Hollande-Sarkozy: Moi président... toi, menteur!
Sans conteste, le débat télévisé a permis aux deux candidats de confronter leur programme et personnalités. Nicolas Sarkozy justifie son bilan et passe à l'attaque. François Hollande rétorque et présente sa vision d'une présidence "normale". Un débat beaucoup plus tendu qu’en 2007.
Publié le 03-05-2012 à 10h03
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Lors de ce type de débat crucial, historique même, il y a une constante : chaque militant, qu’il soit caché ou qu’il s’assume, sort convaincu d’une telle soirée. Son candidat est sorti gagnant du duel ! Cela ne fait évidemment aucun doute ! Malgré tout, on notera que Nicolas Sarkozy était très offensif et François Hollande souvent contraint de se défendre ou d’expliquer ses propos. Et puis, le président-sortant, forcé de se justifier sans cesse sur son bilan, a opté pour une attaque en règle des propositions de son adversaire.
Concrètement, les tensions étaient beaucoup plus nombreuses et fortes qu’en 2007. Un vrai débat, sans aucun doute. Grâce notamment à des présentateurs qui ont respecté leurs rôles à la lettre… « être là, sans être vu ». Disons-le, ce débat est passé beaucoup trop vite.
Rassembler ? Oui, mais chacun à sa façon…
D’emblée, François Hollande se présente comme rassembleur : « Je serai le Président de la justice et du rassemblement face à la crise grave qui affecte les plus exposés, alors que les privilégiés ont été trop protégés. » De son côté, Nicolas Sarkozy attaque son adversaire : « Très classique sa réponse. Je veux un moment d’authenticité, de vérité. Pas des formules creuses. Cette élection est un choix historique. Nous ne sommes pas dans une crise, mais dans des crises. Je ne suis pas un homme de parti. Le rassemblement, c’est parler aussi à ceux qui ne sont pas de votre côté. Ce débat doit être un moment de démocratie pour tous les Français.»
Sans perdre de temps, les deux candidats ont repris leurs critiques habituelles, celles qu’ils s’envoient depuis le début de la campagne électorale. Ainsi, Sarkozy a indiqué que son adversaire ne pourrait "esquiver" les questions de fond. De son côté, le socialiste a décrit Sarkozy en président "diviseur" qui oppose les vrais travailleurs aux chômeurs.
Sur les constats économiques de François Hollande, Nicolas Sarkozy s’enfonce dans la brèche: « Je n’étais pas au pouvoir aux Etats-Unis, en Espagne,… et j’entends ce soir que vous prenez l’Allemagne comme référence… Ca m’intéresse ! Mais ce pays exemplaire applique concrètement la politique que vous combattez. Vous dites que l’Allemagne a fait mieux que nous, mais vous refusez de reprendre la moindre mesure prise par l’Allemagne. Vous devez prendre vos responsabilités. Au nom de quoi va-t-on encore faire la lutte des classes dans les entreprises, gérées par l’Etat. Votre choix pour la relance de la croissance, il n’y a pas un pays qui le suit.»
"Ce n'est pas un concours de petites blagues!"
Vient ensuite la classique bataille des chiffres. Et là, François Hollande a failli se laisser entraîner sur un terrain glissant… avant de se rattraper de justesse : « Vous n’êtes pas là pour donner des notes ! Et puis, avec vous, ce n’est JAMAIS de votre faute. Il y a moyen de faire mieux ! Mais vous, quoi qu’il arrive vous êtes content.» A quoi Sarkozy rétorque : « Ce n’est pas le concours de la petite blague ! Y a-t-il un pays qui a fait mieux que la France depuis 2009?». « Oui, les Etats-Unis et l’Allemagne », rétorque souriant Hollande.
La proposition de François Hollande de créer 60.000 postes en plus dans l'éducation nationale «ne résoudra rien, mais augmentera la paupérisation. Il va falloir que vous supprimiez 61.000 postes ailleurs. Je voudrais bien savoir lesquels», interpelle Nicolas Sarkozy, sans que François Hollande ne réponde sur ce point. «Vous serez incapable de trouver des économies, c'est de la folie financière ! Le problème de l'enseignement en France ce n'est pas un problème de quantité, mais bien de qualité. Il faut mieux former et mieux rémunérer», ajoute le président sortant.
Le pouvoir d’achat, vous allez bloquer les prix de quoi ?
Concernant le pouvoir d'achat, le candidat socialiste veut "faire en sorte que les salaires soient liés à la croissance. Le Smic sera lié aux prix. Je trouve aussi que des dépenses sont trop élevées (eau, gaz), j'instaurerai donc un forfait de base pour que les consommateurs paient le même tarif, qui serait progressif en fonction de leur consommation. Sur l'essence il y aura un blocage pendant trois mois". Nicolas Sarkozy attaque : « Sur l'essence, vous allez bloquer quoi ? Pas le prix du baril de brent que vous allez acheter. Personne ne l'imagine, c'est le prix de distribution du carburant raffiné. L'Etat va donc acheter à des prix de plus en plus élevés tout en bloquant les prix. Qui va payer ? C'est le contribuable." Non, le distributeur répond son adversaire.
