Spitaels: "Chacun joue ses propres cartes"
Retiré de la vie politique belge, Guy Spitaels se consacre aux enjeux internationaux, qu’il aborde à travers les chroniques qu’il publie dans "Le Vif/L’Express". Le recueil qu’il publie est augmenté d’une large introduction abordant le rôle des "grands pays".Trans Europe Express: le blog européen
- Publié le 03-09-2010 à 04h15
- Mis à jour le 03-09-2010 à 08h36
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Entretien Retiré de la vie politique belge, Guy Spitaels se consacre aux enjeux internationaux, qu’il aborde à travers les chroniques qu’il publie dans "Le Vif/L’Express". Le recueil qu’il publie est augmenté d’une large introduction abordant le rôle des "grands pays".
Peut-on imaginer un éclatement de l’Europe ou de la zone euro ?
Je crois qu’il est malséant de parler d’une crise de l’euro. Même si Stiglitz l’a évoquée. Pour moi, c’est la fin de "la belle histoire". J’ai marché dans la belle histoire. Dans les deux périodes. Les pères fondateurs quand j’étais étudiant et la période "Delors" que j’ai connue comme président des socialistes européens. Maintenant, c’est le "grand machin". Il faut essayer de sauver les meubles. La crise est profonde. Est-ce qu’il y aura un "revival" dans une autre génération ? Je ne verrais pas une romance politique de l’Europe. Je ne crois pas à tous ces discours. Donc c’est un grand état, l’Allemagne, qui se retrouve au centre. Et donc dans notre "concert européen". Les Chinois sont trop polis pour nous le dire mais ils ne prennent absolument pas l’Europe au sérieux. Ils ont des contacts avec l’Allemagne et le Royaume-Uni pour des problèmes précis. Ils ont un dialogue et des partenariats stratégiques avec l’Europe mais ils ne nous prennent pas au sérieux. Ils savent que les véritables acteurs sont les états, qui se concurrencent d’ailleurs de manière sauvage à Pékin. Comment faire le gros dos en espérant que cela reparte sous une autre forme ? J’ai milité étant jeune pour que l’Europe soit un acteur global. Et l’Europe ne l’est pas. C’est ma grande tristesse. Il faut espérer un autre noyau dur quand des leçons auront été tirées de ces errements et mettre en place des structures plus efficaces.
Quel rôle pensez-vous que le sentiment d’appartenance d’un peuple à un état joue dans la construction d’une nation ?
Il est fondamental. Les états cherchent à consolider leur pouvoir en jouant la carte du nationalisme.
Le comportement des grands états européens montre-t-il qu’ils sont conscients du délitement d’un sentiment européen et qu’ils cherchent à acquérir des tailles leur permettant de se neutraliser ?
Non, je crois que l’Allemagne s’engouffre dans les failles. C’est invraisemblable que dans une communauté d’état qui a créé la Ceca, nous n’ayons pas de politique énergétique commune. S’il y a bien un point de la politique étrangère qui devrait être ferme, c’est celui-là. L’union ne l’a pas. Donc chacun joue ses propres cartes. On n’a pas d’armée, pas de politique étrangère, pas de politique énergétique, pas de politique économique. Voilà c’est comme ça
Pour davantage peser dans le monde, les pays européens doivent-ils abandonner davantage de souveraineté ? Au risque de voir se développer ensuite des antagonismes régionaux de la part de ce que seraient devenus les états ?
Oui. Malheureusement le climat a beaucoup évolué. Comment se fait-il qu’en 94 les Allemands proposent un noyau dur qui voulait aller plus loin alors que je ne vois pas un politique allemand se risquer à cela 16 ans après ? Il faut en politique pouvoir saisir les moments de grâce. Le temps joue contre les pays européens. Ne se rendent-ils pas compte qu’ils ont la taille critique pour jouer d’égal à égal, notamment sur la question la plus empoisonnante qu’est le Proche-Orient. Que comptons-nous dans le quartette ? Zéro. C’est consternant. Si l’Europe jouait un rôle important dans le monde, les jeunes seraient intéressés mais on est contents comme ça. Van Rompuy, Ashton, Barroso, comment voulez-vous que ce soit clair ?
"Chroniques impies", Guy Spitaels, La Renaissance du livre, 14 €