Libye: "Steven, je vais te réexpliquer notre position"
Ceci n’est pas une pétaudière. Nuance, Mesdames et Messieurs, c’est un gouvernement en affaires courantes. L’Exécutif Leterme II, démissionnaire, s’est réuni lundi pour cadrer l’intervention des militaires belges en Libye - des avions de chasse F-16 à ce stade.
- Publié le 22-03-2011 à 04h15
- Mis à jour le 22-03-2011 à 15h48
:focal(115x89:125x79)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/W27XJFQFC5DRDNOYWTUUABWWAQ.jpg)
Ceci n’est pas une pétaudière. Nuance, Mesdames et Messieurs, c’est un gouvernement en affaires courantes. L’Exécutif Leterme II, démissionnaire, s’est réuni lundi pour cadrer l’intervention des militaires belges en Libye - des avions de chasse F-16 à ce stade .
Si un consensus est d’application entre les cinq formations politiques du gouvernement (CD&V, Open VLD, PS, MR, CDH), il n’est que de façade. Afin de ne pas le faire voler en éclats, les ministres se sont d’ailleurs engagés lundi à ne pas communiquer par voie de presse sur les opérations militaires en cours.
Dans la matinée, le ministre de la Défense Pieter De Crem et le Premier Yves Leterme, deux CD&V, s’étaient levés aux aurores pour souligner à la RTBF et à la VRT que l’objectif poursuivi était bien de faire partir le colonel Kadhafi. Voilà qui a fait avaler quelques tasses de café de travers - notamment au PS. Où l’on estime que l’unique socle à l’intervention belge est la Résolution 1973. "Il n’est aucunement question d’intervenir pour changer de régime !" , explique-t-on au Parti socialiste.
C’est ce que le PS Paul Magnette assène aux journalistes qui l’attendent sur le trottoir de la rue de la Loi avant le conseil des ministres de ce jeudi. "Nous sommes surpris par les déclarations de Leterme et de De Crem, dit-il . C’est exact." L’agence Belga ramasse et titre : "Divergences de vues au sein du gouvernement belge" dans une dépêche diffusée vers 13h34.
- A l’étage, au 16, rue de la Loi, le gouvernement est réuni autour de Leterme. Le CHOD, chef des armées belges, Charles-Henri Delcour, a fait le déplacement, pour exposer la situation et répondre aux questions des ministres. Steven Vanackere, de son côté, lit la dépêche. Le Bruxellois bouillonne. "Qu’est-ce que c’est que ce truc-là ?, s’énerve-t-il. Des dissensions au sein du gouvernement ? On ne fait quand même que répéter ici ce que nous avons dit la semaine dernière, tempête le ministre des Affaires étrangères . Je vois que certains font des déclarations à l’extérieur, il faudrait quand même que cela cesse..."
L’ambiance est plombée, mais le ton reste "courtois", selon plusieurs participants. Paul Magnette, car c’est lui qui est visé par Vanackere, prend la parole.
- "Puisque je crois que tu parles de moi, Steven, je vais te réexpliquer notre position. Nous sommes des légalistes, nous acceptons cette intervention sur base de la résolution 1973 des Nations unies. Mais il s’agit d’être clair : cette opération ne vise pas à renverser Kadhafi" , expose le socialiste Paul Magnette. Plus tôt, dans la matinée, lors d’un groupe de travail préparant le conseil des ministres, le PS avait déjà mis en garde contre les "Va t’en guerre du CD&V" . Au PS : "Si on les écoutait, on déclarerait la guerre de suite à une dizaine de pays !", s’offusque un spécialiste.
La position des socialistes francophones étonne ce membre de la coalition : "A quoi joue le PS ? A essayer de faire tomber Pieter De Crem en pleine opération militaire ? C’est ridicule. A un moment, il faut se calmer."
On se calme. Yves Leterme comprend que c’est la terminologie "offensive" qui hérisse le PS.
Et c’est là que la présidente du CDH, Joëlle Milquet, choisi de placer une intervention.
- "Ne devrait-on pas prendre davantage de précautions ? , demande-t-elle devant plusieurs de ses collègues. Je voudrais que l’on inscrive dans le texte de la résolution que les militaires belges s’engagent à prendre toutes les précautions nécessaires en cas de bombardement au sol notamment par rapport aux civils."
- Didier Reynders (MR) : "Bon, il va falloir arrêter à un moment donné de se voiler la face : ce sont des militaires, ils prennent des risques qu’on le veuille ou non. On peut écrire des dizaines d’amendements, mais ça ne sert à rien de tomber dans l’hypocrisie, c’est une guerre. Et oui, cela comporte des risques", intervient le vice-Premier ministre libéral.
"Il est exagéré de prétendre que Milquet a voulu déposer des dizaines d’amendements, rapporte un participant à cette réunion . En revanche, elle a bien tenté de milquetiser les textes..." Rappel : "milquetiser" est un verbe transitif induisant notamment l’introduction de nombreux amendements en vue de changer plus ou moins l’inclinaison d’un texte en cours de négociation.
Mais revenons à nos avions. La discussion est clôturée après quarante minutes : le Premier ministre fait savoir au chef d’Etat major Delcour que les chasseurs belges peuvent décoller. Roger and out.
Les marines de l'Otan vont se charger de l'embargo sur les armes Les pays de l'Otan ont décidé mardi de confier à leurs marines la mission de faire respecter l'embargo sur les armes à destination de la Libye décidé par l'ONU, a annoncé un diplomate allié. Les ambassadeurs des 28 pays de l'Otan réunis au sein du Conseil de l'Atlantique-Nord "sont tombés d'accord pour imposer un embargo sur les armes qui seraient acheminées par mer", a-t-il déclaré sous réserve de l'anonymat.
Ce mercredi de 12h à 13h, chattez avec Michel Liégeois, professeur de Relations Internationales à l'UCL