Mensonges, encore et encore… Mais qui dit vrai ?
Sur l’impôt sur la fortune, Nicolas Sarkozy accuse une nouvelle fois son adversaire de «mensonge», affirmant être le seul pays à l’avoir maintenu en Europe. Il accuse : «Allez dire qu’il n’y a plus d’impôts sur la fortune et que nous avons fait des cadeaux aux riches, c’est un mensonge». François Hollande rétorque: «Vous avez permis que les contribuables plus fortunés reçoivent un chèque du Trésor public chaque année. Moi ce que je recommande c’est la justice fiscale ».
"Vous voulez moins de riches et je veux moins de pauvres", affirme Sarkozy. "Il y a plus de pauvres et des riches de plus en plus riches", répond Hollande. "Vous avez défini une personne riche comme gagnant plus de 4 000 euros", rappelle le président-sortant. "Vous savez très bien que j'ai fixé à 1 million d'euros par an le seuil d'imposition et non pas à 4 000 euros par mois..." rappelle le candidat socialiste.
Renégocier le pacte budgétaire européen ? Le candidat socialiste affirme que «beaucoup de retard a été pris sur la crise de la zone euro et nous en payons les conséquences. La France elle-même a été dégradée par une agence de notation et c’est forcément regrettable. Ce que j’ai demandé c’est qu’il y ait une renégociation du traité pour que nous puissions intégrer des dimensions de croissance ». Réponse de Nicolas Sarkozy, particulièrement à l’aise quand il évoque sa gestion de la crise : « La France n’a jamais emprunté aussi peu cher qu’aujourd’hui alors que l'Espagne, après 7 ans de gouvernement socialiste, emprunte au double. Ma gestion ne doit pas être si désastreuse que ça. Et puis, Mr Hollande veut une taxe des transactions financière… je l’ai votée !". "Non, vous avez simplement rétabli l’impôt de bourse", rétorque Hollande. "Nous l’avons créee, elle rapportera un milliard d’euros", tranche Sarkozy.
Pour et contre le droit de vote des étrangers
Vient ensuite la question de l’immigration… et la polémique sur le droit de vote des étrangers aux élections locales. François Hollande évoque la position auparavant favorable de Nicolas Sarkozy sur ce sujet. «Moi, je ne change pas de position», affirme le socialiste qui soumettra cette proposition au Parlement s’il y a une majorité au 3/5e. Nicolas Sarkozy précise avoir beaucoup réfléchit sur cette question. «Je considère comme irresponsable de proposer un vote communautaire et communautariste alors que nous sommes face à des tensions communautaires. Nous ne sommes pas favorables au vote des étrangers. »
Sur la loi interdisant la burqa, le concours de fléchettes est relancé : "Avez vous voté la loi sur la burqa ?", demande Nicolas Sarkozy. "J'ai voté la résolution", rappelle François Hollande. "Vous avez voté un principe virtuel. Sur la loi, vous étiez aux abonnés absents, vous vous êtes abstenu de participer. La vérité c’est que vous aviez peur de l’incapacité de la République de faire respecter cette loi . Si vous n’êtes pas quelqu’un qui varie comme une girouette !"
Hollande : "Moi, président de la République..."
Et voici comment Hollande souhaite exercer son mandat: "Je veux être un président qui respecte les Français, qui ne veut pas être chef de tout en en définitive de rien", assure-t-il. "Moi, président de la République, je ne traiterai pas mon premier ministre de collaborateur. Moi, président de la République, je ne participerai pas à des collectes de fond pour mon parti dans un hôtel parisien. Moi, président de la République, je ferai en sorte que mon comportement soit exemplaire. Je ferai réformer le statut pénal du chef de l’Etat. Je constituerai un gouvernement paritaire, les ministres ne pourraient pas cumuler avec un mandat local. Je ferai en sorte que les partenaires sociaux soient considérés. J’engagerai de grands débats, celui de l’énergie. J’introduirais la représentation proportionnelle. J’essaierai d’avoir de la hauteur de vue."
"Comment osez-vous dire que j'ai eu un mandat partisan?" lui réplique le président-sortant en rappelant les mandats confiés à des membres de l'opposition (Cour des Comptes, FMI,...). "M. Hollande, vous avez parlé, sans doute pour être désagréable, à mon endroit d’un président normal. C'est un beau discours qui vous a d'ailleurs donné «la larme à l’œil»."
Qui a gagné ce duel?
A en croire les nombreuses enquêtes d'opinion réalisées pendant l'émission sur les sites internet, Nicolas Sarkozy l'aurait emporté sur son adversaire François Hollande. Même si ces pseudo-sondages n'ont rien de scientifiques, les conclusions n'en restent pas moins peu contestables... Mais voilà, pour espérer changer le cours de la campagne, Sarkozy devait faire plus que remporter cet exercice télévisé, il devait pousser Hollande à la faute. Ce dernier n'a sans doute pas brillé, mais il a résisté.
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