Un grand pas vers le rejet d’Acta

Les eurodéputés ont rejeté l’Acta, jeudi, en commission du commerce international. Il n’est pourtant pas acquis que cet accord international soit aussi rejeté en plénière.

Stéphanie Grofils

Le Parlement européen devrait dire "non" à l’Acta (Anti-Counterfeiting Trade Agreement), en séance plénière le 4 juillet prochain. C’est l’avis des eurodéputés de la commission du commerce international (Inta) qui ont rejeté cet accord commercial anti-contrefaçon, jeudi, par 19 voix pour et 12 voix contre. "Ce vote est dirigé contre le contenu du texte de l’accord, et non contre la protection de la propriété intellectuelle", a souligné le rapporteur, David Martin (Socialistes et démocrates, S&D) à l’issue du vote, jeudi.

Le rapporteur britannique a expliqué que son groupe avait "le sentiment que cet accord était trop vague, et que le document laissait trop de questions en suspend", notamment quant au rôle que les fournisseurs Internet pourraient jouer dans le contrôle de la Toile, à un usage commercial qui n’est pas défini, et à des sanctions disproportionnées en cas d’infraction du copyright, pour les S&D. "La majorité a décidé que les libertés civiles prévalaient", a ajouté David Martin.

En votant contre l’Acta, la commission INTA rallie la position des quatre autres commissions - de l’Industrie, des Affaires juridiques, des Libertés civiles, et du Développement -, qui avaient déjà recommandé au Parlement européen de rejeter l’accord, lors de la session plénière, désormais fixée le 4 juillet prochain.

Le commissaire européen en charge du Commerce, Karel De Gucht, qui a negocié et signé l’accord anti-contrefaçon au nom de l’Union, a pourtant exhorté les eurodéputés à reporter la décision sur l’Acta jusqu’à ce que la Cour européenne de Justice ait "clarifié la légalité" du texte. La Commission européenne a décidé, en février, de saisir la Cour afin de déterminer si l'Acta "contrevient ou non aux libertés fondamentales, concernant Internet et le discours", qui sont inscrites dans les traités de l’Union, "car c’est pour cela que les gens sont descendus dans la rue" depuis fin 2011, a expliqué Karel De Gucht.

Pour le député socialiste Marc Tarabella, chef de délégation PS au Parlement européen, "Karel De Gucht a saisi la Cour pour reporter le plus tard possible le vote Acta au Parlement européen. Car plus la procédure dure, moins les gens descendent dans la rue, et plus la pression anti-Acta retombe", soutient le député belge. "Son objectif final est de repousser le vote jusqu’en 2014, lorsque les nouveaux députés seront moins au fait des dangers du texte", soutient le socialiste.

Même si le Parlement européen rejette l’accord anti-contrefaçon le 4 juillet, "la Commission européenne continuera à poursuivre la procédure en cours devant la Cour", a annoncé Karel De Gucht. "Si la Cour déclare que l’Acta est en conformité avec les traités", ce que suppose le commissaire belge, "je serais prêt à proposer quelques clarifications à l’accord", par exemple "sur son application dans l’environnement numérique", et "sur ce que signifie le partage des informations par rapport à la protection de la propriété intellectuelle". Et "une fois que nous aurons identifié et discuté ces précisions", j’envisagerai de soumettre une nouvelle fois l'Acta au "consentement du Parlement européen", a-t-il déclaré.

Si la Cour estime en revanche que l’accord commercial n’est pas en conformité avec les libertés fondamentales défendues par les traités de l’Union, "je prendrai ses remarques en considération", a répondu Karel De Gucht, sans spéculer.

A noter que si le Parlement rejette l’Acta le 4 juillet, l’Union européenne ne ratifiera pas l’accord, et il est très douteux qu’elle soit en mesure de renégocier le traité.

Le rejet en commission Inta ce jeudi est certes un "bon signal" pour les anti-Acta qui rêvent de voir l'accord définitivement enterré en séance plénière. Mais rien n’est acquis. Les divergences persistent au sein de certains groupes, à commencer par le Parti populaire européen (PPE, centre-droit) qui n’a pas donné de consignes de vote contrairement aux groupes S&D, Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe, la gauche unitaire européenne et le groupe des Verts qui ont, eux, appelé à rejeter l’accord.

Le PPE et les conservateurs et réformateurs européens militent également pour un ajournement de la procédure. C’est encore le PPE qui comptait, selon une source, déposer une requête pour que le vote sur l’Acta jeudi soit secret, et que la presse ne soit pas autorisée à y assister, alors que les débats et votes du Parlement européen sont publics.

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