L’uniforme de retour dans des écoles

Rétablir l’uniforme à l’école. L’idée est dans l’air depuis près de dix ans : depuis 2002, année du retour de la droite au gouvernement. Gilles de Robien, Xavier Darcos ou Xavier Bertrand furent parmi les ministres de l’Education successifs qui en parlèrent.

Bernard Delattre - Correspondant permanent à Paris

Rétablir l’uniforme à l’école. L’idée est dans l’air depuis près de dix ans : depuis 2002, année du retour de la droite au gouvernement. Gilles de Robien, Xavier Darcos ou Xavier Bertrand furent parmi les ministres de l’Education successifs qui en parlèrent. La chose, toutefois, ne se concrétisa jamais. Ce serait, il est vrai, une petite révolution : c’est en 1968, année politiquement très symbolique, que l’Hexagone remisa les blouses obligatoires au placard.

Ces jours-ci, le sujet resurgit. Mardi soir, un parterre de militants UMP a très applaudi François Fillon lorsqu’il a préconisé la chose. "Je me réjouis de la proposition d’expérimenter la mise en place d’une tenue uniforme dans certains de nos établissements scolaires", s’est félicité le Premier ministre. Pour qui "l’intégration républicaine passe par la transmission des valeurs, par l’autorité, par la discipline, mais aussi par certains signes. Le signe qu’à l’école, on est tous pareils, qu’il n’y a pas de différences de classe sociale, c’est un des éléments forts de l’intégration républicaine".

Dimanche soir déjà, le ministre de l’Education s’était dit sur la même longueur d’onde. Et l’"expérimentation d’un code vestimentaire commun à l’école" figure dans les conclusions de la convention que l’UMP vient de consacrer à l’Education. Pour le parti sarkozyste, en effet, autant "le retour de l’uniforme à l’école pourrait paraître désuet", autant "l’expérimentation dans certains établissements - sensibles, notamment - d’un code vestimentaire commun n’est pas une mesure d’ordre purement symbolique". Car elle aurait un triple impact positif. Sur "l’égalité des chances", "pour éviter les risques de stigmatisation entre élèves", en fonction de la tenue vestimentaire. Sur "le rétablissement d’un environnement de travail rigoureux". Et sur "la fierté d’appartenance à un établissement".

Actuellement en France, l’uniforme scolaire n’est généralisé que dans les départements d’outre-mer et dans les lycées français à l’étranger. En métropole, on le retrouve ponctuellement dans certains établissements d’enseignement privés. Des lycées publics professionnels prohibent aussi, via leur règlement d’ordre intérieur, le port de certaines tenues : jeans, pantalons taille basse, survêtements de sport, baskets ou jupes courtes.

Que pense-t-on du retour à l’uniforme, dans le monde de l’Education ?

L’idée séduit les associations familiales. Elles y voient un moyen à la fois de protéger les familles moins favorisées de la pression consumériste, et de lutter contre le racket de vêtements de marque. Les syndicats lycéens, eux, y sont très opposés, se souvenant que leurs prédécesseurs "se sont battus pendant quarante ans pour l’abandon de l’uniforme". Pour des sociologues de l’éducation tel Michel Fize, "l’uniforme, comme l’interdiction du tutoiement de professeur à élève, comme l’imposition faite aux élèves de se lever quand rentre "le maître", cela témoigne d’un projet pour l’école assez rétrograde. L’école n’est pas hors du monde. Avec l’uniforme, on crée une école ghetto, hors du temps".

Du côté des proviseurs, on rappelle que "la tenue vestimentaire n’est pas le seul élément social distinctif" (téléphones portables de marque, etc.). Ce que soulignent également les fédérations d’associations de parents d’élèves. Y compris la fédération cataloguée la plus à droite juge que "c’est une fausse bonne idée, qui escamote les questions de fond : les distinctions sociales ne restent pas à la porte de l’école grâce à une blouse".

Ces dernières années, déjà, des députés UMP, appartenant plutôt à l’aile la plus à droite de ce parti, avaient fait campagne contre les "tenues provocantes" à l’école. Et avaient réclamé une loi imposant le port d’une tenue commune dans les établissements du premier et du second degrés, afin notamment "que les enseignants aient, face à eux, lors de leurs cours, un public dignement vêtu". A gauche, on s’agace d’un tel activisme. Ainsi, pour le PCF, le retour à "l’uniforme ne créera que l’illusion d’une égalité entre élèves. La droite aurait mieux fait de lutter vraiment contre les inégalités sociales et scolaires".

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