, jusque dans le choix de détails d’organisation. Il a fallu trois jours pour qu’on s’entende sur qui allait signer le courrier d’acceptation des accréditations des manifestations culturelles ! Tout cela nous a valu un travail immense, mais on s’en réjouit aujourd’hui parce que personne ne peut dire: "On ne savait pas, on n’a pas été associé, on n’aurait pas fait comme cela, on n’est pas d’accord avec le programme". Des Français m’ont encore dit tout à l’heure: "C e nationaliste, là (Bart De Wever, NdlR) , il va vouloir changer votre programme !" Mais non ! Sa famille politique est au gouvernement flamand, elle a participé à l’élaboration de notre programme et il n’y a pas de raison que, demain, Bart De Wever nous dise qu’il ne vaut rien.

La complexité de la mise au point de ce programme ne témoigne-t-elle pas de la fin d’un consensus général sur l’Europe en Belgique ?

Il reste un consensus général sur les qualités de l’Union européenne et sur ce qu’elle apporte à nos concitoyens, mais dès qu’on parle idéologie, les idéologues de droite et de gauche ressortent leurs thématiques privilégiées, sur la stratégie économique, sur l’immigration, sur les services. C’est même du fétichisme ! C’est la raison pour laquelle la rédaction du programme a pris du temps: il fallait trouver le mot qui permette le compromis ou les deux phrases qui s’équilibrent l’une l’autre. Rien que les dix pages du cadre stratégique du programme nous ont demandé cent heures de négociations !

N’y a-t-il pas un paradoxe pour un pays affaibli par des forces centrifuges à prendre la présidence d’une Union qui a pour devise “l’unité dans la diversité” ? Le message belge est-il crédible ?

Venir avec un programme malgré tout est un message de crédibilité. Je ne peux empêcher personne à l’étranger de pointer du doigt la Belgique qui veut diriger l’Europe pendant six mois alors qu’elle n’est pas capable de se diriger elle-même C’est impossible, si ce n’est en prouvant notre efficacité dès le 1er juillet. Notre programme, qui s’articule sur cinq grands axes prioritaires, contient surtout des objectifs précis, concrets et réalisables sur lesquels on nous évaluera le 31 décembre.

Au-delà du programme, il y a le message que vous envoyez: Yves Leterme répète que la Belgique sera modeste et essaiera de faire fonctionner la machine institutionnelle. Comment sensibiliser le citoyen avec un degré d’enthousiasme proche de zéro ?

Vous ne m’entendrez critiquer ni le fond ni la forme d’Yves Leterme. Il a eu la bonne réaction au bon moment, en nous demandant à tous de tout faire pour que la préparation de la présidence se termine correctement et d’assumer jusqu’à la dernière minute. Chacun dans notre domaine, nous œuvrons avec dynamisme. Regardez ce qu’il y a sur la table ! Si l’on arrive à faire passer la moitié, ce sera déjà une grosse présidence. On n’est plus dans le glamour ni le bling-bling, on est dans l’action.

Vous préparez cette présidence depuis deux ans et demi et, alors que l’échéance arrive enfin, le gouvernement tombe. Qu’avez-vous ressenti ?

Rien, je fais de la politique et je sais exactement dans quelle pièce je joue. Je n’ai pas été déçu à titre personnel, mais pour tous ceux qui ont mouillé leur maillot pour la préparation de la présidence dans mon cabinet et l’administration, et qui se sont dit que le ciel nous tombait sur la tête.

La Belgique prend la présidence de l’Union au moment où un Belge, Herman Van Rompuy, préside le Conseil européen. Qui des deux tirera le plus profit de cette situation ?

C’est une chance pour lui et pour nous. Lui a eu six mois pour voir ce à quoi il voulait arriver et va pouvoir gommer avec nous les inconvénients de qu’il a vécu au cours de ce semestre. Et nous, nous avions déjà défini notre philosophie du rôle des uns et des autres quand il était encore Premier ministre. Il n’y a donc pas de raison de changer notre position d’un iota parce que c’est un Belge qui a accédé à la fonction.

On entend dire que M. Van Rompuy a retourné sa veste communautaire pour privilégier l’intergouvernementalisme…

Nous le rencontrons assez souvent pour constater qu’il n’a pas viré sa cuti. Cela ne lui sert à rien de se mettre à dos des chefs d’Etat et de gouvernement alors qu’il est en train d’asseoir sa fonction, son pouvoir et ses prérogatives, quitte à ce qu’on dise qu’il laisse trop de place à l’intergouvernementalisme. J’ai l’impression qu’il agit plutôt habilement. Petit à petit. Sans esbroufe. Mais très efficacement.

Le paradoxe de cette nomination, c’est que la Belgique était à l’origine opposée à la création de ce poste et que c’est un Belge qui l’a obtenu…

C’est la meilleure manière d’en faire ce que nous avons envie d’en faire !

La Commission semble quand même un peu secouée par la méthode de travail de M. Van Rompuy…

Pourquoi M.Barroso s’émeut-il comme il le fait ? Parce qu’il y a un vrai danger d’intergouvernementalisme accru ? Ou parce que l’existence de M. Van Rompuy le pousse à être un peu plus courageux sur le plan communautaire ? J’ai l’impression qu’il y a une saine émulation entre ces deux fonctions.

Compte tenu de la situation politique, cette présidence belge sera-t-elle la dernière ?

Il faut arrêter de fantasmer là-dessus ! Si le principe de la présidence tournante existe toujours dans 15ans ou plus, il y aura encore une présidence belge. Et il y aura encore une Belgique.

De Gaulle disait: “Spaak essaie de contenir les forces centrifuges de la Belgique en l’entourant d’un bunker européen”…

C’est une belle image. Mais je ne dis pas que c’est d’application. Dans quelques mois, la Belgique aura résolu ses problèmes.

Dans quelle mesure la construction européenne permet-elle de maintenir la Belgique ?

Cela nous conditionne à ne pas aller trop loin. Lors de la préparation du programme du trio, le seul grain de sable a été le fait régional. Nous étions poussés dans le dos par des extrémistes qui voulaient le mettre en haut de l’affiche. Les Espagnols nous ont dit: "Dans ce cas-là, il n’y aura pas de présidence trio".

Est-il efficace d’envoyer tous les six mois un ministre régional ou communautaire différent pour représenter la Belgique au Conseil ?

C’est notre mode de fonctionnement. Ce n’est évidemment pas efficace, même s’il existe un comité de concertation pour se mettre d’accord en interne sur la position belge. Cela n’a pas empêché que certains ne respectent pas au Conseil ce qui avait été arrêté en concertation

La présidence ne risque-t-elle pas de connaître un coup d’arrêt lors du changement de gouvernement ?

Aux familles politiques de choisir les bons ministres. Quand la préparation est bonne et que l’administration est efficace, on est rapidement dans le bain. Je suis persuadé que la classe politique est suffisamment compétente pour que les membres d’un nouveau gouvernement entrent dans les dossiers séance tenante. Une transition, cela prend trois jours.

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